TRIBUNE
Une carte blanche d’Adélaïde Charlier, activiste pour la justice climatique et les droits humains, Carine Thibaut, pour Greenpeace Belgium et Francis Panichelli, pour Grands-Parents pour le Climat.
Pour 1 euro par coureur, cette multinationale fossile s’offre une splendide campagne publicitaire de greenwashing. Des villes comme Lyon ou d’autres marathons ont choisi de privilégier des sponsors plus durables. Bruxelles doit en faire autant.
Les 20 km de Bruxelles rassemblent des milliers de coureuses et coureurs dans les rues de Bruxelles. Des milliers de personnes viennent aussi encourager leurs familles. Cet événement sportif respectable et populaire est par contre sponsorisé depuis de longues années par la multinationale TotalEnergies. Un sponsoring qui apparaît impensable à l’heure d’aujourd’hui. Quand on connaît la très problématique position de TotalEnergies en Russie et sa responsabilité actuelle et historique dans la crise climatique, ce sponsoring pose de nombreux problèmes d’éthique. Pour un montant qui n’est pas si élevé qu’on pourrait le croire.
En s’associant à une course populaire, la multinationale TotalEnergies cherche à renforcer son image publique et à développer son influence sur le grand public. L’esprit même de la course s’en trouve à nos yeux abîmé.
TotalEnergies, des bombes climatiques encore et encore
La combustion des énergies fossiles est responsable dans le monde de 89% des émissions de gaz à effet de serre. Comme le déclarait cette année le secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres, les pays les plus riches devront sortir des énergies fossiles avant les pays les plus pauvres. La COP28 sera cette année fortement attendue sur le sujet. Cela concerne également les grandes majors pétrogazières de notre monde. Les entreprises d’énergies fossiles ont une responsabilité historique et actuelle sans précédent dans cette crise.
Tout d’abord, Total savait. Dire cela n’est pas anodin quand on pense aux conséquences actuelles et à venir du dérèglement du climat. TotalEnergies avait pleinement connaissance du lien de causalité entre la combustion des combustibles fossiles et le réchauffement climatique depuis 1971 et a choisi délibérément de ne pas agir. Pire, la multinationale a choisi de semer le doute dans l’opinion et d’empêcher toute action climatique.
EACOP, une bombe climatique
Les activités problématiques de l’enseigne française n’en finissent pas de défrayer la chronique. Prenons la bombe climatique “EACOP” en Afrique de l’Est, ses 400 puits de forage et son oléoduc géant. Il s’agit d’extraire le pétrole du sous-sol, aux propriétés visqueuses qui ensuite sera chauffé à 50 °C pour permettre son écoulement puis pompé par oléoduc en direction du port de Tanga, sur la côte tanzanienne. L’oléoduc s’étendra sur 1.500 kilomètres.
Il s’agit d’un désastre humain et environnemental colossal pour toute la région. Plus de 100.000 personnes voient leur activité agricole directement entravée, près de 84.000 familles n’ont jamais été indemnisées ou très tardivement, entraînant pour de nombreuses familles un basculement dans la pauvreté. Dans le reportage d’Amnesty, Richard Okumu témoigne : “Ils ont mis quatre ans avant de m’indemniser, autant de temps pendant lequel je n’avais plus accès à ma terre, explique-t-il. Pour survivre, j’ai dû emprunter de l’argent. Or, ma terre étant saisie, les banques n’ont pu accepter en garantie mon titre de propriété. Résultat, j’ai eu recours à des prêteurs véreux, qui pratiquent des taux délirants. Le quart de mon indemnité est parti en intérêts !”. Le projet menace aussi la biodiversité en traversant de nombreux écosystèmes fragiles. La vie des espèces, et des humains, vivant dans ces milieux sera profondément affectée par ce projet pétrolier. Outre le projet EACOP, rappelons que la major est celle qui a approuvé le plus de nouveaux projets pétroliers et gaziers en 2022. La multinationale dit avoir fait sa transition, mais on est bien loin du compte. Une lettre ouverte signée par 188 scientifiques dénonce l’inadéquation de la stratégie climat de TotalEnergies au regard de l’accord de Paris.
Toujours en Russie et des profits indécents
À l’heure actuelle, TotalEnergies est la dernière grande entreprise pétrolière et gazière occidentale à ne pas avoir annoncé la fin de ses activités en Russie. En effet, malgré les dépréciations, il reste encore des participations dans des projets comme LNG Yamal ou Novatek, qui constituent des recettes non négligeables pour le régime de Vladimir Poutine. Qu’elle le veuille ou non, le maintien de ses investissements alimente le butin de guerre.
En pleine inflation généralisée en Europe, la multinationale affiche des profits indécents. Rien que pour le premier trimestre 2023, ces derniers avaient augmenté de 12 %, bondissant ainsi à 5,9 milliards.
Les 20 km valent mieux que Total
La multinationale se sert de l’image positive et populaire des 20 km de Bruxelles. Pour un euro par coureur, elle s’offre une campagne publicitaire peu chère auprès d’un large public, s’assurant ainsi de son acceptabilité sociale.
Il est plus que temps que les entreprises fossiles soient tenues responsables des dégâts qu’elles causent. Des villes comme Lyon ou d’autres marathons ont choisi de privilégier des sponsors plus durables. Les 20 km de Bruxelles doivent en faire autant.