Lettre ouverte désenchantée d’un citoyen désenchanté à l’ex-Ministre de la Justice et à ses ex-collègues qui voudront bien la lire.

Épisode 30
Quand la Justice n’est plus.
Votre lettre de démission n’est pas à la hauteur de ce qu’elle aurait pu être
On voudrait vous dire, Monsieur l’ex-Ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne, que vous pourriez aisément renforcer votre stature politique pour les prochaines élections fédérales qui auront lieu dans quelques mois : votre lettre de démission n’est pas à la hauteur de ce qu’elle aurait pu être et pêche par son côté lacunaire. Vous n’êtes pour rien, dites-vous, dans la faute[1] du magistrat qui serait à l’origine de la mort, il y a quelques semaines, de ces deux pauvres suédois qui venaient assister à un match de football à Bruxelles. Mais vous avez tenu à  démontrer votre sens des responsabilités en démissionnant du gouvernement dont vous étiez l’un des piliers en justifiant ainsi votre décision :

Le magistrat compétent n’a pas donné suite à cette demande d’extradition et le dossier n’a pas été traité, c’est une faute individuelle, monumentale, une faute inacceptable, aux conséquences dramatiques
avez-vous déclaré en rajoutant :
en assumer la responsabilité en démissionnant
puis en complétant
Je ne cherche aucune excuse. J’estime qu’il est de mon devoir de le faire. Cette nouvelle information, venant du Parquet, me touche en plein cœur, car j’ai fait tout mon possible pour améliorer notre justice.

Pour notre part, nous prendrons garde de ne point entrer dans la polémique ouverte par un magistrat honoraire[2] considérant que votre action en tant que Ministre de la Justice serait plutôt celle d’un « Ministre des Courants d’air ».

Des fautes de magistrats, on en connaît un nombre dramatiquement important, commises délibérément
Non, nous, on voudrait vous alerter et vous dire que des fautes de magistrats, on en connaît un nombre dramatiquement important, commises délibérément et dépassant l’entendement. A ce stade, elles n’ont certes pas entraîné la mort de qui que ce soit. Leurs conséquences ne sont encore que monétaires, mais elles sont gigantesques puisqu’elles remettent en cause le droit d’hériter et empêchent la Région de Bruxelles-Capitale d’encaisser 100 millions de droits de succession, ce qui n’est pas rien puisque cela équivaut à 67% des économies (150 millions) que votre collègue de parti, l’Open Vld, Sven Gatz, Ministre des Finances de la Région en question, a décidé de réaliser en 2024.  On profite d’ailleurs de cette lettre ouverte pour vous suggérer de l’informer de la situation.
Elles empêchent la Région de Bruxelles-Capitale d’encaisser 100 millions de droits de succession
Il aura vraisemblablement votre oreille plus que celle de la société civile qui l’a interpellé vainement à huit reprises depuis le 17 novembre 2020. Il vous en serait certainement très reconnaissant puisqu’il fait partie des deux[3] têtes de liste de votre parti pour les prochaines élections régionales à Bruxelles. Il pourrait ainsi revendiquer auprès de ses électeurs potentiels  de pouvoir annuler la mesure d’augmentation des droits de donation qui va rapporter 5 millions d’euros annuellement grâce à la lutte permanente et sans faille qu’il a menée avec acharnement contre l’évasion fiscale aux droits de succession, car c’est de cela qu’il s’agit. Pouvoir user d’un tel argument pendant 20 années (4 législatures) fera de vous son ami éternel.

Votre démission était en fait déjà prête
Mais pour cela, il vous faut d’abord expliquer que votre démission déclarée à cause de ce dossier égaré au fond d’une armoire (ils sont quand même gonflés ces magistrats qui prétendent que tout cela résulte de la grave insuffisance des moyens accordés par les politiques à la justice, alors que, comme vous dites, vous avez fait tout votre possible pour l’améliorer, ne serait-ce qu’en la dotant d’armoires pour ranger les dossiers) procède, en fait, d’une longue série de dysfonctionnements que vous n’aviez jusqu’alors couverts que dans l’espoir, malheureusement déçu, d’y mettre un terme. Votre démission était en fait déjà prête, les deux morts suédois n’ont fait que la précipiter et vous n’avez pas voulu faire état de ses raisons profondes pour éviter de les voir perdre de leur importance dans l’émotion qui étreignait alors Bruxelles (bon, nous, c’est une explication que l’on vous propose, mais on fait confiance à votre sens politique pour en trouver une autre, bien meilleure.) On vous déconseille évidemment d’évoquer la lamentable affaire du fameux pipigate. Ce n’est pas à la hauteur des enjeux que vous allez avoir à gérer; il est préférable que vous laissiez vos adversaires s’égarer en demandant votre démission pour cette peccadille alors qu’il ne leur vient pas à l’esprit de vous la demander pour 100 millions non entrés dans les caisses publiques.

On vous propose rien de moins que de passer au statut de héros en vous suggérant de balancer carrément la vérité
Et si vous voulez conforter l’avantage politique que vous pourriez tirer de votre nouveau statut d’ex-Ministre mais sans doute candidat à le redevenir dans une nouvelle législature, auréolé de votre sens du sacrifice, on vous propose rien de moins que de passer au statut de héros en vous suggérant de balancer carrément la vérité, à savoir qu’il vous est devenu insupportable de continuer à couvrir les fautes intentionnelles (ce mot est-il bien suffisant ?) de ces magistrats qui ont eu à traiter et pour certains traitent encore de l’affaire Verbruggen depuis maintenant près de 22 ans.

Il vous est devenu insupportable de continuer à couvrir les fautes intentionnelles de ces magistrats qui ont eu à traiter (et pour certains traitent encore) de l’affaire Verbruggen
Certes, vous ne pouvez pas assumer tous les péchés du monde surtout quand ce sont des membres de votre parti qui les commettent. Ainsi votre collègue de parti Annemie Turtelboom vous a précédé au Ministère de la Justice du 06 décembre 2011 au 25 juillet 2014, une période importante de cette saga Verbruggen. C’est pendant sa première année de mandat, en septembre 2012,  que l’Avocat Général Jean-François Godbille, défenseur des intérêts de la Société, plaidait en appel, dans ses réquisitions, que cinq des héritiers Verbruggen, condamnés en première instance à une peine de prison avec sursis, n’avaient fait que se défendre contre la voracité du fisc, qu’une fausse déclaration de succession n’était pas un faux en écriture et que, pour faire bref, l’Etat belge n’avait pas sa place devant le juge pénal. Ses réquisitions, largement suivies par la Cour d’appel (la fameuse 11ème Chambre, spécialisée dans les affaires financières mais aussi dans leur étouffement et dont on serait surpris que vos conseillers n’aient pas attiré votre attention)  aboutissaient à relaxer les condamnés en première instance. Elle est toujours en fonction quand la Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre la décision d’appel. Qu’un avocat général puisse faire de l’idéologie au lieu de faire du droit n’avait pas déclenché quoi que ce soit de la part de votre collègue de parti et l’Avocat général Jean-François Godbille a pu continuer à exercer sa vocation d’idéologue qui aurait pu en faire un concurrent redoutable à des fonctions de responsabilités au sein de votre propre parti. C’est encore un collègue de parti qui était Ministre de la Justice quand l’Affaire Verbruggen est née, Marc Verwilghen qui avait pris ses fonctions le 12 juillet 1999 pour les quitter le 12 juillet 2003. Dans ce cadre, il fut le premier Ministre de la Justice à avoir été saisi de cette incroyable Affaire par ceux-là mêmes qui dénonçaient la fraude fiscale mise en œuvre par leurs cohéritiers. Lui aussi est resté de marbre dans cette Affaire.

On ne va quand même pas vous demander d’expier pour le PS si on ne vous demande pas de le faire pour le CD&V
Mais bon, on ne va pas s’éterniser sur vos prédécesseurs issus de votre propre parti. Après tout, votre parti n’est pas le seul à avoir détourné le regard sur cette affaire. Le CD&V a fait de même puisqu’en fait, votre parti, l’Open Vld, tient avec lui le Ministère de la Justice sur toute la période de l’Affaire Verbruggen, à l’exception notable de Laurette Onkelinx du Parti Socialiste, qui elle aussi, pendant ses 4 années et demi de mandat a fait comme si de rien n’était : comme quoi, contrairement à ce qui se dit, sans eux, les socialistes, ce ne serait pas pire parce qu’avec eux le pire est perpétué ! On ne va quand même pas vous demander d’expier pour le PS si on ne vous demande pas de le faire pour le CD&V que vous connaissez bien puisque l’un de vos prédécesseurs à la Justice, Stefan De Clerck a été aussi votre prédécesseur à Courtrai en tant que bourgmestre, dont vous venez de reprendre la fonction après votre démission.

On n’est pas là dans un dossier oublié au fond d’une armoire, mais dans un dossier où quatre magistrates se comportent comme de vulgaires mafieuses
Qui trop embrasse mal étreint, alors contentez-vous d’assumer dans une lettre de démission « mise à jour »  les fautes graves commises, durant votre mandat commencé le 01 octobre 2020, par les quatre magistrates de la 43ème Chambre civile de la Cour d’appel de Bruxelles qui, pour faire court, sous peine de devoir énumérer à coup de dizaines de pages leurs innombrables atteintes au droit, torpillent depuis l’origine l’Expertise judiciaire initiée le 29 janvier 2015 (oui, Monsieur l’ex-Ministre, on ne se trompe pas, c’est bien depuis le 29 janvier 2015 !) au point d’avoir déclenché la démission de l’Expert judiciaire ne sachant plus à quel saint se vouer pour obtenir les mesures de contrainte avec astreintes que la Cour se refuse à prendre afin d’obtenir les pièces qui lui manquent pour conclure définitivement son Expertise déjà terriblement accusatrice pour les héritiers évadés fiscaux et sans doute encore plus pour le sieur Jean-François Godbille (et ses amis magistrats) qui considérait qu’ils ne faisaient que se protéger contre la voracité du fisc !
Un Ministre tout juste démissionnaire qui se transforme séance tenante en lanceur d’alerte ! Impossible de faire mieux !
Et en vous concentrant sur la période d’exercice de votre mandat, la « mise à jour »  de votre lettre de démission n’en aura que plus de poids. On n’est pas là dans un dossier oublié au fond d’une armoire, mais dans un dossier où quatre magistrates se comportent, au fil des années, comme de vulgaires mafieuses. Leurs turpitudes sans limites donneront à la « mise à jour » de votre lettre de démission un éclat qui, effectivement, vous fera passer au statut de héros, un Ministre tout juste démissionnaire qui se transforme séance tenante en lanceur d’alerte ! Impossible de faire mieux.

Nous, franchement, on n’est pas sûr que vous soyez tout blanc dans cette Affaire
Nous, franchement, on n’est pas sûr que vous soyez tout blanc dans cette Affaire où, sous votre mandat, toutes les possibilités de contrôle interne et externe du système judiciaire ont été ignorées. On nous rapporte même que vous auriez été saisi à 8 reprises de ce qui se passait et que vous n’auriez jamais répondu. Nos sources nous indiquent qu’il y a tout lieu de croire que c’est bien le cas, mais, nous, on est aussi sensible à votre charge de travail qui peut expliquer des défaillances (contrairement à celle des magistrats…), surtout quand on a, outre la Justice, à s’occuper de la Mer du Nord !
Si, au lieu des huit personnes à la communication, vous pouviez disposer de huit personnes qui se consacrent à gérer l’ordre judiciaire, mais pour ça, vous n’en avez que trois !
De  quoi se noyer au milieu de toutes les priorités que vous avez à gérer en plus de la surveillance permanente que vous êtes contraint d’opérer sur vos huit conseillers en communication pour éviter qu’ils ne fassent des faux-pas qui pourraient nuire à votre carrière politique. Ce serait effectivement bien plus simple pour vous si, au lieu de huit personnes à la communication[4], vous pouviez disposer de huit personnes qui se consacrent à gérer l’ordre judiciaire, mais pour ça, vous n’en avez que trois ! Alors évidemment il y en a qui vous tirent dessus en disant même que vous ne seriez qu’un produit !  Ce n’est pas notre cas, nous on pense que vous êtes victime de notre époque, la communication l’emportant sur tout le reste, y compris sur la justice.

L’Affaire Verbruggen n’aurait jamais dû atterrir au sein de votre Ministère si les Ministres des Finances avaient fait leur boulot
Pour que votre lettre de démission « complémentaire » ne perde pas de sa force, rien de tel que de porter l’attention hors du périmètre de vos anciennes responsabilités. Et oui ! Si en tant que Ministre de la Justice, vous avez eu à connaître de l’Affaire Verbruggen, c’est parce que d’autres n’ont pas fait leur boulot. Les droits de succession, c’est quand même l’affaire du Ministre des Finances, en fait, plutôt des Ministres des Finances, celui du Fédéral et celui du Régional, de la Région de Bruxelles-Capitale en l’occurrence. Et là, nous, on peut vous dire, qu’il s‘en passe quand même de drôles du côté des Ministères des Finances. L’Affaire Verbruggen n’aurait jamais dû atterrir au sein de votre Ministère si les Ministres des Finances avaient fait leur boulot. Ceux du Fédéral ont échoué sur toute la ligne. Echoué n’est peut-être pas le mot qui convient selon nos sources. Il semble bien, en effet, qu’ils aient tout fait pour ignorer l’affaire, jusqu’à un point proprement inimaginable. Votre parti n’est pas tout blanc non plus du côté du Ministère des Finances, car s’il aime bien la Justice, il ne dédaigne pas la finance pour autant, comme votre parti « frère » le CD&V qui tient le Ministère des Finances depuis l’avènement de la coalition Vivaldi avec Monsieur Vincent Van Peteghem. De là à conclure que l’amour de la justice et de la finance vous conduit à aimer la justice fiscale serait un raccourci que l’on nous déconseille de prendre. A dire vrai, au Ministère des Finances Fédéral, le cas de votre parti aurait pu être  plus compromettant dans cette Affaire.
Tout ceci nous conduit à vous conseiller de ne pas vous interdire de dénoncer la faillite de tous les Ministres des Finances qui au fédéral vous ont balancé la patate chaude de l’Affaire Verbruggen
Certes, Alexander Dee Croo, l’actuel Premier Ministre, y est passé avant que Vincent Van Peteghem  ne lui succède, mais vous avez eu la chance de trouver sur votre chemin un certain Didier Reynders (MR) qui a battu tous les records de longévité dans la fonction (du 12 juillet 1999 au 06 décembre 2011), douze années au cours desquelles personne au sein de votre parti, ni au CD&V, n’a été en mesure de rivaliser. Son cas ne peut d’ailleurs que vous donner espoir lorsque l’espace national ne vous suffira plus ; il est en effet devenu Commissaire Européen à la Justice depuis 2019, sans pour autant avoir quelque expérience en matière de justice, encore moins en matière de justice fiscale. Tout ceci nous conduit à vous conseiller de ne pas vous interdire de dénoncer la faillite de tous les Ministres des Finances qui au fédéral vous ont balancé la patate chaude de l’Affaire Verbruggen alors que vous étiez à la Justice. Ce sont des amis politiques ? Qu’à cela ne tienne. La vie de votre parti est en  jeu. Les sondages pour les prochaines élections de juin 2024 sont catastrophiques. Votre parti se déchire à un point tel que votre successeur à la Justice choisi par votre parti, Paul Van Tigchelt, a entraîné une de vos collègues de parti à décider d’abandonner la politique tant elle fut déçue de ne pas avoir été choisie à sa place, ce qui confirme que le Justice, au sein de votre parti, c’est une seconde nature, comme le besoin de servir la collectivité puisque quinze jours après, Gwendolyn Rutten, c’est d’elle qu’il s’agit, faisait un retour fracassant au sein du gouvernement de la Région flamande en tant que Ministre des Affaires intérieures, de l’Administration, de l’Intégration et de l’Égalité des chances, ces deux derniers domaines  lui donnant vraisemblablement l’opportunité d’étancher sa soif de justice. Il faut un choc pour sortir de cette spirale de l’échec annoncé de votre parti et ce choc pourrait bien être celui consistant à vous présenter comme le croisé du bien public en faisant éclater ce scandale de 100 millions de droits de succession toujours non encaissés presque 22 années après ! Certes, le succès pour votre parti n’est pas garanti, mais pour vous-même, ce sera du cousu main.

Guy Vanhengel aura « accompagné » l’Affaire Verbruggen durant une majeure partie de son déroulement
Pour que la stratégie du choc puisse à plein fonctionner, il vous faut cependant lever un dernier obstacle, de taille, au niveau des Ministres des Finances (et du Budget) de la Région de Bruxelles-Capitale. En effet, vous avez là un spécialiste des records, un membre de votre parti Guy Vanhengel[5], qui a exercé les fonctions de Ministre des Finances pendant 16 années et 3 mois, record de Didier Reynders au Fédéral, pulvérisé ! Du 18 octobre 2000 au 15 juillet 2009 puis du 16 décembre 2011 au 18 juillet 2019, il aura « accompagné » l’Affaire Verbruggen durant une majeure partie de son déroulement ; sans compter que l’interruption de ses fonctions de Ministre des Finances à la Région l’a été pour devenir Vice-Premier Ministre Fédéral et Ministre du Budget, une occasion unique pour avoir une vision intégrée sur l’Affaire puisque depuis que l’impôt sur les successions  a été régionalisé en 1989, c’est toujours le Fédéral qui gère de a à z les droits de succession pour la Région de Bruxelles-Capitale qui les encaisse (idem pour la Région Wallonne) cependant que la Région flamande en a repris la gestion intégrale le 01 janvier 2015.

Autant d’années à boucler les budgets sans traiter de cette Affaire à 100 millions, il n’y aura personne pour vous croire, Monsieur l’Ex-Ministre
Et puis, sans vouloir en rajouter, depuis que la Région de Bruxelles-Capitale a été créée le 12 janvier 1989, il y a donc 34 ans, votre parti a eu les clés des Finances de la Région pendant 24 années sans discontinuer (Annemie Neyls, Guy Vanhengel, Jean-Luc Vanraes, Guy Vanhengel et enfin Sven Gatz) ; c’était Jos Chabert qui les avait détenues du 12 juillet 1989 au 15 juillet 1999, un ami du CD&V (à l’époque CVP). Autant d’années à boucler les budgets sans traiter de cette Affaire à 100 millions, il n’y aura personne pour vous croire, Monsieur l’Ex-Ministre de la Justice, sans compter que l’appartenance à votre parti de ces Ministres des Finances Bruxellois successifs leur a permis de se familiariser avec l’expérience de leurs collègues gérant les droits de succession en Région flamande depuis déjà 8 années, même si l’on ne voit toujours pas quand la Région de Bruxelles-Capitale se décidera à imiter la Région flamande, d’autant plus que l’on apprend que les coupes budgétaires  de votre collègue de parti Sven Gatz  vont atteindre les effectifs dédiés aux affaires fiscales[6] de la Région : une véritable histoire de dingue ! En effet, le Fédéral ne considère plus comme stratégique la gestion des droits de succession puisqu’il n’est pas destiné à la conserver (c’est la Cour des comptes qui nous le dit dans son rapport publié le 16 mars 2016) et la Région de Bruxelles-Capitale toujours dans l’attente de percevoir les 100 millions jusqu’ici superbement ignorés, procrastinant à n’en plus finir pour faire comme la Région flamande, décide de réduire ses moyens en matière fiscale !

Oui, Monsieur l’ex-Ministre de la Justice, il est temps de lancer un grand coup de pied dans cette fourmilière où des enjeux collectifs de première importance sont gérés à l’aune de misérables intérêts particuliers. Et ne vous préoccupez pas trop  des grandes attentes que vous allez créer en provoquant un tel tsunami politique. L’essentiel est pour vous de créer un gigantesque tremplin électoral destiné à vous assurer un avenir politique de premier choix et si vous aviez un doute quant aux effets réels d’attentes qui seraient ensuite déçues, allez consulter un Expert en la matière : il n’y a qu’une centaine de kilomètres entre l’hôtel de ville de votre commune de Courtrai et celui de l’Expert, au Touquet.

Soyez bienveillant avec votre successeur, Monsieur Paul Van Tigchelt. Il pourrait mal prendre le déballage que l’on vous conseille de provoquer
Un dernier conseil, Monsieur l’ex-Ministre de la Justice. Soyez bienveillant avec votre successeur, Monsieur Paul Van Tigchelt. Il pourrait mal prendre le déballage que l’on vous conseille de provoquer. Il faut lui laisser quelques miettes pour qu’il se sente important. Vous conviendrez que c’est en effet très ingrat de prendre un tel Ministère à moins de huit mois des prochaines élections. Il ne s’agit pas de lui offrir la possibilité de faire une entrée fracassante dans ses nouvelles fonctions, ce qui pourrait inutilement vous en faire un concurrent pour le futur. Non, donnez-lui le sentiment d’agir dans votre sens et suggérez-lui que la Cour des comptes pourrait lui être utile pour donner un peu de peps à sa carrière. Il est quand même temps que ces Conseillers de la Cour des comptes cessent de se saisir de sujets sans qu’on leur ait demandé quoi que ce soit ! Droits de succession, Paiements des entreprises belges vers des paradis fiscaux, Taxe Caïman etc. ça suffit ! Dites-donc à votre successeur de s’emparer de  la question de la CTIF (Centre de Traitement des Infractions Financières) dont nos sources nous disent qu’elle n’est pas spécialement active dans la poursuite de la mission qui lui est assignée et que ses moyens sont singulièrement limités au regard du nombre de signalements dont elle fait l’objet. Une telle démarche de la part d’un Ministre de la Justice, ça aurait de la gueule et ça vous laisserait le champ libre pour vos grandes manœuvres, sans compter que de proches amis au Fédéral risqueraient bien d’être égratignés, au plus haut niveau, ce qui constituerait une opportunité supplémentaire qui vous serait offerte pour éliminer des concurrents, fussent-ils des amis.
Vous pouvez tout vous permettre. Vous avez déjà avec panache quitté le gouvernement tandis que vos concurrents, parmi lesquels vos plus proches amis sont les plus redoutables, y sont toujours empêtrés.
Quitte à vous donner des idées pour parfaire votre stature, on ne peut s’empêcher de vous en livrer une autre : vous pourriez suggérer à Sven Gatz, votre collègue de parti, l’actuel Ministre des Finances de la Région Bruxelles-Capitale de décider, immédiatement après que vous ayez balancé ce que l’on vous propose, de reprendre en toute urgence la gestion des droits de succession face à l’incurie du Fédéral et d’un coup d’un seul, il ferait rentrer 100 millions dans les caisses de la Région. Un coup historique qui vous permettrait d’éliminer encore quelques rivaux supplémentaires.

En fait, vous, vous pouvez tout vous permettre. Vous avez déjà avec panache quitté le gouvernement tandis que vos concurrents, parmi lesquels vos plus proches amis sont les plus redoutables, y sont toujours empêtrés. Encore une ressemblance avec votre voisin du Touquet.

Et puis, on ne sait jamais. Dites quand même à votre successeur qu’il évite à tout prix de vivre ce que vous avez connu : deux morts pour un dossier oublié dans une armoire. Le pouvoir du juge (dans le cas d’espèce, il y en a quatre) est en effet le plus redoutable qui soit pour le citoyen : une décision et même une absence de décision peuvent faire basculer une vie[7]. Alors dites-lui ce qu’il faut pour éviter que le basculement ne devienne inéluctable.

Quant au texte de votre démission « complémentaire », vous n’auriez pas grand-chose à modifier à votre texte initial. Il pourrait être celui-ci :

Les magistrats compétents n’ont pas donné suite aux demandes de mesures coercitives avec contraintes de l’Expert judiciaire qu’ils ont nommé et l’Expertise judiciaire a tourné court. C’est la suite d’une série de fautes individuelles et collectives monumentales, inacceptables, aux conséquences dramatiques.
Dire que votre cœur saigne pourrait vous valoir de payer des droits d’auteur à l’illustre inventeur de la formule qui n’a pas succombé à l’hémorragie
Inutile de préciser que vous avez été touché en plein cœur, vous pourriez ne pas être cru. Une variante consistant à dire que votre cœur saigne pourrait vous valoir de payer des droits d’auteur à l’illustre inventeur de la formule qui n’a pas succombé à l’hémorragie.

Alors, bonne chance à vous !

Prosper Flucht

[1] C’est vous qui le dites, lors de l’annonce de votre démission du 22 octobre 2023
[2] Luc Hennart, Président honoraire du Tribunal de Première Instance de Bruxelles, émission LN24 du 24 octobre 2023
[3] Sven Gatz et  Chloë Van Hoegaerden
[4] La Libre du 27 février 2023
[5] Guy Vanhengel semble être le seul homme politique à avoir été Ministre Régional de la Région Bruxelles-Capitale, Ministre Régional de la Région Flamande et Ministre Fédéral !
[6] La Libre du 23 novembre 2023, « Chez Bruxelles Fiscalité, les candidats au départ à la pension représenteront 10% des effectifs
[7] Propos tenus par le Professeur de droit Georges de Leval.