
Le fil rouge de l’ouvrage de P.Y. Gomez est l’analyse de la transformation, en 5 décennies, du capitalisme d’accumulation, basé sur l’économie réelle, en un capitalisme spéculatif basé sur des promesses d’un futur mythique. Ce futur fantasmé est désigné par l’auteur comme l’« Avenir » (avec majuscule) qui s’appuie sur la croyance, dûment promue par d’habiles techniques de persuasion, que grâce aux progrès infinis des technologies, numériques surtout, nous attend la réalisation de promesses de prospérité sans précédent.
Face à l’accumulation de dettes toujours plus énormes et en grande partie non remboursables, il faut convaincre qu’une mutation inédite (dite disruption) fera table rase d’un passé dont on nie la réalité. Gomez classe en trois catégories les acteurs de la manipulation sociétale : l’élite spéculative, les paramétreurs et les bureaucrates qui, ensemble, forment la technocratie spéculative. Il distingue aussi les start-up, les licornes et les GAFAM qui constituent les entreprises qui concourent à la digitalisation du monde, sensée nous mener à un « Avenir » dégoulinant d’innovations technologiques nous apportant le bonheur. Évidemment, le transhumanisme est la pointe avancée de ce qui est, littéralement, une mystification.
Écrit en une langue simple, accessible à tous, l’ouvrage dénonce l’intoxication mentale du capitalisme spéculatif qui engendre une perte de sens collective. Et le pire est peut-être que personne ne dirige cela consciemment : le système s’auto-engendre à partir de la somme des actes individuels de survie en milieu compétitif. L’humanité irait-elle à sa perte sous l’emprise du capitalisme à l’esprit malin (dans le sens démoniaque, diabolique, pervers…) ?
Alain Adriaens
