L’urgence environnementale exigerait que l’on prenne des mesures politiques et économiques radicales et, pourtant, les dominants refusent obstinément de mettre en question la logique suicidaire du productivisme. Dès lors ils nous vendent, encore et toujours, leurs recettes de réparation des dégâts qu’ils continuent à générer. Petit aperçu des illusions technologiques qui leur permettent de gagner du temps.
Il existe bien des domaines dans lesquels il faudrait agir avec détermination pour espérer mettre fin au gâchis écologique qui s’affirme chaque jour un peu plus. Mais, un peu à cause des médias dominants, les projecteurs sont braqués sur la seule crise climatique qui, il est vrai, est une menace majeure pour notre avenir à tous. Sauf quelques climato-négationnistes bornés, chacun sait que l’accumulation de CO2 dans l’atmosphère est la cause des dérèglements observés. Les alliés des semeurs de doute[1] proposent donc « retirer » de l’air ce gaz qu’on continue à y injecter toujours plus. Mais avant d’analyser cette dernière fabulation technologique, revenons sur la précédente ridicule fiction qu’on a essayé de nous vendre : la géo-ingénierie.
Modifier artificiellement le climat
La température de l’air augmente ? Pas de problème : refroidissons-le ! Ce postulat assez simpliste passe par des mesures qui ont de quoi surprendre, voire d’effrayer. Sous le vocable de géo-ingénierie on trouve une série de projets qui ont nécessairement une dimension planétaire, puisque la catastrophe climatique est, elle-même un phénomène global qui affecte l’ensemble du globe terrestre. L’Agence Nationale de la Recherche confirme que « la géo-ingénierie de l’environnement correspond à l’ensemble des techniques et pratiques mises en œuvre ou projetées dans une visée corrective à grande échelle d’effets de la pression anthropique sur l’environnement ».
Il faut le reconnaître, l’imagination des géo-ingénieurs est sans limites. Pour refroidir notre Terre qui surchauffe, citons ici cinq des méthodes qu’ils méditent.
· Répandre des poussières dans l’atmosphère
S’inspirant de ce qui se passe lors de très grandes éruptions volcaniques qui ont considérablement réduit les températures mondiales dans le passé, certains proposent d’utiliser du soufre ou des dérivés soufrés sous forme d’aérosols qui, massivement injectés dans l’atmosphère, augmenteraient l’albédo[2] atmosphérique. Les rayons solaires atteignant moins la Terre, cela suffirait à compenser le réchauffement climatique consécutif à l’accroissement de la quantité de dioxyde de carbone (CO2) dans l’air. Pour 8 milliards de dollars par an on pourrait continuer à injecter toujours plus de CO2 dans l’atmosphère. Qui va payer, combien de temps ces poussières vont-elles rester en suspension, avec quels effets à long terme ? On verra bien plus tard…
· Fertiliser les océans
En déversant du sulfate de fer dans des zones océaniques riches en algues planctoniques, capables de stocker d’impressionnantes quantités de carbone provenant du CO2 dissous dans l’eau, certains espèrent faire se développer ce plancton et ainsi faire disparaître un milliard de tonnes de carbone par an, ce qui représenterait quelques % des émissions de gaz carbonique actuelles. En 2009, l’Allemagne lança une injection de particules de fer. Celle-ci déboucha sur un désastre scientifique qui contribua à décider un moratoire. Le Secrétariat de la Convention mondiale sur la biodiversité estime qu’on ne sait pas encore contrôler le plancton et « ne pas être en mesure d’évaluer les risques et les bénéfices de la fertilisation de l’océan ».
· Modifier l’acidité des eaux marines
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Alain Adriaens
[1] cfr Naomi Oreskes et Erik M. Conway, Les marchand de doute, Editions du Pommier, 2019 – Merchants of Doubt: How a Handful of Scientists Obscured the Truth on Issues from Tobacco Smoke to Global Warming, Bloomsbury Press, 2010.
[2] L’albédo est le pouvoir réfléchissant d’une surface, c’est-à-dire le rapport de l’énergie lumineuse réfléchie à l’énergie lumineuse incidente.
[3] Les champions du greenwashing (marque Valser de Coca-Cola) vont même jusqu’à vendre « des eaux gazéifiées au CO2 capturé », alors qu’une véritable eau minérale est naturellement chargée en gaz carbonique à la source…).
[4] Tous ne sont pas aussi responsables : toutes les études montrent que ce sont les riches qui émettent le plus de gaz à effet de serre. Ainsi, celui qui a les moyens de s’offrir un vol en avion à longue distance (5.000km) émet 1 tonne de CO2. S’il voulait « compenser », il devrait payer 1.000€. Adieu Ryanair et autres vols low-cost…
[5] On oublie souvent que l’industrie du ciment pour le bétonnage de nos paysages, émet 1 milliard de tonnes de CO2 par an, soit près e 8% des émissions globales.