La nécessité d’un nouveau pacte social

À la sortie de la seconde guerre mondiale, les sociétés européennes ont redéfini le projet collectif qu’elles souhaitaient développer. En France, ce fut le Conseil national de la Résistance qui rédigea dans la clandestinité, en mars 1944, un document titré « Les jours heureux » qui définissait ce qu’espéraient les Français une fois libérés du joug nazi. En Belgique, c’est aussi en 1944 que fut élaboré ce que l’on appela le Pacte social et qui fut concrétisé par une loi votée le 28 décembre 1944. Mussolini, Hitler et autres Franco ayant prouvé les horreurs auxquelles menaient les idées de droite et d’extrême droite, patronat et syndicats fondèrent une alliance basée sur la collaboration entre possesseurs de capitaux et travailleurs. Ce compromis social-démocrate prévoyait une amélioration des salaires des travailleurs, l’instauration d’un système complet de sécurité sociale fondé sur la solidarité et la mise en place d’un système de concertation paritaire patrons/syndicats. Ce programme séduisant fut mis en œuvre et il en résulta une période de prospérité collective nommée « Les trente glorieuses ».

L’écroulement d’un modèle

Hélas, depuis une quarantaine d’années, ce beau projet s’est peu à peu délité. Crises énergétiques, mise en concurrence des peuples du monde entier dans le cadre de la globalisation néolibérale, dépassement des capacités biophysiques des écosystèmes terrestres suite aux excès d’une croissance matérialiste : en Europe, régressions et menaces graves s’accumulent. Une majorité de citoyens ressentent durement ces reculs successifs et le manifestent de plus en plus ouvertement. Syndicats et mouvement ouvrier en colère, environnementalistes activement mobilisés, gilets jaunes exprimant une colère confuse : le pacte social vieux de 75 ans perd tout crédit sous nos yeux inquiets. Les responsables politiques essaient bien de placer quelques « emplâtres sur jambe de bois » mais il est clair que le cadre général ne permet pas de sortir des impasses toujours plus évidentes. Il en résulte une perte de confiance, non seulement dans les mandataires politiques, trop souvent médiocres dans leurs vues à court terme ou partisanes, mais aussi dans la plupart des institutions et dans la globalité de notre système.

L’urgence d’un sursaut démocratique

Il serait absurde d’attendre un événement traumatique comme la seconde guerre mondiale pour décider de reprendre en main notre destin collectif. C’est ce que se dit, notamment, le mouvement politique des objecteurs de croissance (mpOC) qui vient de lancer une « Pétition pour l’organisation d’une conférence citoyenne au Sénat avant les prochaines élections ». Impulsée notamment par Michèle Gilkinet qui fut députée fédérale entre 1999 et 2003, l’initiative relaie l’avis de nombreux observateurs qui jugent impératif de réconcilier politique et citoyenneté si l’on ne veut pas connaître des graves dérives politiques. L’on constate en effet que des opportunistes d’extrême droite sont aux aguets et, comme toujours, prêts à profiter des faiblesses de la démocratie pour faire revivre des idées funestes que l’on espérait disparues.

Cette action, déjà soutenue par des centaines citoyens, dont beaucoup de figures connues pour leurs actions de défense d’une démocratie vivante, en appelle au Sénat, censé être la chambre de réflexion représentative la moins soumise à la politique politicienne et lui demander de mettre ses moyens au service d’un projet collectif essentiel. Les initiateurs jugent en effet que « les citoyens et citoyennes de notre pays ont conscience que nous vivons une transformation civilisationnelle vitale et à quel point nous devons éviter les mesures symboliques, inadaptées aux enjeux pour nous centrer enfin sur le fond des choses. Les quelques mois qui nous séparent des élections sont l’occasion d’organiser une conférence citoyenne pour enfin en débattre sans éviter les questions essentielles au lieu de tourner autour du pot ». Ils en tirent donc la conclusion que « nous sommes à un tournant civilisationnel. Nous disons ça suffit ! Nous avons besoin d’un nouveau pacte social rapidement ! L’actuel est dépassé et en voie de s’effondrer complètement. C’est pourquoi nous réclamons l’organisation d’une conférence citoyenne au Sénat avant les prochaines élections. Son thème : mettre en avant les bases d’un nouveau pacte social qui conjugue enfin justice sociale et environnementale ».

Le nécessaire engagement de tout qui se veut citoyen

Plusieurs centaines de citoyen∙ne∙s de diverses origines sociales et politiques soutiennent cette action Les messages laissés par les signataires sont éclairants sur le besoin d’un lieu et d’un temps où œuvrer à la nécessaire élaboration d’un projet de société qui ne menace plus nos sociétés d’effondrement.

Au sein de la rédaction de POUR, nombreux sont ceux qui ont signé cet appel et le journal entend le soutenir à titre collectif. A l’heure d’écrire ces lignes, nous ne savons pas si le Sénat de Belgique aura l’intelligence de répondre à cet appel pressant de réconcilier politiques et citoyens mais il paraît certain que nous avons collectivement intérêt à sortir de l’actuel immobilisme. Nombreu∙ses∙x sont celles et ceux qui réclament la réduction des inégalités toujours plus criantes et la prise de mesures enfin significatives pour enrayer la destruction écologique de la planète Terre. Depuis Jean-Jacques Rousseau, nous savons que toute démocratie n’est possible que grâce à un Contrat social, une convention librement consentie par une majorité de citoyens. Le pacte social en est un élément important et il a manifestement besoin d’un sérieux coup de neuf…

Chacun peut agir à son niveau et selon ses préférences mais l’initiative décrite ci-avant ayant l’avantage d’ouvrir un débat sans positions figées a priori et faisant appel à la responsabilité de tous et toutes, nous ne pouvons que suggérer de cliquer sur “Je cosigne” ci-dessous pour interpeller nos représentants politiques et particulièrement nos sénatrices et sénateurs.

Je cosigne

Alain Adriaens