Depuis que l’Équateur, débarrassé de Rafael Correa, a trahi Julian Assange, depuis que la Grande-Bretagne, telle un caniche obéissant, s’est couchée devant les diktats de Washington, notre coopérative d’édition a alerté sur le sort funeste réservé au lanceur d’alerte (ici, là et là).
Nous restons quelque peu intrigués par l’attitude des médias mainstream. Certes, c’est un oxymore un peu bateau mais nous sommes frappés par leur « silence assourdissant ». Et pourtant le message qui est adressé à la profession à travers l’acharnement contre Assange est : « Vous dites et écrivez ce que vous voulez, mais vous ne touchez pas au cœur de l’Empire et de son complexe militaro-industriel ». Il faut donc qu’une trentaine de citoyens notables se mobilisent pour qu’une carte blanche paraisse dans un grand quotidien, La Libre. Nous relayons avec plaisir ce texte dont nous partageons les propos indignés.
Mais sans doute sommes-nous un peu trop durs avec les rédactions de nos confrères : ils doivent travailler d’arrache-pied à peaufiner une nécrologie qui risque fort de servir bientôt…
Alain Adriaens
Julian Assange, ce grand homme qui meurt dans l’indifférence générale
Une opinion d’Aurore Van Opstal, journaliste, signée par des universitaires, des journalistes et des personnes issues de la société civile : Catherine de Voghel, psychologue – Carine Russo, ancienne sénatrice et écrivain – Corinne Gobin, politologue, maître de recherche Fnrs-ULB – Jean-Claude Deroubaix, sociologue, enseignant Umons – Anne Staquet, Professeur de Philosophie, Université de Mons – Vincent Engel, professeur UCLouvain et écrivain – Anne Dufresne, sociologue, GRESEA – Marc Reisinger, psychiatre bruxellois – Anne Morelli, professeure honoraire ULB – Mateo Alaluf, professeur honoraire ULB – Arnaud de la Croix, philosophe et historien – Rachel Carton, formatrice en éducation permanente, CEPAG – Jean-Louis Siroux, sociologue (ULB) – Camille Martin, journaliste – Prof. Geoffrey Geuens (ULiège) – Evelyne Dehenin, licenciée en philosophie – Antoine Ponza, journaliste – Greta Alegre, productrice de documentaires – Jean-Marie Dermagne, avocat, ancien bâtonnier, enseignant universitaire – David Ramboux, citoyen belge – Francis Houart, syndicaliste (pensionné) – Diana Johnstone, journaliste américaine – Javier Carrasco philosophe – Olivier Mukuna, journaliste et essayiste – Gil Honoré, citoyen belge – Luk Vervaet, enseignant empêché dans les prisons – Anne-Marie Zorat, animatrice, Seraing – Didier Mendy, citoyen libre.
5 novembre 2019
Il était une fois un pirate informatique, un peu bizarre, habité par le désir de faire connaître la vérité sur le monde dans lequel il vit. Il s’appelle Julian Assange et est né le 3 juillet 1971 en Australie. C’est un cybermilitant, un homme brillant qui trouve que le fossé est trop grand entre la réalité du monde politique et les informations connues des citoyens. Il propose, dès lors, de créer un site où tout le monde pourra, en toute confidentialité virtuelle, faire parvenir des informations sensibles. En anglais, le mot “fuite” se dit leak : Wikileaks est né. Assange et quatre personnes s’occupent du site.
En 2010, WikiLeaks publie des documents sur la guerre d’Irak et notamment une vidéo, devenue virale internationalement ; Collateral murder. Cette dernière montre le raid aérien du 12 juillet 2007 à Bagdad. Il s’agit d’une bavure américaine survenue dans le cadre de la guerre, durant laquelle un hélicoptère Apache américain a ouvert le feu sur un groupe de civils, comprenant notamment deux reporters de l’agence Reuters. Au moins 18 personnes ont été tuées lors de ce raid. Des civils. Des innocents. Cette vidéo a fait scandale. Le président Obama a dû prendre la parole dans l’urgence. Julian Assange est devenu, ce jour-là, la cible, l’ennemi public numéro 1 des États-Unis. Les autorités américaines commencent à enquêter sur WikiLeaks et Assange en vertu de la loi sur l’Espionnage de 1917. Par ailleurs, des enquêtes sont lancées contre Assange par plusieurs agences gouvernementales, notamment le FBI. Wikileaks, a aussi, en parallèle, dénoncé les circuits de corruption de dictateurs africains ou de certaines compagnies russes offshore.
En 2010, Assange se rend en Suède où une procureure ouvre une enquête préliminaire suite aux dépositions de deux femmes suédoises dont une voulait l’obliger à faire un test du SIDA (ce qu’il fit) après avoir eu des rapports sexuels avec lui et l’autre qui a refusé de signer la déposition présentée par la police. Après l’avoir classée, l’enquête préliminaire est rouverte par la Suède en mai 2019.
En 2012, Julian Assange, acculé de toutes parts, demande l’asile à l’ambassade d’Équateur à Londres. Il y restera, enfermé, de 2012 à avril 2019. Avec le changement de président en Équateur, début 2019, Assange est arrêté à l’ambassade. Il est depuis incarcéré en prison en Angleterre. Les USA demandent son extradition pour “piratage informatique“. A l’heure où j’écris ces lignes, Julian Assange se meurt. Il aurait perdu 15 kilos depuis le début de son enfermement, peine à trouver ses mots, boîte et est marqué par un vieillissement prématuré.
Quid du droit international et de la souveraineté ?
Sans entrer dans les arcanes du droit britannique, le cas Assange soulève une question fondamentale de droit international. Assange est citoyen australien, pas des États-Unis. Il n’a commis aucun délit dans ce pays. Il a divulgué des informations confidentielles mais transmises par d’autres (Chelsea Manning en particulier) et ne les a pas volées. Tous les journalistes font cela, avec des informations en général moins importantes, mais le principe est le même. Dans la presse des États-Unis, on parle sans cesse d’informations venant de “sources officielles non identifiées“.
Si Assange doit être extradé sur cette base et être mis en prison pour le reste de ses jours, cela signifie qu’en principe tous les pays qui espionnent les USA devraient leur livrer leurs espions, ainsi que tous les journalistes qui publieraient des informations sur ce pays obtenues par des moyens illégaux.
Certes les États-Unis ne sont pas de grands défenseurs de la souveraineté nationale des autres pays que le leur, mais ici on franchit une étape extraordinaire et l’absence de réaction des gouvernements alliés des USA, principalement britannique et australien, illustre le degré extrême de leur soumission.
Un homme (presque) seul
Des gens défendent Julian Assange comme le réalisateur américain Oliver Stone qui a déclaré : “Julian Assange est un éditeur pour la vérité. Il a accompli un travail remarquable pour le compte de l’humanité malgré son traitement inhumain. Cette affaire est cruciale pour la survie de notre droit de savoir et de notre liberté essentielle pour lutter contre l’oppression des USA et du Royaume-Uni et maintenant contre la tyrannie !”(1) Mais beaucoup trop de peu de personnages publics prennent la défense de cet homme. Citons-en, néanmoins, trois qui développent des réflexions intéressantes autour du “cas Assange” : John Pilger (2), journaliste australien ; Craig Murray (3), ex-diplomate britannique et Roger Waters (4), musicien et fondateur du groupe Pink Floyd.
Demande de libération immédiate
Citoyens du monde, soutiens à Julian Assange, nous exigeons sa libération immédiate et son retour dans sa famille en Australie. Cet homme souffrant n’a commis aucun crime si ce n’est de dénoncer ceux des autres !
Manifestation à Bruxelles tous les lundis
Un très petit comité de soutien à Julian Assange se réunit Place de la Monnaie à Bruxelles, tous les lundis, de 17h à 19h pour montrer son indignation. Si vous aussi, vous êtes indignés par la mort lente de Julian Assange, rendez-vous est pris (5).
(1) Sputnik, « Oliver Stone prend la défense d’Assange » , sur fr.sputniknews.com /
(2) https://www.youtube.com/watch?v=siHgvx3t9V8&fbclid=IwAR3Y4M1rL3mJE8EC4AeKcd9ORLn7XF-1zcoL_y5akZ7pIXaqT9Cxr-bPhuE
(3) https://www.craigmurray.org.uk/
(4) https://www.rt.com/shows/going-underground/471860-roger-waters-julian-assange/?fbclid=IwAR2pRtMMqubiLfOG2-7incVgc11cyh-nxZ9evDa9iAA-4qB9OtQyeJs2QzU
(5) Lien vers l’événement Facebook