Itinérance et enracinement d’un projet communautaire

Après une vie passée à grandir à Bruxelles, après avoir passé des années à s’entendre décrire un avenir de plus en plus sombre, il semblait inexorable de sortir du marasme citadin asphyxiant. Soucieux de relever ce défi, un joyeux quatuor composé de Marianne, Romain, Pierre-Loïc et Cyril partent, donc, à la recherche d’une terre pour porter leurs envolées collectives. Avec comme ferme intention d’en construire une sociale et militante. En dehors de l’agriculture et d’un restaurant, ils espèrent pouvoir créer une vie culturelle et festive sur le lieu. Résidences d’artistes, marchés, bibliothèque, ludothèque, radio, festivals et ateliers en tout genre pour ne citer que ces projets. Ils pourront être aussi nombreux qu’il y aura des bras pour les porter.
Désolés de l’état actuel du monde, ils se sont permis à rêver le leur.

7 septembre 2022 : On se fait la malle

Avant l’ouvrage d’une vie, l’aventure d’une existence; il semblait plus que naturel de s’offrir un bon bol d’air, un pas en retrait pour reprendre notre souffle.
Quel meilleur lieu pour viser la lune que le ciel le plus étoilé d’Europe ?
Dans ce lieu magique, où n’existent ni horloge ni miroir. Tous semblent fuir un passé trop criant et se sont, au moins, retrouvés dans un brillant présent.
L’on s’est perdu à rêver notre collectivité pour se retrouver, perchés à tisser nos âmes comme des hamacs.
Entre tumulte et ripaille, calme et tendresse, un océan de connexions dans une marée de questions.
Que fait-on ? Où va-t-on ? Comment se définir ? Comment se construire ?
Ces deux semaines dans les Cévennes nous auront permis de prendre ce dernier point d’appui avant le saut dans le plein.
L’inconnu nous tend les bras, riche de promesses et de défis qu’il faudra surmonter ensemble. Et quelle chance !

 

12 septembre 2022 : On se fait la main

Notre parenthèse s’achève. Il est venu le temps des projections, car, enfin, arrive la prospection.

Et de la chance, il en faudra, de la détermination et de la diplomatie, un zeste de conciliation, et surtout, une tonne de tendresse pour sucrer tout ça.

Une petite boule au ventre nous accompagne à mesure qu’on tâtonne pour trouver notre voie. Nous avons dévalé les pentes étroites, non sans saveurs, de notre triangle des Bermudes cévenoles ; traversé les Gorges du Tarn dans une atmosphère tolkienesque; passé le nez par la fenêtre lors de notre dernier Causse, laissant une partie de nous en Lozère.

Ne nous arrêtons pas en Aveyron, apprécions en passant un Lot ocre. Et déposons enfin nos bagages, alunissons, près de Brive-la-Gaillarde.

Car, tout ici semble confirmer notre projet. Chaque personne rencontrée nous affirme que la Corrèze se bouge, et ce n’est pas pour nous déplaire. Les collines sont des vagues dont l’écume se dessine dans les nuages, esquissant des spectacles grandioses. Reconnaissance.

Première visite hier. Simple et authentique rencontre bercée de volutes de cigarillos, d’un éleveur anarchiste désabusé et fatigué. Tout en trinquant à sa sympathie, c’est sans mot dire que nous savions pertinemment que ce terrain ne serait pas le nôtre.

Il nous faut être exigeant, nous nous permettons de rêver grand.

Deuxième visite aujourd’hui, advienne que pourra.

17 Septembre : On se fait malins

La machine immobilière se met alors en branle. De coups de fils en mail, de rendez-vous en visites à la médiathèque pour recharger nos compagnons électroniques, des terres se dessinent enfin.

Drôle d’exercice que celui de la visite immobilière. Un bien décrit sobrement en ligne se révèle d’une complexité et d’une profondeur excitantes comme vertigineuses.

Au-delà du foncier, du matériel, de l’installation, il y a le facteur humain à prendre en compte. (Bien que nous entendons le chuchotement d’Hubert Reeves nous rappelant que l’on fait également partie de ce putain de facteur humain)

Le propriétaire et le représentant de l’agence. Un joli triptyque terrain-proprio-agent, où se mêle théâtralité et spontanéité, chants de rouge-gorge et cri du cœur.

Nous avons déposé le camion, petit Buddha (joli bébé de 4 tonnes) non loin des 2 grosses agglomérations qui nous font de l’œil : Brive-la-Gaillarde la Corrézienne et Périgeux la Périgourdine.

Nous sommes tombés amoureux. De Périgueux et de ces ruelles médiévales étroites dans lesquelles nous nous sommes perdus.

La deuxième visite nous laissa un goût amer en bouche. Le terrain nous plaisait, du bâti à retaper avec un restaurant promettant une vue surplombant une vallée de noyers. Un espace assez grand pour accueillir l’atelier de céramiques de Marianne. La fringante agente immobilière nous assurant que la propriété se prêtait bien à notre projet. Bref, projections et exaltations furent nos compagnes de visite.

Jusqu’à rencontrer le propriétaire, un fermier vieillissant, qui devait rester vivre à côté et dont nous serions donc devenu les voisins. Et quelle rencontre ! Il nous annonça, sans détour, après lui avoir exposé notre projet qu’il ne voulait pas voir de monde sur sa propriété.

Bonjour, au revoir et en route pour d’autres visites, non sans avoir salué chaleureusement l’agente, dépitée.

Les deux propriétés suivantes tinrent plus de l’entraînement que de coups de cœur. Toutes deux situées trop loin d’agglomérations, nécessaires à une partie du projet, et dénuées de ce “petit plus” qui nous ferait oublier cette considération.

La révélation de ces derniers jours fut plutôt l’affinage de notre zone de recherche. Sur base de ces nouveaux critères, l’on s’est empressé de rechercher d’autres biens, de rêver d’autres liens. De nouvelles visites se profilent à l’horizon.

Retour à notre camp de base. Où une douce routine s’est mise en place, les poêles crépitent, le chien protège l’endroit, les ciels se succèdent devant nos yeux.

Nous avons le temps. Nous trouverons.

Marianne, Pierre-Loïc, Romain et Cyril