Affaire Verbruggen (21ème article)
Enquête sur l’arrêt infâmant rendu par la 43ème Chambre Civile.
Lecteurs de cette saga ô combien symbolique de l’évasion fiscale aux droits de succession, vous pensiez vraisemblablement avoir tout vu dans ce que « les copains et les coquins » d’un certain milieu bruxellois pouvaient commettre d’odieux et de répréhensible sous le couvert de leurs robes d’avocats fiscalistes et de magistrats, ou de leurs élégants costumes et tailleurs d’experts-comptables, réviseurs d’entreprises et notaires. Eh bien, vous vous étiez lourdement trompés. Le pire, assaisonné de ce qu’il faut de perversité et de diabolisme pour faire avorter une expertise judiciaire devenue beaucoup trop gênante pour ce microcosme dont la consanguinité professionnelle s’apparente à une forme d’élitisme délinquant[2], était encore à venir.
Lisez notre enquête complète ou allez directement vous saisir de l’un ou l’autre de ses volets suivants :
1-Perversité et diabolisme. 2-La Cour de Ubu, Perrin Dandin ou Sisamnès ? 3-Cachez cette vérité que je ne saurais voir, décide Madame la Présidente. 4-Au-dessus des lois, Madame la Présidente, Madame la Conseillère et Madame la juge suppléante ? 5-Aller trop loin dans l’analyse pose problème aux sociétés expertisées et à leurs actionnaires écrivait l’Expert à Madame la Présidente. On sait maintenant que cela pose aussi problème à Madame la Présidente. 6-Les cadavres doivent rester au placard, avis unanime des fraudeurs et … de la Cour d’Appel. 7-La Cour d’Appel est sourde aux demandes de l’Expert, mais attentive à satisfaire celles des receleurs des pièces à conviction. 8-Le coup de pied de l’âne infligé par la Cour à l’héritier rebelle et à l’Expert judiciaire. 9-L’Etat belge n’a-t-il vraiment aucun moyen d’agir ? 10-Qui pour enfin briser l’indicible chape de plomb sur cette affaire ? Et souvenons-nous tous que la citation de Montesquieu, en tête de notre enquête, est extraite d’une phrase qui se termine ainsi[3] : …lorsqu’on va, pour ainsi dire, noyer des malheureux sur la planche même sur laquelle ils s’étaient sauvés. |
1-Perversité et diabolisme.
2-La Cour de Ubu, Perrin Dandin ou Sisamnès ?
Le Chevalier Jean de Codt[7], magistrat, ancien Premier-Président de la Cour de Cassation écrivait récemment[8] « le métier d’accuser nous préserve des abominations de la justice populaire ».Cet arrêt infâmant[9] conduit nécessairement à s’interroger sur le moyens de se préserver des abominations de la justice tout court, rendue par les magistrats de la 43ème Chambre (civile) de la Cour d’Appel de Bruxelles.
3-Cachez cette vérité que je ne saurais voir, décide Madame la Présidente.
4-Au-dessus des lois, Madame la Présidente, Madame la Conseillère et Madame la juge suppléante ?
Bien qu’ayant tiré un trait sur les rapports de l’Expert, l’on était en droit d’espérer que ces magistrates ne tirent un autre sur des lois qui les concernent au premier chef, notamment celle promulguée par le Roi le 02 juin 2021, portant des dispositions financières diverses relatives à la lutte contre la fraude qui prescrit de porter à la connaissance de la Cellule de Traitement des Informations Financières (CTIF[10]) tous éléments de natures comparables à ce que l’Expert a mis en évidence, qui lui aussi, est en droit de se demander pourquoi ces magistrates ne lui ont pas permis, en prenant les mesures coercitives qu’il réclamait, d’aller au bout de ses investigations.
Certes, Montaigne écrivait : « Les avocats et les juges de nostre temps trouvent à toutes causes assez de biais pour les accommoder où bon leur semble. » et Molière lui emboîtait le pas dans les Fourberies de Scapin :
5-Aller trop loin dans l’analyse pose problème aux sociétés expertisées et à leurs actionnaires écrivait l’Expert à Madame la Présidente. On sait maintenant que cela pose aussi problème à Madame la Présidente.
Nous avons publié les 15 mars[11] et 28 août 2021 ce qu’il en était de ces deux rapports clés[12] et n’allons y revenir ici que pour rappeler quelques points qui permettent de mieux cerner l’aveuglement délibéré, organisé et assumé de la Cour.
Dans son rapport du 02 mars 2021.– L’expert précise qu’il détaille les points pour lesquels il attend impérativement des réponses. A défaut, il indique « demander expressément à la Cour d’astreindre les sociétés ou mettre les moyens en œuvre afin d’obtenir ces informations capitales pour atteindre l’objectif qui m’a été fixé par la Cour ».
– l’Expert s’étonne à nouveau auprès de la Présidente que malgré ses multiples demandes tant verbales qu’écrites, les plumitifs d’audience ne reprennent pas les propos qu’il a tenus, alors que ces derniers sont proprement accablants pour les actionnaires des 3 sociétés et pour l’héritière fraudeuse et réviseur d’entreprise, auteure des manipulations comptables et financières.
– « …je dois malheureusement constater que sur les points les plus sensibles du dossier, le conseiller technique[13] « botte systématiquement en touche » et ne répond pas, me laissant à nouveau sans réponses et m’empêchant par la même occasion de rencontrer les demandes formulées par la Cour dans le cadre de l’expertise qui m’a été confiée… » écrit l’Expert.
– dans le cadre de la vente du « Jolly Hôtel » du Sablon (joyau de la fortune constituée par le notaire défunt) quelques 34,8 millions d’euros (valeur actualisée) de créances emphytéotiques (les redevances annuelles jusqu’en 2025) n’auraient pas fait l’objet d’une négociation lors de la vente, pas plus que la formidable plus-value à terme (2025), bref une somme vertigineuse qui a dû atterrir quelque part, du côté par exemple du Liechtenstein au sein de la société Fidelec, dont souvenons-nous, le notaire Dechamps et l’avocat Emmanuel de Wilde d’Estmaël, le planificateur successoral, disaient et écrivaient qu’il fallait en nier l’existence ou surtout n’en point parler.
– l’Expert indique qu’il va falloir questionner de manière appropriée le fonds d’investissement allemand Westinvest ayant procédé au rachat du « Jolly Hôtel ».
– l’Expert écrit qu’il va également falloir « réouvrir les débats » au niveau de cette bien mystérieuse société Fidelec, immatriculée au Liechtenstein.
– l’Expert judiciaire souligne que des flux financiers colossaux sont comptabilisés en opérations diverses, sans pièces justificatives apportées, et rappelle à nouveau que le recours aux opérations diverses n’est pas approprié comme mode de comptabilisation des journaux financiers, le droit comptable imposant de recourir à une comptabilité appropriée à la nature des opérations enregistrées. Il qualifie de proprement « hallucinant » un tel usage.
– le cinquième expert judiciaire prend en flagrant délit de mensonge le Vice-Président de l’Institut des Réviseurs d’Entreprises de Belgique Fernand Maillard[14], conseiller technique des cinq fraudeurs, qui prétend que les informations demandées sont trop anciennes et impossibles à retrouver, ce à quoi l’Expert ne manque pas de lui faire observer que certains documents impossibles à retrouver datant de cette période lui ont été transmis, non pas par lui le conseiller technique, mais par les administrateurs des trois sociétés familiales eux-mêmes.
– l’Expert s’interroge sur les flux financiers faramineux vers l’avocat bruxellois A. de Caluwé.
Dans son rapport du 23 août 2021.On lit :
– les comptes annuels ne donnent pas une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et des résultats des sociétés ; il n’est donc pas possible de donner le moindre avis sur la valeur des actions des sociétés.
– la personne qui tenait les comptabilités (le nom de Chantal Verbruggen, Réviseure d’entreprise n’est pas cité) a manifestement commis des manquements graves qui ont des conséquences très importantes sur les capitaux propres. L’expert constate également des opérations qui sont en contravention des dispositions du Code des Sociétés, notamment en matière de conflits d’intérêts.
– l’expert ne s’arrête pas en si bon chemin. Il met en effet en évidence que la société de droit liechtensteinois Fidelec, dont il fallait nier l’existence selon le notaire Dechamps ou n’en point parler selon le professeur de droit à l’Université Me Emmanuel de Wilde d’Estmaël, a des liens très importants avec les sociétés de droit belge qu’il a en charge d’expertiser, liens qui ont un impact « significatif » sur leurs comptes.
6-Les cadavres doivent rester au placard, avis unanime des fraudeurs et … de la Cour d’Appel.
La Présidente de la Cour d’Appel et les deux magistrates qui l’entourent n’ont rien voulu entendre de ce que ces deux rapports mettaient en évidence. Elles ont purement et simplement ignoré la demande expresse de l’Expert d’astreindre les sociétés ou de mettre les moyens en œuvre afin d’obtenir les informations capitales pour atteindre l’objectif qu’elles ont elles-mêmes fixé.
Les mises en garde de l’Expert auprès de Madame la Présidente ont été multiples, ses appels pour qu’elle prenne les mesures adéquates pour sortir du blocage imposé par les 5 fraudeurs ont été pressants. Tout cela n’a servi à rien à tel point que la Présidente et les deux magistrates qui l’assistent se substituent de facto aux 5 fraudeurs en s’abstenant de contraindre ces derniers. Nous verrons plus loin que c’est plus grave encore puisqu’elles accèdent à certaines de leurs demandes malgré le désaccord de l’Expert.
Les quelques morceaux choisis qui sont livrés ci-dessous, en remontant dans le temps, permettront au lecteur d’apprécier. Pas moins de 10 courriers adressés par l’Expert à Madame la Présidente entre le 06 juin 2019 et le 09 juin 2021, dont 7 entre le 06 juin 2019 et le 19 novembre 2019, période charnière de l’expertise. Les lecteurs qui voudront plonger dans encore plus dans le détail de l’enquête pourront accéder à la « chronologie entrecroisée[16] » des courriers adressés par l’Expert à Madame la Présidente et des arrêts rendus par la Cour, ce qui leur permettra de comparer l’importance et la précision des questions et demandes d’interventions adressées à Madame la Présidente avec la vacuité des arrêts qui ont fait suite à ces multiples interpellations. Véritablement sidérant ! Quiconque voudrait prendre connaissance de cette expertise en se contentant de lire les arrêts rendus par la Cour serait conduit à penser qu’il ne s’y passe décidément rien, mis à part ce qui profite aux fraudeurs !
Morceaux choisis (non exhaustif) :
C’est ainsi que commençait la conclusion du courrier que le 5ème expert judiciaire adressait à la Présidente de la Cour le 19 novembre 2019, soit près de deux années avant cet infâmant arrêt. Il poursuivait :
Les parties visées dans ce courrier sont évidemment celles qui défient depuis l’origine l’Etat avec la bénédiction de son institution judiciaire et la complicité active ou passive de tous les ordres professionnels du droit et du chiffre pourtant prompts à brandir leurs codes de déontologie.
Sans imposer au lecteur le texte complet de la mise en garde de la Présidente par l’Expert, il importe néanmoins de lui préciser que l’Expert réagissait à un courrier qu’il avait reçu un mois auparavant, le 14 octobre 2019, de Maître Fabian Tchékémian, associé du bien connu Cabinet d’avocats DalDeWolf, défenseur des sociétés, avec Maître Patrick De Wolf, que l’Expert doit valoriser. La teneur du courrier en question était telle que le 5ème Expert judiciaire écrit à Madame la Présidente :
– «… à la lecture de ce courrier, vous comprendrez aisément que l’expertise est gelée de la seule volonté d’une partie. »
– « … je suis systématiquement confronté à un refus de collaboration sous divers prétextes qui ne tiennent pas à la critique et dont je vous ai longuement entretenu… »
– «… mon appréhension personnelle est que dès que l’on va, aux yeux des sociétés et (de facto) de leurs actionnaires, un peu trop loin dans l’analyse, cela pose problème. Comme si nous devions pratiquer une expertise superficielle en nous contentant, d’une part, de données comptables publiées à la Banque Nationale (ce que la Cour m’a justement interdit de faire en me demandant de me forger une opinion sur le caractère sincère et complet des états financiers présentés) et, d’autre part des précédents rapports d’expertise (Or, nous savons que les rapports d’expertises préliminaires des deux précédents experts Ghyoot et Clocquet ont été jugés irrecevables par votre Cour).
Enfin, et c’est absolument capital, l’Expert intitule son courrier « Suite de ma requête du 14 octobre 2019 ». Il s’agit de ce qui est précisément dénommé « requête en intervention » prévue par le Code judiciaire quand des difficultés, apparaissant dans le déroulement de l’expertise, doivent être résolues par La Cour qui en suit le déroulement.
Dans sa requête du 14 octobre 2019, l’Expert indique à la Présidente qu’il y a trois points de fond qu’il qualifie d’incidents de la procédure d’expertise sur lesquels il lui demande « d’en vider la contestation dans les meilleurs délais ». Il sont, de manière très résumée, les suivants :
– atteinte au principe du contradictoire, les 3 sociétés et leur avocat Maître Fabian Tchékémian (ainsi que Maître Patrick De Wolf) du Cabinet DalDeWolf, faisant référence systématique au secret des affaires relativement aux informations comptables jusqu’à présent communiquées, ces informations devant alors rester confidentielles.
° que l’expertise soit mise en difficulté pour non-respect du contradictoire et que mon rapport préliminaire ou final soit remis en cause
° et que je n’obtienne pas les informations nécessaires à l’accomplissement correct de ma mission. ».
Il lui rappelle également qu’il est le 5ème expert désigné dans ce dossier et que la Cour a déjà constaté dans son arrêt du 29 janvier 2015 que les précédents rapports n’étaient pas valables, car :
° exempts de toutes contradictions des parties
° et établis sur une information incomplète, de l’aveu même de l’expert.
– allusion permanente, de la part de Me Fabian Tchékémian (Cabinet DalDeWolf), avocat des sociétés, au caractère « réduit », « aisé », « accessoire » de l’expertise avec comme conclusion avérée de ce dernier que « les sondages et les vérifications additionnelles doivent être limités au strict minimum nécessaire » et que les activités de ses clientes « pour les périodes concernées se sont limitées à 5 opérations immobilières » pour conclure que, contrairement à ce que l’expert affirme, « la valorisation n’est nullement complexe ».
Traitant de ce deuxième problème de fond, l’Expert déclare à la Présidente que « cette technique, si elle n’est pas recadrée rapidement, va servir à systématiquement s’opposer à toutes demandes d’informations que je vais pratiquer dans le dossier, sous le prétexte que ces demandes sont disproportionnées à l’objectif recherché, seront coûteuses pour l’expertise et seront démesurées étant donné cette soi-disant facilité. »
Il lui assure qu’elle peut le croire quand il déclare avoir rarement rencontré des comptabilités aussi compliquées que celles qu’il doit analyser.
Il attire l’attention de la Présidente de la Cour sur les spécificités de sa mission en ces termes[18] :
Il conclut de la manière suivante : « je pense indispensable, Madame la Présidente, que vous puissiez recadrer les parties sur la mission de l’expert, insister sur l’importance de celle-ci et, pour autant que de besoin, sommer les intéressés à me communiquer les pièces requises de manière exhaustive, sous peine d’astreintes (article 780bis)[19] » . Pour autant que de besoin, je vous invite à demander aux notaires liquidateurs l’importance de ma mission eu égard à la leur. Et enfin : « Il y a collaboration en apparence, mais, croyez-moi, nullement sur le fond. »
– caractère non probant et non-respect des prescrits légaux de la comptabilité de la société Gérance de Biens (il le rappelle une nouvelle fois).
Il lui indique qu’à lire le courrier de Me Fabian Tchékémian (Cabinet DalDeWolf), avocat des sociétés, du 19 septembre 2019, « je devrais accepter un faux en écritures puisqu’il m’invite à l’informer si je souhaite que la comptabilité soit réencodée, moyennant du temps, sur un programme informatique… » et ajoute « je vous laisse juger des conclusions que vous tirerez de cette proposition illégale. »
Il conclut son courrier ainsi : « je souhaite votre intervention sur pied de l’article 973§2[20] du Code judiciaire d’une part, afin de confirmer aux parties si l’information communiquée par Me Fabian Tchékémian (Cabinet DalDeWolf) et ses clientes en date du 31 août 2019 et 05 septembre 2019 doit ou non être couverte par le secret des affaires, mais également, d’autre part , afin de recadrer les parties sur la mission de l’expert, insister sur l’importance de celle-ci et, pour autant que de besoin, sommer les intéressés à me communiquer les pièces requises, de manière exhaustive, sous peine d’astreinte (article 780 bis)[21]. Je vous invite par ailleurs à entendre les notaires liquidateurs sur l’importance que revêt cette mission. »
C’est ainsi que l’Expert judiciaire conclut le 09 septembre 2019 une autre de ses adresses à Madame la Présidente.
Ce n’est pas seulement Me Fabian Tchékémian (Cabinet DalDeWolf) qui fait feu de tout bois pour intimider l’Expert trop curieux, ce sont aussi les avocates des cinq évadés fiscaux, Jessica Fillenbaum et Géraldine Hollanders der Houderaen, du Cabinet Emmanuel de Wilde d’Estmaël, le génial planificateur successoral en chef qui d’un coup de baguette magique a transformé la succession d’un richissime notaire en succession de Monsieur Tout le Monde. Au passage, rappelons-nous que le Cabinet Emmanuel de Wilde d’Esmaël a depuis éclaté, le magicien successoral semblant dorénavant exercer seul, cependant que les deux avocates précédemment citées ont fondé, avec d’autres « exilés » formés par le Professeur Emmanuel de Wilde d’Esmaël, le Cabinet Delahaye.
Cet activisme conduit l’Expert à écrire à Madame la Présidente : «… certaines parties semblent tenter d’objectiver quelques principes (subsidiarité[22], proportionnalité, secret des affaires, etc …) qui, s’ils étaient admis, rendraient l’expertise inefficace ou inopérante, ou la rendraient totalement dérisoire ».
Faisant allusion à son rapport préliminaire du 12 juillet 2019, il avertit la Présidente, entre autres informations particulièrement troublantes qu’« une comptabilité sur les 3, celle de la société Gérance de biens, n’est pas probante en regard des dispositions impératives du droit comptable puisqu’elle est faite à la main comme l’atteste l’annexe n°3 qui est jointe à la présente ».
L’Expert, spécialiste en démembrement[23], ne manque de glisser à Madame la Présidente que « la production par les sociétés de l’information que je souhaite recevoir pourrait leur poser problème, dans la mesure où, à l’analyse de celle-ci, des débats laissés volontairement en suspens par votre Cour (points 17.1.1 et suivants et 19.1 et suivants de l’arrêt du 29 janvier 2015) pourraient être réouverts ». N’imposons pas au lecteur une longue plongée dans cet arrêt de 48 pages, mais alertons le seulement du fait que cette remarque, joliment formulée, a pour objet de rappeler que la problématique de l’ampleur et de la distribution des sommes issues de la liquidation de l’Anstalt[24] Fidelec reste à traiter. Rappelons-nous, Fidelec, c’est cette holding financière créée par le richissime notaire au Liechtenstein dont le Professeur et Avocat Emmanuel de Wilde d’Esmaël avait ordonné aux héritiers fraudeurs de n’en point parler, cependant que le notaire Dechamps en niait l’existence.
L’Expert manifeste en ces termes sa volonté de communiquer à Madame la Présidente tous les éléments qui lui permettront d’agir en conséquence pour garantir le bon déroulement de l’expertise : «…. je ne manquerai pas de vous tenir informée et de solliciter votre intervention, tout en vous documentant en suffisance afin que vous puissiez avoir une vision objective de chaque problématique rencontrée qu’il conviendra de franchir. »
« J’ai estimé nécessaire, Madame la Présidente, de rappeler à l’ordre Maître Tchékémian[25] sur plusieurs points de fond, au risque, à défaut, de compromettre l’expertise en cours ».
Décidément, l’avocat des 3 sociétés à expertiser ne s’habitue pas à la manière dont l’Expert judiciaire fait son travail. Il faut dire que les 4 précédents Experts lui avaient rendu la vie tellement facile que le changement intervenu est brutal et inquiétant pour ses clientes et leurs administrateurs. Nous étions alors le 06 septembre 2019 et l’avocat des 3 sociétés invoquant le secret des affaires par rapport aux quelques pièces transmises, l’Expert informe Madame la Présidente qu’il pourrait être conduit à lui demander de trancher la question de la confidentialité qui résulterait d’un tel secret, tout en lui indiquant que son analyse le conduit à penser que toutes les pièces transmises doivent être communiquées à toutes les parties afin de respecter le principe du contradictoire.
« J’ai attendu un laps de temps relativement long, Madame la Présidente, afin d’obtenir certaines autorisations attendues de votre Cour….Le dossier est titanesque et dure déjà depuis près de 15 années ».
Alors que la réunion d’installation de l’expertise judiciaire a eu lieu le 29 mars 2018, l’Expert tient à souligner auprès de la Présidente dans son courrier du 06 juin 2019 qu’il a bien cerné l’ampleur de sa mission.
Il indique qu’il enverra dans le mois une liste de questions complémentaires très précises, nécessaires « à la parfaite compréhension que je me dois d’atteindre dans ce complexe et volumineux dossier ».
Il juge bon de préciser « J’attendrai de la part de l’ensemble des parties qu’ils me répondent de manière complète et exhaustive aux questions qui seront posées, conformément à ce que dispose l’article 972bis[26] du Code Judiciaire, et je n’exclus pas qu’à la suite de l’analyse de ces réponses, d’autres questions et informations complémentaires soient posées. »
Il mentionne enfin que les délais d’expertise pourraient être étendus en fonction du temps que les parties mettront à répondre à ses questions et/ou interrogations.
7-La Cour d’Appel est sourde aux demandes de l’Expert, mais attentive à satisfaire celles des receleurs des pièces à conviction.
8-Le coup de pied de l’âne infligé par la Cour à l’héritier rebelle et à l’Expert judiciaire.
Ou mettre les honoraires d’expertise à la charge de l’héritier plaignant insolvable !
La Présidente et les deux magistrates qui l’assistent font montre, une nouvelle fois, d’une créativité perverse et inépuisable et ce à plusieurs titres :
– elles décident, dans leur arrêt du 28 octobre 2021, ceci : « Eu égard aux devoirs que l’Expert judiciaire indique avoir accomplis et restant à accomplir, et sans préjudice à la taxation future de ses frais et honoraires, il est justifié à ce stade de fixer à 75.000 euros (Tva comprise) la provision complémentaire demandée par l’expert judiciaire. »
Ces 75.000,00 euros ( qui laissent 3.697 euros impayés) ne couvrent que des travaux déjà accomplis, elles ne se prononcent donc pas sur les 35.000 euros correspondant à des travaux restant à accomplir alors que l’Expert devrait pourtant les entamer sans tarder. Mais peut-être ont-elles une idée derrière la tête en lien le deuxième point qui suit.
Dans ses écrits à la Présidente, l’Expert judiciaire s’est étonné à plusieurs reprises que les plumitifs d’audience ne reflètent pas la teneur de ses propos, on peut en revanche noter que cette fois la Présidente a parfaitement retenu ce que Luc Verbruggen a déclaré lors de l’audience du 07 octobre 2021 tout en se gardant bien d’en situer le contexte, à savoir
– La Présidente de la Cour se sera donc livrée à la répartition suivante des frais d’expertise exposés à la date du 23 août 2021 :
° 45.833,00 euros pour les 5 fraudeurs soit 9.167,00 euros par fraudeur
° 4.167,00 euros pour Jack Verbruggen, le frère à la ligne ondulante
° 50.000,00 euros pour l’héritier rebelle qui après tout est le responsable de cette longue expertise ! Sans lui, tous ces frais auraient été épargnés semble vouloir dire Madame la Présidente. Effectivement, sans lui, le Trésor Public aurait vu définitivement filer sous son nez de 50 à 100 millions de droits de succession , mais cela ne préoccupe pas la Cour.
L’une des 5 fraudeurs étant décédée, laissant la place à ses 4 filles héritières qui n’acceptent la succession que sous bénéfice d’inventaire, le « fardeau » par personne des 5 fraudeurs/héritières de fraudeur s’allège encore.
Quant à l’Expert, il a toutes chances de devoir tirer un trait sur le paiement des honoraires exposés. Et comme la Cour l’a invité à suspendre ses travaux dès l’arrêt du 28 octobre 2021, il ne pourra pas répondre aux observations des héritiers fraudeurs qui sont censées lui être adressées pour le 20 décembre 2021, pas plus qu’à celles de l’héritier rebelle.
La Cour enlève ainsi à Luc Verbruggen toute possibilité de payer les 50.000,00 euros exigés et garantit l’échec de l’expertise puisque l’arrêt du 28 octobre 2021 précise que l’Expert devra clôturer sa mission en l’état si les 75.000,00 euros à payer pour le 31 janvier 2022 ne le sont pas. Elle le garantit doublement puisqu’elle peut être certaine que les héritiers fraudeurs et consorts ne paieront pas, comme ils l’ont déclaré en audience.
La Cour, outre la perfidie, manie le cynisme avec talent puisque l’on peut lire dans cet arrêt du 15 avril 2021 que « les notaires liquidateurs n’ont pas encore procédé à l’analyse des pièces et explications en rapport avec la liquidation de l’Anstalt Fidelec[27] ». Et pour cause, puisque la Cour se refuse à prendre la moindre mesure de coercition et/ou d’astreinte pour que ces pièces recélées par les fraudeurs ne le soient plus.
9-L’Etat belge n’a-t-il vraiment aucun moyen d’agir ?
Enfin, lors de l’audience tenue le 05 décembre 2019 devant la 43ème Chambre, l’Etat belge ne s’est-il pas prononcé pour lever à hauteur d’un million d’euros les saisies conservatoires en cours afin de financer l’expertise en cours jusqu’à son terme ?
10-Qui pour enfin briser l’indicible chape de plomb sur cette affaire ?
Quelqu’un va-t-il enfin s’étonner que plus de 10 millions d’honoraires divers et variés aient été dépensés pour une succession déclarée de 117.000,00 euros ? Quelqu’un va-t-il enfin se poser la question de savoir pourquoi cette affaire d’évasion fiscale aux droits de succession mobilise autant de magistrats lors d’autant d’audiences alors que la justice n’est plus à même de traiter les affaires financières par manque de moyens ? Quelqu’un va-t-il enfin se poser la question de savoir pourquoi il y a toujours autant d’avocats présents aux audiences, au bout de 20 années de procédures ? Tous ces avocats coûtent très cher aux évadés fiscaux qui déclarent pourtant être dans l’incapacité de faire face aux honoraires de l’expertise judiciaire ! Ils ne travaillent pas pour rien. On connaît les tarifs horaires de gros cabinets d’avocats tels que, par exemple, le Cabinet DalDeWolf, défenseur des 3 sociétés faisant l’objet de l’expertise judiciaire : ce ne sont pas ceux de l’Expert judiciaire. Curieux d’apprécier ce que cela pouvait représenter pour chacune des 3 sociétés en question , l’examen de leurs bilans BNB a permis de constater l’inexistence de frais d’avocat[32] sur les dernières années, ce qui ne doit pas nécessairement conduire à conclure (même si cela est bien interpellant) que les honoraires en question soient pris en charge par d’autres entités, dans la mesure où les sociétés en question se sont largement illustrées par des pratiques comptables étranges et « créatives » nous a prouvé l’Expert dans ses rapports.
Le Conseil Supérieur de la Justice (CSJ)[33], plusieurs fois saisi, en charge -entre autres- de l’amélioration du fonctionnement de la justice au profit du citoyen, va-t-il sortir de son silence ?
L’ordre public n’est-il pas menacé ?
La « Team Justice », dont on peut penser qu’il s’agit du Ministère de la Justice, met en exergue sur ses courriers et sur son site internet : « Plus rapide, plus humaine, plus ferme ».
Chiche !
Le 31 janvier 2022, à minuit, nous serons fixés.
Christian Savestre
[1] Montesquieu (1689-1755), auteur de « L’Esprit des Lois » en 1748 et de « La Défense de l’Esprit des Lois » en 1750
[2] « Sociologie des élites délinquantes, de la criminalité en col blanc à la corruption politique » Pierre Lascoumes et Carla Nagels.
[3] Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence,1721
[4] Ubu roi est une pièce de théâtre d’Alfred Jarry publiée le 25 avril 1896.
[5] Perrin Dandin est un personnage de l’ouvrage de Rabelais « Le Tiers Livre » , autoproclamé « Appointeur de procès ». Ce personnage de juge est repris par La Fontaine dans la fable « L’Huître et les Plaideurs » et par Racine dans « Les Plaideurs ».
[6] Sisamnès fut un des juges royaux de l’empire perse sous le règne de Cambyse II, condamné par celui-ci pour forfaiture à être écorché vif.
[7] L’arrêt de la Cour de Cassation (affaire Verbruggen), prononcé en audience publique le 6 mars 2013 par le Chevalier Jean de Codt qui a fait rapport en présence de l’Avocat général Damien Vandermeersch qui a conclu, vient confirmer l’acquittement décidé par la Cour d’Appel le 18 septembre 2012 pour les « 5 héritiers » après qu’ils aient été condamnés à 5 mois de prison avec sursis en première instance le 27 janvier 2011.
[8] La Libre du 22 novembre 2021. Extrait : « Chez nous, les droits de la défense constituent un principe général de droit à valeur constitutionnelle ».
[9] La lecture des 22 articles relatifs à l’Affaire Verbruggen montre que d’autres infamies judiciaires ont été commises. (POUR.Press, Affaire Verbruggen)
[10] La CTIF est chargée d’analyser les faits et les transactions financières suspectes de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme qui lui sont transmis par les institutions et les personnes visées par la loi.La CTIF est une autorité administrative indépendante, ayant la personnalité juridique, sous le contrôle des Ministres de la Justice et des Finances. Placée sous la direction d’un magistrat, Monsieur Philippe de KOSTER, elle est composée d’experts financiers et d’un officier supérieur de la Police fédérale.
[11] 16ème article Affaire Verbruggen intitulé « Taire la vérité » https://pour.press/taire-la-verite/
[12] 19ème article Affaire Verbruggen intitulé « Autopsie comptable meurtrière » https://pour.press/autopsie-comptable-meurtriere-pour-les-heritiers-fraudeurs/
[13] Fernand Maillard, Vice-Président de l’Institut des Réviseurs d’Entreprises de Belgique a été appointé par les 5 héritiers hostiles aux droits de succession en tant que conseiller technique.
[14] Cf note 13.
[15] CTIF, Cf note 10.
[16] Chronologie entrecroisée : entre d’une part les courriers (leurs extraits les plus significatifs) de l’Expert judiciaire à la Présidente de la Cour d’Appel et les arrêts de cette dernière (leurs extraits les plus significatifs).
[17] Gérance de Biens est l’une des 3 sociétés expertisées, les 2 autres étant Saprotel et Gespafina.
[18] Claire Gram était l’épouse du notaire Robert Verbruggen. Femme au foyer, mère de 7 enfants et couturière de métier, elle a été transformée par le planificateur successoral Me Emmanuel de Wilde d’Estmaël en « business woman » de choc
[19] Article 780 bis du code judiciaire : « La partie qui utilise la procédure à des fins manifestement dilatoires ou abusives peut être condamnée à une amende de 15 EUR à 2.500 EUR sans préjudice des dommages – intérêts qui seraient réclamés.»
[20]Article 973, § 2. Le juge peut ordonner la comparution des parties et des experts. Le juge refuse de prolonger le délai lorsqu’il estime qu’une prolongation n’est pas raisonnablement justifiée. II motive cette décision.
[21] Cf note 19.
[22] Le principe de subsidiarité est une maxime politique et sociale selon laquelle la responsabilité d’une action publique, lorsqu’elle est nécessaire, revient à l’entité compétente la plus proche de ceux qui sont directement concernés par cette action. Lorsque des situations excèdent les compétences d’une entité donnée responsable de l’action publique, cette compétence est transmise à l’entité d’un échelon hiérarchique supérieur et ainsi de suite. Le principe de subsidiarité veille à ne pas déconnecter la prise de décision publique de ceux qui devront la respecter. C’est en somme la recherche de la sphère d’influence adéquate dans une organisation sociale par laquelle se déploie une action publique.
[23] Démembrement : l’Expert judiciaire, Emmanuel Sanzot, est l’auteur d’un ouvrage intitulé « Les droits réels démembrés » Publication de juillet 2008. L’auteur effectue une approche transversale de la matière « outre les aspects de droit civil, lesquels constituent les fondations de toute opération de démembrement, l’auteur analyse avec rigueur les aspects en droit d’enregistrement, la législation en matière de TVA, les règles en matière d’impôts directs (impôt des personnes physiques et impôt des sociétés), mais aussi le cadre comptable. »
[24] Anstalt (Etablissement):dans la Principauté du Liechtenstein, forme juridique située entre la corporation et la fondation utilisable comme instrument de gestion de fortune/holding.
[25] Maître Tchékémian, avocat avec Patrick De Wolf, des 3 sociétés à expertiser, associé du Cabinet DalDeWolf.
[26] Article 972 bis : Les parties sont tenues de collaborer à l’expertise. A défaut, le juge peut en tirer toute conséquence qu’il jugera appropriée. Au moins huit jours avant la réunion d’installation et, à défaut, au début des travaux, les parties remettent à l’expert un dossier inventorié rassemblant tous les documents pertinents.
[27] Cf note 24.
[28] Cf note 10.
[29] Cf 21ème article Affaire Verbruggen, intitulé « Celui qui dit la vérité sera exécuté au Palais de Justice de Bruxelles le 31 janvier 2022 » https://pour.press/celui-qui-dit-la-verite-sera-execute-au-palais-de-justice-de-bruxelles/
[30] La Libre du 20 novembre 2021.
[31] Montesquieu, « De l’Esprit des Lois »
[32] les bilans BNB des 3 sociétés Saprotel, Gérance de biens et Gespafina ne mettent pas en évidence l’existence de “services et bien divers” et donc pas de frais d’avocats qui sont inclus dans cette rubrique générale. Cela veut-il dire que ces sociétés ne se voient pas facturées des frais de leurs avocats déclarés ou que “le comptable” ne remplit pas la ligne “services et biens divers”, ce qui est pourtant obligatoire depuis les clôtures effectuées au titre de 2011. Il existe une exception pour Gespafina qui mentionne en 2011 et 2012 des services et biens divers pour respectivement 88.144 et 52.945, sans que l’on puisse savoir si des frais d’avocats sont inclus ou non dans ces montants, puisque les bilans BNB ne fournissent pas le détail. Comme des frais d’avocats ont été exposés après 2012 et que la rubrique services et biens divers n’est pas renseignée, il y a lieu de s’interroger sur la facturation des honoraires des avocats des 3 sociétés.
[33] CSJ : Le Conseil supérieur de la Justice doit aider la justice belge à mieux fonctionner en jouant un rôle décisif dans la sélection et la nomination des magistrats, en exerçant un contrôle externe sur son fonctionnement, notamment via des audits, des enquêtes particulières et le traitement des plaintes et en rendant des avis. Le CSJ est un organe indépendant du Parlement, du gouvernement et du pouvoir judiciaire. Le CSJ prend des initiatives et rend des avis concernant l’amélioration du fonctionnement de la justice, au profit du citoyen.
[34] Cf Chapitre IV Dossier Pandora Papers par Victor Serge. Intitulé « Les constats techniques » par Victor Serge. https://pour.press/les-constats-techniques/