Gaza et le chemin de l’Allemagne vers l’autoritarisme

Comment l’Allemagne s’est retrouvée sur une trajectoire de confrontation dangereuse avec la liberté d’expression et le droit international.

Des intellectuels et des artistes de renommée internationale – dont des voix juives – qui s’engagent pour les droits de l’homme et la paix sont désinvités de l’Allemagne
L’attitude du gouvernement allemand vis-à-vis de la guerre à Gaza et son traitement de plus en plus répressif des critiques suscitent des inquiétudes au niveau national et international. L’administration composé de sociaux-démocrates, de Verts et de libéraux assure un soutien militaire et diplomatique inconditionnel à Israël qui doit justement répondre devant la Cour internationale de justice de La Haye de soupçons de génocide – soupçons que la Cour elle-même juge “plausibles”. Des intellectuels et des artistes de renommée internationale – dont des voix juives – qui s’engagent pour les droits de l’homme et la paix sont désinvités de l’Allemagne, leurs professorats révoqués, leurs remises de prix annulées, notamment dans les cas de Nancy Fraser, Laurie Anderson et Masha Gessen. Leur crime : appeler par leur nom les crimes de guerre et les violations des droits de l’homme largement documentés à Gaza et exiger ce que l’Assemblée générale des Nations unies demande également à une écrasante majorité : un cessez-le-feu immédiat et durable pour mettre fin à la tuerie insensée à Gaza. Entre-temps, plus de 33.000 personnes, dont 13.000 enfants, ont été victimes des bombardements et une famine catastrophique se répand.
La liste des proscrits s’allonge presque chaque jour.
La liste des proscrits est loin d’être terminée, elle s’allonge presque chaque jour. Les cinéastes Yuval Abraham d’Israël et Basel Adra de Palestine, qui ont reçu le prix du documentaire de la Berlinale pour leur film “No Other Land” sur les expulsions en Cisjordanie, ont été accusés d’antisémitisme par les politiques et les principaux médias parce qu’ils ont demandé la fin des livraisons d’armes allemandes à Israël, qui avaient été multipliées par dix pendant la guerre. En plus, ils ont osé prononcer le mot “apartheid”, que les deux principales organisations mondiales de défense des droits de l’homme, Amnesty International et Human Rights Watch, utilisent depuis des années à propos d’Israël, après avoir mené des études approfondies sur le terrain pendant de longues années.[1] Aujourd’hui, en Allemagne, quiconque se réfère à l’ONU, au droit international et aux organisations de défense des droits de l’homme reconnues est déclaré persona non grata, détracteur d’Israël, antisémite.

Fabian Scheidler

Fabian Scheidler est l’auteur du livre “La Fin de la mégamachine. Sur les traces d’une civilisation en voie d’effondrement“ (Le Seuil / Édition Points 2023)” .

Nous vous conseillons vivement d’aller faire un tout sur son site web qui regorge d’infos plus intéressantes les-unes que les-autres : https://fabian-scheidler.com/

Source : https://blogs.mediapart.fr/fabian-scheidler/blog/180424/gaza-et-le-chemin-de-lallemagne-vers-lautoritarisme

[1] https://www.amnesty.org/en/latest/campaigns/2022/02/israels-system-of-apartheid/ ansi que https://www.hrw.org/de/news/2021/07/26/die-realitaet-der-apartheid

[2] https://www.stern.de/politik/deutschland/palaestina-kongress–deutschland-verhaengt-einreiseverbote-gegen-redner-34622962.html. Les articles originaux de Saman Abu Satta se trouve ici : https://mondoweiss.net/2024/01/i-could-have-been-one-of-those-who-broke-through-the-siege-on-october-7/ et ici : https://www.middleeastmonitor.com/20231017-the-barbarians-are-back/

[3] https://www.rnd.de/politik/umfrage-fast-70-prozent-kritisieren-israels-vorgehen-in-gaza-35LLW7QGZRMBXBBD7QTWWFWSMQ.html

[4] https://www.aljazeera.com/news/2024/1/11/artists-urged-to-reject-german-institutions-over-berlins-stance-on-gaza