Européennes : l’écran du souverainisme

Cette fois-ci, les critiques se concentrent sur une nécessaire restauration de la souveraineté.
L’élection de 720 députés au suffrage universel direct, dans 27 Etats membres de l’Union Européenne va avoir lieu pour la neuvième fois en France, devenant ainsi un habitus démocratique. Elle est l’occasion de légitimer des critiques de l’UE.  Cette fois-ci, elles se concentrent sur une nécessaire restauration de la souveraineté.

La critique des institutions de l’Union a une histoire spécifique. Elle a été rythmée par le débat sur la « constitution » européenne en 2005, puis par la sortie de la Grande-Bretagne en 2017.  A chaque fois, ce sont des référendums qui ont porté le débat et mobilisé l’opinion. Ils ont ouvert une crise profonde, parfois colmatée comme en France par un vote contraire du parlement (en 2008). Le Brexit a pu apparaitre comme une revanche de cette contradiction démocratique. Il est devenu un thème très partagé lors des dernières élections de 2019. Avec les élections de ce 9 juin, nous sortons d’une décennie marquée par lui. Du fait de son application concrète et problématique en Grande-Bretagne, il a disparu des programmes en France et ailleurs. C’est la revendication d’une restauration de la souveraineté nationale en général, et de souverainetés spécifiques en particulier, qui a pris le relai (seules deux listes, celles de F. Asselineau et de F. Philippot revendiquent encore un Frexit).

Plusieurs listes préfèrent défendre la « souveraineté politique, monétaire, énergétique, sécuritaire, judiciaire, militaire »
Plusieurs listes préfèrent défendre la « souveraineté politique, monétaire, énergétique, sécuritaire, judiciaire, militaire ». G. Kuzmanovic (ancien conseiller politique de J.L. Mélenchon) conduit une « Liste de République souveraine », quand deux autres (E. Husson et P. M. Bonneau) appellent à refuser « la perte de la souveraineté de la France » et à défendre « la souveraineté de la nation française ». J. Bardella fait la synthèse en prônant « la priorité nationale ». Cet engouement souverainiste connaît d’ores et déjà des traductions législatives : contre « les étrangers non ressortissants de l’UE » avec la loi immigration du 26 janvier 2024 ; pour « la souveraineté alimentaire » dans le projet de loi d’orientation agricole examiné à l’Assemblée nationale depuis le 14 mai (en Italie, le « ministre de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire » F. Lollobrigida, s’emploie à ajouter à l’article 32 de la Constitution que « la République (…) protège les produits symboles de l’identité nationale »). Mais c’est sur le terrain de la réindustrialisation que se nouent le mieux les ambiguïtés de la notion. Elle est souvent sollicitée par le ministre B. Le Maire aux prises avec un protectionnisme improbable.