Donald Trump, le monde à la merci de l’immédiateté (2)

On reste surpris par l’élection américaine. Un milliardaire indépendant, aux idées sauvages, a battu la candidate institutionnelle la plus subsidiée de toute l’histoire mondiale des démocraties.
Le premier volet a abordé la façon dont le mensonge au peuple l’a emporté sur le cynisme mondialiste. Regardons maintenant ce que le gagnant fait de sa victoire, comment il transforme l’appareil à gouverner. Avant d’en terminer avec le destin du «libre-échange», ce commerce mondial qui nous a tant préoccupés avec le TTIP et le CETA.
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A programme menteur, attelage composite

On retient son souffle en sachant que le style de la campagne américaine se prolonge par des déclarations de Trump qui peuvent désarçonner les habitués des langages politiques et diplomatiques.  Que ce soit depuis la Trump Tower de New York ou depuis sa résidence floridienne, Trump téléphone et twitte sans vergogne, traitant en direct des affaires comme le prix d’un avion, l’implantation d’une usine automobile, le pipeline du Dakota, l’unicité de la Chine, le comportement de Poutine ou la composition de sa prochaine équipe pour quatre ans d’administration renouvelée.

Trump choisit son équipage (voir fin d’article) en fonction de deux critères: la capacité de gagner et l’indépendance. Résultat: on trouve des gens âgés, très fortunés, sans vergogne et «libres», c’est-à-dire capables de dire non à toute sollicitation. Capitaliste, Trump semble vouloir conduire son pays non selon un schéma politique savamment tramé mais comme un chef d’entreprise, capable de décider en fonction de l’appréciation immédiate de telle ou telle situation. L’immédiateté va rejoindre la vulgarité et l’esprit de combat. Et les Nord-Américains aiment ça. Quand un dirigeant est à la fois martial, chaud et imprévisible, il faut s’attendre à tout. On risque de confondre les pinceaux dans la lecture du jeu.

Il ne sera pas simple de jouer dans l’équipe, même si sur le papier, les Républicains disposent de tous les atouts pour mener une politique cohérente: la présidence de l’État et de la Cour suprême, la majorité au Congrès et à la Chambre. Menacés d’implosion complète voici deux mois, les Républicains ont retrouvé toutes leurs cartes grâce à Trump qu’il n’ont pas du tout voulu. Nul doute qu’ils vont en profiter, mais sous le contrôle de Trump, qui vient déjà, petit incident, de diminuer les prérogatives de la Commission de déontologie du Parlement. Lâchez les brides!

En tout cas, le trumpisme «officiel» commence en force. Le responsable général des Affaires étrangères est le dirigeant d’Exxon, Tillerson, information qui surprendra tout qui doutait du lien entre le pétrole et la géopolitique.

Les PME seront orientées par une cheffe d’entreprise qui organise des matchs de catch. On attend de nouvelle règles! Rien de tel qu’un proche des entreprises des énergies fossiles pour s’occuper de l’environnement. Et rien de tel qu’un homme du sérail (Goldman Sachs) pour être en charge du Trésor. Il n’y a pas mieux qu’un raciste pour le département de la Justice. «Je pensais que ces gars (le Ku Klux Klan, ndlr) étaient corrects jusqu’à ce que j’apprenne qu’ils fumaient de la marijuana.» a déclaré Jef Sessions, nouveau ministre de la Justice. Pour le contrôle de la Bourse, le choix s’est porté sur un avocat d’affaires, spécialisé dans les fusions-acquisitions.

L’équipe à responsabilités politiques identifiées (devant le Parlement notamment) ne fera pas oublier le rôle de Steve Bannon. L’homme a déjà été décrit dans les colonnes de POUR. Il a le couteau entre les dents et est prêt à broyer du Noir, du féministe, du féminin, du démocrate, du dérangeant et du non-aligné. C’est le genre de personnage qui aurait parfaitement convenu dans le dispositif maccarthyste. Il construit des dossiers…

Le chef des services de la Maison Blanche a dirigé le Parti républicain, ce navire brinquebalant qui a joué jusqu’à sa légitimité et son existence jusqu’à la victoire de Trump. Selon lui, le Parlement va «suivre» le Président, ce qu’il va tester avec empressement en s’attaquant en priorité à l’Obamacare (la disposition sécurité-santé). On vous promet de la nuance.

Notons qu’on va vite comprendre qui du Parlement ou de la présidence va émerger. En proposant rapidement de diminuer les pouvoirs de son bureau d’éthique, la majorité républicaine au Parlement est allée directement à l’encontre de la disposition de Trump visant à «faire le nettoyage des sales affaires de Washington». Les anti-Russes du Parlement doivent aussi déchanter en voyant que Trump ne s’engage pas dans la voie des sanctions contre Moscou.

Il ne suffit pas d’évoquer l’incertitude et l’immédiateté pour caractériser ce qui va se passer en Amérique et ce qui va en dépendre pour le reste du monde. Il y aura des accidents, c’est sûr, et l’on verra des purges dans la nouvelle équipe au pouvoir, opérations qui seront traitées en direct, sur Twitter. Le spectacle sera au rendez-vous.

Les lignes directrices qui peuvent à ce stade être dégagées seront certes touchées par les à-coups, mais l’Amérique ne s’en écartera que pour que pour saisir des opportunités de dominer.

Le recul de la sphère politique est une certitude. Les normes, les règles, les actions publiques, les obligations de solidarité et de fiscalité, tout cela fera place au «bon sens», tant vanté au cours de la campagne électorale largement ciblée contre «la bureaucratie de Washington». L’État sera interdit d’intervenir sur les marchandises tandis qu’il aura davantage de possibilités pour contrôler les humains. On le voit dans l’indicible négation du problème climatique où les obligations de l’État américain vont être remises à zéro. Le maigre «système» de santé mis en place récemment sera éliminé, sans même que l’on se pose la question de son remplacement.

Les causes communes, organisées dans des programmes d’action, seront bannies. Seul le domaine des grands équipements trouvera grâce aux yeux du pouvoir, en opérant une modernisation et une relance en faveur de la mobilité individuelle est de la circulation des marchandises.

Couplé à une réduction des impôts, tout cela donnera une nette augmentation du déficit public, mais, c’est une constante, ce phénomène n’a jamais préoccupé les présidences républicaines (Reagan et Bush) qui miseront sur le monétaire pour régler le dossier sur le dos du «reste du monde».

Car il y aura l’Amérique et le reste du monde, avec la possibilité de s’arroger les ressources nécessaires quand l’intérêt nord-américain est en cause. Il est donc compréhensible que l’axe mondial le plus dangereux du monde soit celui qui relie Washington et Pékin, toutes deux étant en confrontation sur les questions monétaires et sur l’accès aux ressources.

Dans cette bataille potentielle, l’Europe ne compte pas, elle ne sera pas prise en compte dans une alliance militaire qui n’a plus de sens, étant tournée contre la Russie, qui a ses ressources et est peu prêteuse de capitaux.

La dignité de l’homme blanc agira comme un leitmotiv, que ce soit pour son emploi, pour son revenu, son bétail, son armement personnel, sa certitude religieuse, son divertissement ou sa représentation de lui-même. Glorifiée, l’image de l’honnête homme et du gros bon sens va s’afficher entre l’injustice et le mérite. Figurant du patriotisme, le trumpiste de base ne portera pas son attention sur les riches qui le dépassent, il surveillera ceux qui, dans les classes délaissées, pourraient jouer les profiteurs et peut-être les dépasser. Il ne sera plus délaissé lui-même, obligé de vendre sa maison pour payer sa banque. Il reverra une «terre promise» en se persuadant qu’elle ne peut absolument pas être accessible aux «inférieurs».

Clint Eastwood et Sylvester Stallone figurent bien tout cela. Le combat sans merci (pour soi-même) peut s’habiller de scrupules et les postures morales tolèrent les cogneurs. Schwarzenegger est en réserve de la république.
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L’équipe de Donald Trump