Découverte passionnante au pays des tiges et chavées

Au bout de la rue Pichelotte, à Gesves, les bureaux du GAL-Tiges et Chavées bordent un large espace accueillant (où se trouvent également le CPAS, une bibliothèque, un restaurant et des logements) qui se révélera à l’image de l’ouverture et du foisonnement de cette association particulièrement dynamique.

Le concept de GAL (Groupe d’Action Locale) regroupe différents acteurs publics et privés actifs sur un certain nombre de communes. Il a pour mission principale la mise en œuvre de divers projets dans le domaine de l’agriculture, de l’environnement, de l’emploi local et de la cohésion sociale d’un territoire.

Quant aux termes pour le moins énigmatiques « tiges et chavées », ils désignent les lignes de crête (tiges constituées de grès) et des dépressions calcaires (chavées) qui font la particularité topographique et paysagère des communes condruziennes d’Assesse, Gesves et Ohey sur la province de Namur.

Partir des ressources locales

En vue de soutenir des projets de développement rural au niveau local, de revitaliser les zones rurales et de créer des emplois, l’Union européenne a lancé en 2000 le fonds LEADER (Liaison Entre Actions de Développement de l’Économie Rurale). Il est alimenté par le Fonds européen agricole pour le Développement Rural (FEADER) et la Région wallonne.

En 2002, arrive à l’Agence de Développement Local (ADL) d’Assesse et Gesves un appel à projet pour expérimenter en milieu rural de nouvelles approches du développement en valorisant les ressources locales existantes entre ruraux et néo-ruraux. Très rapidement les acteurs locaux privés et publics réagissent. Avec l’appui de l’ULB, le GAL-Tiges et Chavées lance une étude sociologique afin de connaître les besoins des gens pour ensuite élaborer un dossier de candidature avec fiches projets, mise en place du partenariat et budget prévisionnel.

Direction le développement durable

La stratégie LEADER pose sept principes qui apportent une dynamique d’autodéveloppement à long terme. Les voici résumés succinctement :

Premier principe : avancer sur des stratégies locales de développement par zone (au départ c’était sur Gesves et Assesse) qui présentent une identité locale et se caractérisent par des traditions et attentes communes.

Ensuite, l’approche ascendante : les acteurs locaux sélectionnent les priorités et participent à la prise de décision. Troisième principe, mettre en place le partenariat public-privé. Partenaires privés et associations doivent représenter au moins 50% du partenariat local. Faciliter l’innovation au sens large (nouveau service, produit ou processus…) est une priorité comme dans tous les projets financés par l’Europe ainsi que la mise en réseau pour échanger les expériences et le savoir-faire entre les groupes LEADER, les zones rurales et les administrations. La stratégie locale doit avoir un fondement multisectoriel et intégré pour former un ensemble cohérent. Et enfin, dernier principe, entreprendre la coopération interterritoriale avec un autre groupe LEADER ou un autre adoptant une approche similaire.

2001-2006 Mise en marche

Très vite, une belle dynamique fait son chemin dans les villages. À partir des avis des habitants, des opérations sont lancées : villages ouverts et fleuris, fêtes des ruralités (le pluriel est important), concours de chevaux de traits (qui lancera la filière équestre), maraude aux pommes, fête de mai (valorisant les œuvres d’art), , vergers conservatoires, services de proximité (repris plus tard par l’ASBL CAIAC, créée pour pérenniser le projet) pour casser l’isolement des personnes âgées, etc.

Ce qui caractérise toutes ces innovations, c’est l’amplitude des domaines et les types de besoins auxquelles elles tentent de trouver des solutions.

2007-2013 l’horizon géographique s’élargit

Ohey rejoint Gesves et Assesse. Les trois villages contigus ont des points de ressemblances culturelles et économiques. La nouvelle entité du GAL Pays des Tiges et Chavées grandit en réunissant 20.000 habitants pour se déployer sur 20.000 hectares. D’où l’explosion de projets : diversification agricole (les circuits courts émergent), tourisme (avec des sentiers didactiques et une association équestre), trois maisons d’accueil communautaire et intergénérationnel, 9 jardins partagés, un maillage écologique fait d’arbres, des prés fleuris et 35 mares, la protection des berges et tant d’autres… Le tout sur base de rencontres organisées dans la diversité d’intérêts, de plaisirs et, bien sûr, d’efforts conséquents.

Mais tout cela ne se fait pas dans un claquement de doigt. Comment avance le GAL Tiges et Chavées ? Qui sont les gens qui y collaborent ? Quels sont ses moyens ?

2014-2020 la maturité de la réussite

Cette année, le projet Leader en est à la moitié de sa troisième programmation qui couvre les années 2014-2020. L’asbl GAL a fêté ses 15 ans d’existence où à la fois ont été salués tous les projets existants, mais où surtout, les acteurs veulent plus que jamais regarder devant eux ! Le coordinateur Xavier Sohet, en responsabilité depuis 2012, est à la tête de sept personnes travaillant à mi-temps, chacune chargée de mission pour un projet préétabli que nous évoquons ici sans pour autant tous les expliciter. Ils sont présentés sur 9 fiches projets pour 5 ou 6 années. Y figurent un constat, des défis et les actions prévues consultables par le grand public. La palette est étendue : Agriculture, Forêt-Filière bois, Logement, Énergie verte, Action sociale, Paysages, Vicigal, Tourisme, Filière équestre. Pour chaque domaine, le GAL met en place un accompagnement et une dynamique en termes de services étendus susceptibles de contribuer à la réussite d’une idée. (voir http://www.tiges-chavees.be/le-gal/)

Une gestion au top niveau

L’équipe de terrain est secondée par du personnel administratif qui est à la hauteur d’une comptabilité difficile car l’Europe est très pointilleuse tout comme la Région wallonne. Chaque projet présente un budget d’environ 200.000€. De quoi financer du personnel bien entendu, mais également des actions concrètes, des formations, des visites de terrain, des outils de communication et de sensibilisation, des petits investissements, etc. Il faut parfois traiter avec plusieurs administrations différentes et envoyer des rapports d’activité semestriels. Les dossiers à produire pèsent lourd de calculs, de pièces justificatives, de précisions à donner, de réflexions et d’évaluations utiles pour l’avenir.

À chaque nouvelle programmation européenne, les chargés de mission quittent l’asbl, quelle que soit leur valeur et leur réussite. « C’est dur, mais c’est la volonté de l’Europe : repartir d’une page blanche à chaque fois ! ». Le GAL engage donc de nouvelles personnes ayant des compétences en lien avec les thématiques développées dans la programmation. « Pas de risque de s’ankyloser, dit Xavier Sohet. Quand se termine une programmation (ce sera en 2020), les 9 projets seront, nous l’espérons, devenus autonomes. Le GAL s’efface au profit des acteurs de terrain qui ont œuvré pour lancer l’initiative pour qu’ils la poursuivent tout seuls ou qu’elle soit prise en charge par les communes, c’est selon. »

Le jeu vital de la participation

Qui produit de nouvelles idées ? « L’équipe du GAL est très stimulante intellectuellement et en contact direct avec les citoyens qui expriment leurs attentes lors des événements qu’on organise, répond Xavier Sohet. Notre boulot est de répondre aux besoins des gens et leur amener des moyens tant au niveau accompagnement que sur le plan financier. Chaque dossier s’appuie sur un diagnostic du territoire établi en collaboration avec un bureau d’étude. On réunit ensuite des groupes de travail, c’est le fonctionnement bottom-up. On avance par essais et erreurs. Il y a eu une certaine évolution dans les domaines d’activité. Au départ, le territoire du GAL était moins étendu et son action était plus environnementale et axée sur la biodiversité. Maintenant, nous touchons davantage à des matières communales comme le logement, l’aménagement du territoire, l’énergie,…et nous apportons aux communes des moyens supplémentaires pour le long terme. Notre cheval de bataille, c’est la transcommunalité : nous mettons en œuvre des projets répondant à des attentes concrètes, mais que les communes ne pourraient développer seules (échelle territoriale non pertinente, manque de moyens humains et financiers…) On ne cherche pas à suivre des effets de mode, mais à soutenir les actions naissantes. Le programme LEADER permet cette possibilité d’apporter les moyens de la Région wallonne et les communes suivent volontiers. »

Cyclistes et piétons sur une dorsale

Tout en dirigeant l’asbl, Xavier Sohet, a en charge le projet ViciGAL qui devrait répondre au manque de mobilité douce au quotidien et à la volonté des villages de développer l’activité touristique. Ce projet consiste à créer une voie verte qui reliera Yvoir à Huy (de Meuse à Meuse) sur 41km et traversera les communes d’Assesse, Gesves et Ohey. Un projet, qu’il a fallu négocier à la Région wallonne avec une étude réalisée par un bureau extérieur et énormément de réunions avec les services urbanistes des communes. Il a fallu chercher le tracé le moins accidenté et le plus sécurisé possible (pour que les enfants puissent aller en vélo à l’école par exemple). « Nous avons travaillé avec une bonne énergie entre les communes. 30 km emprunteront des chemins public et routes secondaires s’inspirant du tracé de l’ancien chemin de fer vicinal mais 10 km étaient à négocier avec 28 propriétaires pour racheter un bout de terrain privé. Les négociations sont sur le point d’être finalisées. Tout repose sur la bonne volonté de tous. Après l’estimation du coût, il a fallu s’adresser au gouvernement. Nous serons le premier projet transcommunal en Wallonie bénéficiant du Programme communal de développement rural, à l’échelle de plus de 2 communes. Avec l’aide des communes d’Yvoir et de Huy, nous bouclons le budget qui tourne autour de 3.500.000€. Mais on est encore loin du premier coup de pelle ! Objectif : 2020 ! »

Activer les leviers

L’asbl GAL-GAL Pays des Tiges et Chavées est une vraie boîte à surprises. Ici n’a été évoqué que le bout des branches de cet immense arbre de transition. Mais le GAL aussi actif qu’il est, amène-t-il des solutions durables contre les dérives consuméristes ? Xavier Sohet répond : « à notre échelle, sur un petit territoire, on active les leviers. On ne peut s’attaquer à tous les problèmes de fond, tels que la mobilité en milieu rural, l’agriculture durable, l’autonomie énergétique, etc. Néanmoins, on essaie de penser global pour agir local !. Dans le cadre du projet Energie verte par exemple, avec les déchets verts issus de l’entretien des voiries et espaces verts broyés puis séchés et « criblés » par les services techniques, on alimente la chaudière du site de la Pichelotte avec tous les bâtiments cité plus haut. Autres exemples, nous initions les enseignants à interpréter les paysages car il faut former les enfants à la société de demain et nous développons des actions pour garder les jeunes au village. Nous menons aussi une action sociale de lutte contre l’isolement et l’exclusion. Les différents projets, aussi nombreux et variés soient-ils, sont solides et concrets et forment un tout menant vers une société durable. Le projet LEADER permet la transversalité et en donne les moyens.»

Les habitants de Assesse, Gesves et Ohey savent que la société de demain dépend de leur énergie. Le GAL Tiges et Chavées et son conseil d’administration géré par 10 mandataires publics et 20 privés travaillent pour répondre aux besoins de tous : hommes et femmes, jeunes et plus âgés, et à tous les métiers. Tant d’initiatives, menées par ces trois villages, permettent de conclure (et d’y croire) que la Politique, dans ce coin du Cœur du Condroz, peut se lire et se dire avec une majuscule !

Godelieve Ugeux