Cuba – Mise au point de la Rédaction

Soyons clairs. L’article “Cuba, le paradis des touristes, l’enfer des locaux” n’aurait pas dû paraître dans nos colonnes. Nicolas Perrin n’est pas responsable. En rien. C’est la rédaction de POUR.Press qui l’est. En tout. Le moment des vacances n’est pas une excuse. Une faute a été commise. Point. Alors, nous rectifions en publiant la réaction de Omar Aktouf, fidèle et ô combien passionnant dans tous ses articles et vidéos. Il exprime ainsi une pensée profondément en ligne avec notre ligne éditoriale. Il n’est en effet pas possible de parler de Cuba sans lire ce qu’il nous écrit. 
Omar Aktouf nous écrit.
Si vous souhaitez lui répondre, n'hésitez pas : omar.aktouf@hec.ca

Connaissant quasiment toute l’Amérique Latine comme ma poche ou presque, et sachant l’orientation éditoriale de Pour.press, j’ai été très étonné de la teneur du texte, à propos de Cuba, paru dernièrement sous la plume de Nicolas Perrin.

 

Batista et les mafias. Castro et l’embargo depuis presque 60 ans.

J’ai eu l’impression de lire ce qu’on en dit ici au Canada et aux USA ! Cela m’étonne de Pour.press et encore plus de l’auteur : aucune analyse sérieuse des effets de l’ignoble blocus en vigueur depuis près de 60 ans, un peu atténués quelque temps par Obama, mais encore bien aggravés sous Trump, pas de référence au Covid qui prive de touristes …, rien sur Biden qui laisse faire pour ne pas risquer de voir le vote de Floride aller encore aux Républicains. Cynisme inouï !

Nicolas ignore-t-il comment vivaient les Cubains avant Castro (dont je ne prétends nullement qu’il puisse être un saint, pas plus que ses successeurs) ? Sous Batista, Cuba  c’était LE grand bordel touristique des USA, La plaque tournante, AVEC LA BÉNÉDICTION DE WASHINGTON  ET DU FBI, de la drogue et ses COLOSSAUX bénéfices dont une partie était un pourboire à Batista et le reste, entre palaces pour milliardaires US, pour les chefs de toutes les mafias, et en particulier pour le financement d’Israël via le mafioso célèbre Meyer Lansky, aussi dénommé banquier de la mafia, qui a fini sa vie paisiblement et fort confortablement à Miami début 1983. Israël sans un Batista ayant livré Cuba pieds, poings et vagins liés à Tonton Sam ne serait peut-être pas ce qu’il est aujourd’hui ! Nullement inquiété, toutes enquêtes sur lui ayant été bloquées par le pouvoir US. Et pour cause ! Pour la petite histoire : courant des années 70, lorsqu’une section du FBI a voulu enquêter sur les « caches » des gigantesques sommes planquées par Meyer Lansky, notamment en Suisse, son « agent » à Genève est mort mystérieusement dans les 48 heures après que son nom ait fait surface. S’en est suivi un ordre, venu de hauts lieux, d’arrêt immédiat de toute cette enquête sur l’argent du banquier de la mafia ! La piste aurait conduit là où les puissants ne voulaient pas aller, notamment et sans doute Israël, ses fournisseurs de fonds et leurs hébergeurs à Genève.

Meyer Lansky a été un phénoménal pourvoyeur de fonds grâce aux multiples activités générées par le trafic de drogues (cannabis, cocaïne etc…)  , trafic encouragé par les plus hautes instances US auquel il faut ajouter les fruits des trafics d’alcool dans les années de prohibition, d’armes, de prostituées de toutes parts, sans oublier les spectacles, la boxe, tous les sports payants, ainsi que les paris gigantesques qui vont avec. Et l’on ne serait pas complet si nous n’ajoutions pas Hollywood et quasiment toute l’industrie des loisirs et des divertissements.

A lui seul, Meyer Lanksy (voir l’excellent docu-film avec Harvey Keitel portant ce titre) a fourni, dit-on, tant d’emplois qu’il en resterait encore entre 300 et 500 000 aux USA. Et ce notamment et entre autres, pour faire tourner casinos, lupanars et palaces de divertissements dans des villes construites ad hoc par la mafia proche de Meyer Lansky et Bugsy Siegel, comme Las Vegas, Atlantic City, Cincinnati… Et leurs confrères Luciano, Crazy Dutch, Dillinger… ont contribué à en « créer » des centaines de milliers d’autres

Oui, c’est ainsi que les gouvernements US pouvaient ainsi financer toutes leurs actions tordues à travers le monde, mais aussi donner des centaines de milliers d’emplois pour exécuter ces besognes, ou soit-disant « lutter » contre ! Si l’on se limite au seul décompte des employés des officines dédiées à combattre le trafic de stupéfiants, il y en a sans doute pour des millions : qu’il s’agisse de la DEA (Drug Enforcement Administration), des sections antidrogues de la CIA, du FBI, de l’armée, de toutes les polices… mais aussi des organismes de réhabilitation, de soins, de cures, de désintoxication etc… C’est simple si, demain ces trafics n’existaient plus ou étaient légalisés, les USA auraient d’énormes problèmes de chômage ! notamment dans ces villes entières (Cincinnati, Las Vegas etc…) qui sont gangrénées par toute cette économie mafieuse qui s’étend (entre autres pays) au Mexique avec des centaines de milliers de paysans esclaves de la culture du cannabis, mais pas seulement.

Voilà une bonne raison pour que Cuba soit si chère au cœur de Washington, comme dans la foulée Haïti, Le Panama, la Colombie …

 

Doctrine du « Containement ». Cuba et les autres.

Entre les années 40 et 59 les Cubains vivaient en deçà du Moyen Age. Aujourd’hui et de loin, ils font partie des peuples  parmi les plus cultivés, diplômés et instruits du monde. Les mieux soignés au monde aussi (qui ignore les paquebots de touristes sanitaires venant s’y faire traiter ?). Mais le blocus inhumain (si le Canada, calculs à l’appui, avait subi le même blocus, ce serait le Bangladesh !) ,comme celui sur Haïti dont on ne parle jamais, a eu tôt fait d’annihiler les efforts internes et l’aide des Non Alignés a été à l’époque démantelée par la doctrine du « Containment » élaborée par le couple Churchill -Truman  contre l’URSS, inaugurant ainsi la Guerre Froide en mars 1946 lors du fameux discours de Churchill prononcé à Fulton (Missouri).

Et puis, rappelons aussi un exemple bien connu : sous Reagan – c’était le colonel North qui dirigeait les opérations – le produit d’une grosse partie des fruits de la drogue de Colombie et des trafics d’armes avec notamment l’Iran et l’IRA, ont servi à déstabiliser le Nicaragua en voie de se débarrasser du dictateur Somoza. C’est ce que l’on a dénommé «  « L’Irangate ».

 

L’origine de la fortune de celui qui a encore aggravé l’embargo.

 Par ailleurs et pour mieux démystifier bien des choses, qui sait que la fortune d’un Donald Trump vient notamment des bordels (et tout ce qui vient avec) tenus par son grand-père dans le Yukon et les Territoires du nord canadien durant la dernière ruée vers l’or, bordels dans lesquels étaient tenues  en quasi esclavage des amérindiennes et bien d’autres !? Et surtout pas d’un quelconque « génie du business immobilier »… Pour ceux qui ne seraient pas convaincus, on trouve encore trace de ces bordels dans des villages fantômes avec l’inscription : « Trump House », sachant qu’aux USA, comme pour la chanson « There is a house they call the Rising Sun »,  le terme « house » ajouté signifie maison close.  Sur ce point, voir entre autres ce site.

 

Albert Jacquard et Cuba.

 Comment ignorer tout cela ? Comment ignorer les innombrables tentatives d’assassinat de Castro par la CIA ,y compris à l’aide des non moins innombrables « ennemis de l’intérieur » ? Que peut faire n’importe quel régime dans ces conditions ? La « dictature » ! C’est à dire un verrouillage sévère contre les incessantes menaces : un pays communiste au seuil de Miami !!!

Comme le disait le vénérable feu Albert Jacquard : « si l’infernal communisme et la dictature qui va avec se trouvent à Cuba, et si j’étais les USA, 1- je demanderais à Castro ce dont il a besoin pour y achever le communisme le plus pur et le plus élaboré et je l’y aiderais, puis 2-j’organiserais des voyages pour les citoyens US afin de leur faire visiter l’enfer sur terre ! Je ne le combattrais pas avec un tel acharnement, car ce que cela signifie au juste, c’est que si Castro réussit sous le nez de Washington ce serait la mort DE LEUR capitalisme ! Il ne faut surtout pas le laisser réussir la moindre ombre de progrès pour son peuple. ».

Voilà les dessous qu’il faut mettre en évidence quand on parle de Cuba, en se demandant aussi pourquoi, PAR EXEMPLE, un Reagan a-t-il envoyé ses troupes défaire par le feu des armes, le lendemain de son élection, un gouvernement communiste à l’Ile de la Grenade ? Qui le sait ?

 

Ce qui pourrait arriver à Cuba, si…

Je connais Cuba et les Cubains et c’est à eux que je donne le peu ou prou d’argent que je consacre à des vacances. J’y ai été hospitalisé et soigné (très bien) gratuitement il y a quelques années ! Essayez ça aux USA !! Voyez svp le film « Where to invade next » de M. Moore.

Certainement que les générations actuelles qui n’ont rien connu du temps de Batista pensent et agissent autrement même au cœur de Cuba. Mais savent-ils que CE QUI LES ATTEND c’est Haïti ou le Honduras ou le Salvador (pays parmi les plus violents et totalitaires du monde, sans avoir le millième de l’instruction et du système de santé de Cuba) ou le Mexique, pays au monde qui assassine le plus de journalistes, de gauchistes, d’étudiants et… de femmes surtout prostituées esseulées dans le nord autour des usines à esclaves US délocalisées pour, entre autres, servir de réserves de trafic d’organes : voir à ce sujet l’excellent film-réalité Bordertown avec Antonio Banderas.

Je peux ajouter la Colombie, le Brésil du fou furieux Bolsonaro…. où il y a bien plus de soulèvements, de révoltés et DES millions de laissés pour compte. Mais, contrairement à Cuba, au moins jusqu’à présent, on n’hésite pas, souvent avec l’aide US y compris sur place, à tirer sur les foules et faire des carnages. Toutes choses que j’ai eu à presque voir de mes yeux, notamment concernant les Sans-Terres, les despadados, les indigènes… LES BANANEROS ET LES CORTEROS DE LA CANNE À SUCRE  (LARGEMENT PROPRIÉTÉS DE MULTINATIONALES US DONT LA FAMILLE BUSH), les habitants des favélas et des barrios au Nord du Brésil, de la Colombie, au nord et au sud du Mexique…

Cuba, croyez-moi a encore bien des leçons de cruauté et de dictature à prendre !

Pourquoi les USA ont-ils envoyé un commando enlever manu militari le Père Aristide de Haïti pour le jeter en Afrique ET LE REMPLACER PAR  LE DOUX ET BON RENE PRÉVAL ? Pourquoi soutiennent-ils TANT DE « BONS DIRIGEANTS » DE PAYS LATINOS sans que, pour autant, ce qui s’y passe soit dévoilé : infiniment plus de troubles et de carnages et de sévices que tous les Cuba de Castro ! 

Enfin, sachant ce que je sais, si demain le blocus ignoblement inhumain était totalement levé, vous verriez Cuba se réveiller ! Et ce ne sera pas rien, vu le potentiel d’éducation, de peuple en santé, de patriotisme et civisme accumulés !!!

Omar Aktouf

 


By Omar Aktouf

Omar Aktouf   M.S. Psy.; M.S. Adm/Dév. Économique M.B.A et Ph.D. Management Professeur titulaire à HEC Montréal Membre fondateur du Groupe Humanisme et Gestion Membre permanent du Comité Scientifique de l'International Standing Conference on Organizational Symbolism, ainsi que de nombreuses revues internationales. Professeur invité permanent en Europe, Afrique, Amérique latine... Conférencier et Consultant senior international en plusieurs langues.