La COP (Conference of Parties : suivi de l’accord de Kyoto signé il y a 24 ans), 24ème du nom donc, se tiendra ce début décembre 2018 en Pologne. Pas évident d’aller, en plein hiver, en ce pays froid et renfermé, bouclé par un gouvernement national-conservateur. Alors, c’est dans chaque pays que se préparent les mobilisations qui ont pour but de faire pression sur les gouvernements afin qu’ils arrêtent de tergiverser et de ne pas suivre leurs promesses en matière de climat. En Belgique, cela bouge pas mal…
Il faudrait être sourd et aveugle ou alors vivre dans une grotte pour ne pas savoir que ce dimanche 2 décembre 2018 se déroulera dans les rues de Bruxelles une manifestation ayant pour but de rappeler aux décideurs qu’il y a urgence à prendre des mesures radicales pour lutter contre le dérèglement climatique. Même les « pipoles » (people) sont de la partie et lorsqu’on les invite à un brunch branché ce dimanche-là, ils répondent tous : « J’peux pas, j’ai climat ».
Les organisateurs de Claim the climate peuvent espérer réussir leur pari de voir défiler sur les boulevards la plus grande manifestation pour le climat jamais connue puisqu’une semaine avant la date du 2 décembre, on peut constater sur leur page Facebook que 28.000 personnes disent qu’elles vont participer et que 52.000 « sont intéressées ».
C’est évidemment très bien mais certains disent – et ils n’ont sans doute pas tort – qu’« il faut casser les codes de la manif traditionnelle… ». Et, de fait, il apparaît que les jeunes qui sont largement mobilisés imaginent diverses actions originales.
Ainsi, certains imaginent, le 27 novembre, une grève pour le climat. Même si les syndicats traditionnels ne se sont pas montrés extrêmement enthousiastes, en différents endroits auront lieu des arrêts de travail d’une heure qui permettront de réfléchir aux liens entre obsession du travail et destruction de l’écosystème Terre.
Des départs collectifs en train depuis une dizaine de gares wallonnes sont évidemment prévus (un exemple ici) mais il y aura aussi des caravanes cyclistes qui rallieront Bruxelles. Mais, comme beaucoup ayant été empêché d’aller à Paris à vélo pour le COP21 pour cause de black-out anti-terroriste quelques jours après les attentats du Bataclan, je ferai un aller-retour pédalant jusqu’à Ottignies pour accompagner un des 6 pelotons qui convergeront sur la capitale.
Réclamer en foule qu’on laisse les fossiles dans les profondeurs du sol est une exigence évidente si nous voulons éviter le pire, mais, aujourd’hui, il convient d’être encore plus déterminés et de désigner ceux qui sont responsables des blocages qui font que les émissions de CO2 ont atteint un maximum en 2017 malgré les belles déclarations de Paris d’il y a plusieurs années. Lisons ainsi les propos de l’Appel #Stopclimatecriminals : « Nous sommes déterminé·e·s à poursuivre nos mobilisations, nos résistances et nos engagements jusqu’à un changement de modèle, pour la justice sociale et environnementale. Le 2 décembre, nous participerons, avec le reste de la société civile, à la plus grosse manifestation climatique jamais organisée en Belgique. Les coupables existent. Il est temps de les nommer. Il est urgent de les arrêter. Nous appelons toutes les personnes, collectifs, associations à organiser des actions contre les criminels climatiques et leurs complices (multinationales, décideurs, lobbyistes…). Ils ont franchis la ligne rouge! Leurs fausses solutions sont nos vrais problèmes. » On lit aussi des propos déterminés : « Face à l’urgence climatique, les petits gestes individuels ne suffisent pas. Il est temps de viser les vrais responsables. Nous faisons appel à toutes celles et ceux qui ont la boule au ventre, celles et ceux qui savent que la situation est bien plus préoccupante que les discours gouvernementaux qui se veulent rassurants. Nous sommes déjà des milliers déterminé·e·s à s’organiser collectivement, convaincu·e·s qu’il faut aller plus loin et qu’il faut y aller maintenant ! Il est temps de transformer notre indignation en actions. Du blocage d’un nouvel oléoduc au Dakota, à la sauvegarde de la forêt de Hambach ou l’annulation du projet d’aéroport à Notre Dame des Landes, des victoires sont possibles. »
Passant des paroles aux actes, ils diffusent un Guide pour organiser une action et n’hésitent pas à publier liste (non exhaustive) des cibles que sont les responsables de la destruction climatique.
Si l’on reprend cette liste des fauteurs de troubles et de fossoyeurs de civilisation qu’ils dresent, on a l’esquisse d’un projet politique qui permette un progrès humain collectif et qualitatif et plus un progrès quantitatif et technologique : « Les banques (comme Belfius, BNP Paribas Fortis, ING, KBC), même si elles se disent sensibles aux préoccupations environnementales investissent lourdement dans les énergies fossiles et les fausses solutions.
Les multinationales de l’énergie fossile, grâce à leur pouvoir économique et politique et à un lobbying agressif, font blocage à tout accord contraignant et ont empêché une action internationale ambitieuse.
Le secteur du transport, un des plus grands consommateurs d’énergies fossiles continue de s’opposer à toute régulation.
Les défenseurs de l’économie néolibérale : institutions internationales, économistes néolibéraux et majorité des gouvernements comptent encore sur le marché pour résoudre les problèmes qu’ils ont contribué à créer (marché du carbone).
Le commerce international a un impact direct sur le changement climatique en permettant aux entreprises un accès sans restriction aux ressources énergétiques de la planète.
L’industrie agro-business rend difficile la réalisation de la sécurité et de la souveraineté alimentaires. Au lieu se tourner vers l’agroécologie et les systèmes agro-alimentaires locaux, facteurs d’autonomie, de refroidissement de la planète, de préservation de la biodiversité et de souveraineté alimentaire, l’agro-business défendent des solutions technologiques climaticides qui leur permettent de maintenir leur domination.
Les Grands Projets Inutiles : nos élus continuent à vouloir bétonner nos territoires et y installer des projets et infrastructures polluantes et socialement nuisibles (maxi-prison de Haren, différents projets de zonings et routes…). »
Puisqu’il devient de plus en plus évident que c’est la même logique économique prédatrice qui exploite les humains et de la nature, les militants sociaux et environnementalistes ont tout intérêt à unir leurs combats. Cela se traduit par la revendication de la Justice climatique se déclinant selon ces termes : « À la COP 24, les négociateur·rice·s du monde entier discuteront à nouveau de leurs engagements qui nous mènent droit à un réchauffement de 3°, ignorant les avertissements des scientifiques et de la société civile. Pourtant, il est encore temps. Nous devons agir vite, et nous ne pouvons attendre que d’autres le fassent à notre place. Il faut donc de toute urgence radicaliser le combat pour le climat. Nous appelons à faire converger nos déterminations pour agir directement contre les coupables de la destruction des écosystèmes, pour la justice sociale et climatique, pour sortir d’un système capitaliste qui nous prive d’un futur juste et soutenable durable, où chacune et chacun aurait sa place. »
Alain Adriaens