Comment nourrir 9,7 milliards d’êtres humains en 2050 ?

Sur ce site, nous avons déjà dénoncé, notamment dans « chronique d’une famine annoncée », les absurdités de l’agro-industrie qui préfère remplir les réservoirs de nos berlines plutôt que les estomacs des humains. Il existe pourtant des solutions qui permettraient de mettre fin au scandale planétaire de la faim dans le monde. Le Festival AlimenTERRE que SOS Faim organise dans huit villes belges du 9 au 24 octobre décrit la sortie par le haut que représentent les agricultures familiales durables.

Le Festival AlimenTERRE est organisé par SOS Faim Belgique, une ONG active dans le soutien à l’agriculture paysanne et familiale au Sud. Cet événement qui en est à sa ?? édition est une source d’information et d’échange incontournable pour tous ceux qui s’intéressent aux enjeux fondamentaux de l’alimentation et de l’agriculture. Durant une quinzaine de jours, divers événements décentralisés décriront les insupportables désordres alimentaires mais proposeront aussi et surtout les alternatives et pistes d’actions vers un système agro-alimentaire plus juste et plus durable.

Des déséquilibres choquants

SOS Faim nous apprend qu’en 2019, sur une population mondiale de 7,6 milliards d’humains, 821 millions de personnes souffrent de la faim, que la malnutrition touche entre 2 et 3 milliards de personnes et que, à l’opposé, au moins 2 milliards de personnes souffrent de malnutrition par excès de consommation de calories. Au final, c’est la moitié de la population mondiale qui est affectée par une de ces trois formes de malnutrition.

Certains imaginent donc qu’il faudrait produire encore plus de nourriture avec les techniques polluantes de l’agro-industrie. Et pourtant, ce qu’il conviendrait de faire ce ne n’est pas produire plus mais produire et répartir mieux puisque seulement 42,6% des calories végétales issues de terres cultivées de par le monde servent à l’alimentation humaine. Comme le montre le diagramme de SOS Faim ci-contre, bien trop d’aliments servent à nourrir le bétail (29,1%) mais 13,6% ont des usages non alimentaires (dont les tristement fameux agrocarburants) mais il y a aussi 22,4% qui sont perdus ou gaspillés. SOS Faim encore nous montre en effet (tableau ci-dessous) que ce gaspillage touche toutes les étapes des circuits alimentaires et notamment la dernière, celle dont chacun∙e de nous est responsable. Les consommateurs que nous sommes peuvent donc agir en gérant intelligemment notre nourriture (éviter d’acheter trop d’aliments que nous jetterons), en favorisant les circuits courts locaux (voire le glanage) mais aussi en collaborant avec détaillants pour minimiser les invendus et en acceptant les produits qui ‘ont pas l’esthétique calibrée des standards de la publicité.

 

Développer l’agriculture familiale

Pour ce qui est de la production, le modèle que défend SOS Faim est celui de l’agriculture familiale. Ce type d’agriculture rassemble les exploitations gérées par une famille et qui dépendent essentiellement d’une main-d’œuvre familiale non salariée. Avec plus de 500 millions d’exploitations familiales dans le monde, elle demeure la forme d’agriculture principale tant au Nord qu’au Sud. Alors que le modèle agro-industriel actuel montre ses limites (une personne sur neuf s’endort encore le ventre vide) et ses nuisances (épuisement des terres, utilisation massive de pétrole, d’engrais de synthèse, de pesticides, épuisement des réserves d’eau, érosion des sols…), l’agriculture familiale fournit 70% de la production alimentaire en Afrique et en Asie et emploie 40% de la population. La soutenir, c’est donc renforcer directement la sécurité alimentaire et préserver les écosystèmes. En effet, l’agriculture familiale répond à ce que SOS Faim nomme « les trois grands défis de demain » :

– elle est une garantie de sécurité alimentaire car elle présente un potentiel immense pour répondre aux enjeux de sécurité alimentaire, d’équité sociale et de durabilité environnementale ;
– elle est une arme contre la pauvreté puisque selon la Banque mondiale, le développement de cette agriculture est deux à quatre fois plus efficace que celui des autres secteurs pour lutter contre la pauvreté ;
– elle respecte l’environnement en contribuant à la protection de la biodiversité et à l’utilisation durable des ressources naturelles.


SOS Faim soutient l’agriculture familiale via trois axes qui se renforcent mutuellement :

– politique en permettant aux organisations paysannes de participer activement aux débats internationaux, nationaux et locaux sur les politiques agricoles et de les influencer ;
– financier en facilitant l’accès des populations rurales aux services financiers qui permettent l’achat de matériel agricole ;
– productif en soutenant la production, la transformation et la commercialisation de produits agricoles afin d’améliorer les performances agricoles des exploitations familiales.

Plaidoyer pour les agricultures familiales durables (AFDs)

SOS Faim considère que les diverses formes d’agriculture familiale pourraient relever le défi de la faim pour 3 raisons : elles produisent une plus grande diversité d’aliments, elles produisent plus à l’hectare que les grandes exploitations, elles destinent une plus grande part de sa production à l’alimentation humaine

SOS Faim démontre donc que les agricultures familiales durables représentent la marche à suivre et liste les 15 bonnes raisons qui les justifient. Reprenons en ici quelques-unes :

– loin d’être rétrogrades, les AFDs ont une réelle vocation entrepreneuriale : les premiers investisseurs en matière agricole sont les producteurs familiaux eux-mêmes ; s’ils parviennent à dégager des marges financières dans la vente de leurs produits sur les marchés, les producteurs familiaux réalisent des investissements dans leurs exploitations.
– les AFDs forment la base sociale de la plupart des pays en développement et représentent la principale forme d’organisation de l’agriculture à travers le monde, contribuant à l’approvisionnement des marchés domestiques mais aussi internationaux.
– les AFDs assurent près de 80 % de la production agricole alimentaire en Afrique et en Asie, 98 % de la production vivrière en Afrique subsaharienne et près de la totalité de la production de coton, de cacao et de café.
– les AFDs occupent des milieux et des territoires très diversifiés : elles manifestent ainsi une grande capacité d’adaptation par leur connaissance des milieux, en valorisant notamment des territoires fragiles, non accessibles à une agriculture industrialisée ;
– les AFDs permettent aux paysannes et aux paysans de développer leur autonomie de décision dans leurs exploitations ;
– les AFDs promeuvent des approches associatives et coopératives de l’engagement professionnel dans le secteur agricole ;
– les AFDs sont inclusives et conçues pour tenir compte de toutes les activités agricoles, d’élevage, de pêche et de foresterie ;
– les AFDs sécurisent le droit à l’accès à la terre pour cultiver et pour nourrir.

Un festival multiforme

On imagine bien que tout ce qui précède recouvre des réalités diverses. Pour présenter cela et sensibiliser les citoyens belges aux enjeux de l’agriculture paysanne, il faudra bien une multitude de films, de débats et d’ateliers, avec la présence des réalisateurs, de leaders paysans du Sud et du Nord, de chercheurs sur les questions agricoles et alimentaires et de porteurs d’initiatives concrètes et locales. C’est ce que va faire le Festival AlimenTERRE  de SOS Faim pendant 15 jours en huit lieux différents (Bruxelles, Arlon, Charleroi, Liège, Mons, Namur et Ottignies-LLN).

Ce vaste programme, et notamment les sept documentaires percutants de cette année, vous pouvez le découvrir via la vidéo de présentation de l’édition de 2019 ou sur le site de SOS Faim.

Alain Adriaens