Ce monde que je n’ai pas voulu pour mes petits-enfants… mais rien n’est perdu !

Parce que les adultes ont laissé le progrès technique et la réussite matérielle envahir leur vie, de nombreux enfants ici et ailleurs crient dans la rue ! Non pour demander moins d’école ou plus de liberté, mais pour réclamer ce à quoi ils ont droit : un monde propre, de l’air, de l’eau et vivre dans le partage et la paix entre tous et toutes. Et de rappeler à l’ordre parents et grands-parents, l’ordre du bon sens sur la planète agitée par les grandes cupidités qui la détruisent.

Mettre au monde des enfants, lesquels feront peut-être des enfants, c’est se reconnaître un énorme droit. Concevoir une existence qui aura à vivre et à mourir un jour ; c’est énorme ! Le moins est de leur assurer, personnellement et collectivement, un avenir. La plupart des parents font tout pour donner à leur progéniture ce dont elle a besoin pour grandir et s’épanouir. Mais ce bout de chou ou pétale de rose surgi de (presque) nulle part qu’ils pressent tendrement dans leurs bras, aura à décider seul de son avenir et comment le prévoir au sein d’un système économique et social en mutation grave.

Telles sont les réflexions des grands-parents qui regardent avec bonheur leurs petits-enfants rire, jouer, rêver, s’enthousiasmer, imaginer leur lendemain…! Mais les voilà qui grandissent, penchés sur leurs livres et leurs ordinateurs, travaillant dur leurs cours ! Pour quel avenir ? Quel environnement ? Quel métier ? Et dans le présent, quel est leur quotidien ? Se sentent-ils soutenus ? Compris ? Encouragés ? Que ce soit à la maison ou à l’école, dans la rue… ?

De l’école à l’université : devoir se défendre déjà

Repas de famille. Comme ce n’est pas tous les jours que les grands-parents viennent dîner, le repas se prolonge. On veille à ce que chaque enfant ait son tour de raconter ce qu’il a envie. Blagues, taquineries, petites aventures… Mais aujourd’hui, l’atmosphère est à la révolte. Le plus jeune a reçu son premier contrôle en études du milieu et le professeur lui reproche, devant tous, d’avoir triché. L’enfant s’indigne. « Si tu reconnais avoir triché, tu ne devras pas aller chez la directrice », propose l’enseignant. L’enfant se sait non coupable et refuse ce chantage. Et bouleversé, ira défendre sa cause au bureau de la directrice.

Sa sœur aînée embraye avec ses premiers pas universitaires. Le passage par les concours éliminatoires et les sélections déroutantes dans des auditoires surchargés est d’autant plus dur que les résultats sont validés sur on ne sait trop quels critères précis ! Ensuite, dès le début de l’année, des intimidations. Du haut de son estrade, le professeur pointe un rayon laser sur un étudiant à qui, s’il ne peut répondre à la question, est intimé l’ordre de quitter l’amphi, avec pour commentaire très professoral : « Vous êtes une bande de rats ». Ou cette jeune fille, désignée par hasard (encore que… ?), émotionnée jusqu’aux larmes, qui n’arrive pas à émettre un son. Comment l’encourage le grand académicien qui s’y croit ? En la menaçant devant ses 600 compagnons : « Tant que tu ne réponds pas, je ne te lâche pas ! ». Un autre « maître » a déclaré en septembre : « Je vous préviens, mon examen est vicieux ». Comment ose-t-il s’exprimer de la sorte. Dans le même registre de manque d’un minimum d’encouragement, il refuse de confier aux étudiants les supports de cours tout en délivrant son savoir trop rapidement pour prendre des notes et surtout pouvoir les relire ?

Bien sûr, les jeunes racontent leur vérité et le propos n’est pas de faire un procès de l’enseignement. Il y a beaucoup de bons professeurs. Mais les attitudes irrespectueuses de certains adultes sont insupportables à entendre par les parents. Quant aux grands-parents qui ressentent l’écart avec le passé, ils se demandent si l’air du temps, qui efface toute hiérarchie, même raisonnable, au profit de familiarités excessives n’a pas fait oublier le minimum de distance respectueuse entre les générations. Et donc le respect réciproque entre étudiants et enseignants. Peut-être même parfois entre parents et enfants.

Lanceurs et lanceuses d’alerte contre les réactionnaires    

Greta Thunberg, la jeune Suédoise qui se bat pour le climat, est un aussi exemple pour avoir subi l’attitude grossière de personnes mal intentionnées. Elle a fait l’objet d’incompréhensions désobligeantes, voire d’insultes. On lui refuse le droit d’avoir une pensée propre et il n’est pas de mot pour condamner ce philosophe bavard et bien connu qui refuse à l’adolescente le droit à la parole vu son âge et avance qu’elle fait des dégâts à la Raison en lui attribuant « un discours de la peur ». Et de plus, d’attaquer à la fois son physique, sa personnalité et son message. Sa détermination n’est pas sans rappeler ces jeunes femmes au début du XVIIIe siècle, comme la suffragette Sally, qui ont été torturées et emprisonnées pour obtenir le droit de vote des femmes. Ou encore celui de ces jeunes objecteurs de conscience qui, par le passé, ont refusé le service militaire et ont été condamnés à de la prison ou ont dû s’engager pour un long service civil, reportant ainsi leur carrière et leur accès à un emploi rémunéré qui apporte l’autonomie.

Des questions à chaque génération

L’une après l’autre, chaque génération a dû « faire avec » la précédente. Les grands parents d’aujourd’hui ont accepté les cadeaux du progrès et de la liberté mais ont aussi dû reconnaître que leurs ancêtres ont pratiqué le racisme, le colonialisme, le nazisme, le sexisme, des génocides et autres souffrances collectives.  Aujourd’hui, c’est le capitalisme meurtrier pour la planète et les humains à la fois qui est la souffrance de la génération du baby-boom. On lui a vendu les merveilles du pétrole, du plastique, de l’objet à usage unique, de la nourriture bon marché. Doivent-ils se sentir coupables ? Ou réagir en regardant droit devant ? Et faire le tri, dans leur expérience de quinqua, sexa, ou du moins « d’ancien », entre les erreurs et les belles découvertes pour avancer de concert avec les jeunes dans un même combat de transition écologique, de partage avec les autres milieux et cultures.

On comprend que les grands parents, (qui ne voient pas leurs petits-enfants tous les jours), ont besoin d’être rassurés sur leur bien-être et leur avenir lorsqu’ils les revoient (ce qui n’est pas toujours facile vu leurs mille et une occupations extrascolaires), de percevoir l’ambiance de la famille, des progrès et difficultés des uns et des autres. Cela permet de proposer un coup de main, une aide à l’étude ou même une sortie ou de l’argent de poche. Mais aussi d’accueillir la plainte, valoriser les efforts et le courage, calmer l’angoisse.

Les « vieux » peuvent-ils s’en tenir là ? Laisser faire ce manque de respect envers les jeunes ? Être grand-maman ou grand-papa, c’est bien sûr plein d’attentions personnelles à l’égard de chacun∙e. Mais, au vu de la détérioration des relations sociales devenues si peu respectueuses les uns des autres, que ce soit entre politiciens (où il n’y a plus de retenue de la part de certains présidents ou ministres), ou dans les médias et réseaux, ou par contagion peut-être, de la part des autorités enseignantes ou patronales, ne devons-nous pas dénoncer à voix forte ces conduites qui plus est peuvent conduire à la violence ?

À l’instar de Grands Parents Pour le Climat et autres initiatives d’accompagnement comme Extinction Rebellion ou autres projets sociaux et environnementaux, toutes les générations peuvent se retrouver, petits et grands, pour réfléchir ensemble, marcher dans les rues ou se positionner sur une place, quitte à subir les autopompes ! Ou lors de promenades familiales, ramasser les canettes au passage pour les jeter selon les tris ménagers. Aux grands-parents le plaisir d’écouter, d’encourager, de proposer, d’emmener là où des émergences positives sont susceptibles de conforter un jeune dans une vision positive de l’avenir.

Ne dit-on pas « l’exemple vient d’en haut » ?  Les grands-parents entrevoient un nouveau rôle politique au sens le plus large du terme : participer à l’exercice d’une autorité juste et bienveillante !

Avec les jeunes, à leurs côtés. Ne sont-ils pas les nouveaux meneurs des combats actuels ? Bernanos le dit aussi : « C’est la fièvre de la jeunesse qui maintient le reste du monde à la température normale »[1].

Godelieve Ugeux


[1] Georges Bernanos. Les grands cimetières sous la lune.