Lundi de grisaille, la pluie comme compagnonne de route. La pluie que l’on avait plus vu depuis quelques semaines. Une pluie providentielle dirons-nous. Il n’empêche que les gerbes d’eaux draguées par les voitures ne rendent pas cette journée plus plaisante.
Me voilà près de la gare du nord. Entre institutions et perdition. La complaisance de l’ignorance. Des cris, des protestations intenses m’interpellent. Je tombe sur un groupe de personnes devant un bâtiment, dont le passage est barré par une muraille de policiers aussi armés que déterminés.
En y regardant de plus près, je remarque à l’intérieur un groupe de personnes, appelant à l’aide, brandissant leurs pancartes comme dernier espoir.
Je comprends qu’il s’agit de demandeurs d’asile que l’on a perdu dans la bureaucratie. Ces centaines de personnes que l’on ballotte administrativement d’errance en frustration, souvent pendant des années.
L’état belge n’a jamais sincèrement respecté ces demandeurs d’asile. C’est un truisme qui s’est tristement réifié ces dernières années. Mais j’avais rarement assisté à un tel affront aux droits les plus basiques.
Car ces policiers étaient chargés (et ce, payés par nos impôts, toujours important de le rappeler me semble-t-il) d’empêcher les citoyen.ne.s militant.e.s d’acheminer nourritures et matériel de base aux personnes occupant le bâtiment.
Jamais, dans ma jeune existence, j’ai pu assister, en Belgique, à Bruxelles, état « démocratique » censé veiller au respect des droits humains, jamais je n’ai pu observer pareille scène de déni d’existence étatique. Il est une chose, déjà largement questionnable éthiquement, de dresser des quotas d’accueil sur base de lois vagues et malléables. Il en est une autre pour un Etat d’utiliser sa milice policière afin d’affamer des personnes parmi les plus vulnérables et précarisés, du fait de ce système biaisé.
Cela fait des années que j’ai honte de ma Belgique, de mon Bruxelles. Où est donc la limite ?
Ecœuré, commençant à me sentir nauséeux face à cette situation, je décide de poursuivre mon chemin. Machinalement, j’avance dans le dédale urbain. J’en finis par perdre mon latin autant que mon chemin. Je me retrouve dans une station de métro. Partout autour de moi, des personnes dormiront ici ce soir. Au moment où je m’avance dans les couloirs, remplis de ces naufragés sociaux que l’on ignore autant que l’on exhibe, j’entends l’annonce de la STIB : « Le port du masque est conseillé, pensez aux autres ».
Je ris.
Je ris de cette folie pour ne pas en pleurer.
Dans mon enfance, à mes yeux, Bruxelles brillait. Plus j’avance, plus je grandis plus je me dis que Bruxelles se brûlera les ailes.