Dans la première partie de cet article, nous avons rappelé les motivations qui ont présidé, de la part des Britanniques, à la création de la Jordanie. Nous nous sommes ensuite penchés sur l’attitude qu’ont eue envers celle-ci deux de ses voisins : la Syrie et l’Irak. Abordons maintenant l’attitude des Saoudiens avant de revenir sur l’actuelle crise que connaît le royaume.
Une querelle de 100 ans…
Malgré moult « réconciliations », la querelle née dès 1918 entre la famille des Saoud et les Hachémites n’a cessé de resurgir ou d’agir dans l’ombre depuis. Et il se pourrait bien – c’est d’ailleurs ce que pense aujourd’hui une bonne partie de l’opinion jordanienne – qu’elle soit au cœur de la crise actuelle.
Rappelons que, en 1921, Ibn Saoud avait accepté, suite à un ultimatum britannique, de renoncer à toute progression en Transjordanie. En 1924, les Saoudiens entreront dans La Mecque d’où ils chasseront le cherif Hussein. En 1925, le traité de Hidda délimitera les frontières entre les possessions acquises par les Saoudiens et le territoire de la Transjordanie, auquel les Britanniques ont ajouté les villes de Ma’an et d’Akaba. En 1926, Ibn Saoud se proclamera roi du Hejjaz, région sur laquelle les Hachémites régnaient depuis le Xe siècle.
La Jordanie se rapproche du club des monarchies liées à l’Occident
Lorsque, avec le roi Fayçal (1964-75), le royaume saoudien empoigna, au nom du wahhabisme, la bannière de l’opposition au « socialisme impie » de l’Égypte nassérienne, la Jordanie se rapprocha naturellement du club des monarchies liées à l’Occident : Arabie saoudite, pétromonarchies du Golfe et… Maroc. En 1962, une alliance politico-militaire sous égide américaine sera nouée entre les deux royaumes[1]. Les Américains feront alors de l’axe jordano-saoudien leur fer de lance stratégique au Moyen-Orient[2].
[1] En 1965, Riyad autorisera même Amman à étendre de 18 km son littoral dans le golfe d’Aqaba. [2] Renon, op. cit., p. 117. [3] Quoique cela n’ait pas empêché, en 2018, la Jordanie de s’associer à l’Égypte pour participer sur le plan touristique au pharaonique projet Neom[3] du prince héritier saoudien… [4] 26.3/Courrier international, 25.4-1.5.19. [5] Rappelons que plus de 500.000 Jordaniens travaillent en Arabie saoudite et 200.000 aux Emirats Arabes Unis (EAU). [6]Le Monde, 20.6.18 [7] A. Renon, op. cit., p.87 [8]Orient XXI, 10.4.2021 [9] 4e épouse du roi Hussein, syro-suédoise ayant acquis la nationalité américaine, séparée en 1999 du roi dont elle a eu 4 enfants. Les trois reines précédentes ont été Dina, décédée en 2019, Muna, d’origine britannique, 2e épouse, divorcée en 1971 et mère d’Abdallah II, Alia, 3e épouse, décédée en 1977. Rania, d’origine palestinienne est la reine actuelle depuis 1999 [10]Le Monde, 7.4.21 [11] Lettre de l’Initiative de Delphes, 6.4.21. [12] Fayçal est également né de la reine Muna. Ali, est le second fils de la reine Alia. [13] Qu’il a lui-même tournées sur son portable. [14] Fils de la reine Zeïn Al-Sharaf Talal, décédée en 1994 et épouse du roi Talal, père du roi Hussein et donc demi-frère de ce dernier. Il fut un temps, lui aussi, « envoyé spécial » du roi Abdallah II à Riyad. Les médias se sont complu à rappeler que son frère, Ali Bin Zaïd, était l’officier jordanien, retourné par Al-Qaïda, qui avait perpétré un attentat-suicide en 2010 dans une base américaine en Afghanistan. [15]Médiapart, 5.4.21. [16] 10.4.21. [17]David Hearst, Lettre de l’Initiative de Delphes), 13.4.21. [18] Ce plan exigeait la fin des subventions à des produits de première nécessité et allait entraîner une hausse des prix et du chômage dans le secteur public. [19] D’où les efforts déployés pour faire entrer la Jordanie dans l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), obtenue en 2000. Mentionnons aussi l’accord de libre-échange avec les États-Unis (2000) et l’Accord d’Agadir avec le Maroc, la Tunisie et l’Égypte (2001). Parallèlement, une zone franche a été créée en 2001 à Aqaba. [20] Maintien, avec l’accord du FMI, de la parité des changes avec le $ ; développement de partenariats publics/privés pour les grands projets d’infrastructure ; réforme du système bancaire ; égalité complète de traitement entre investisseurs étrangers et locaux depuis 2003 ; création d’un guichet unique one stop shop permettant aux entreprises d’obtenir rapidement l’ensemble des autorisations administratives (Wikipédia, biographie d’Abdallah II). [21] Directeur du Phenix Center for Economic and Informatic Studies d’Amman. [22]Le Monde, 9.6.18. [23]Le Monde, 20.6.18. [24]Mediapart (8.6.18) note que 20% de la population est en état de pauvreté, alors que la Jordanie a accueilli, après plusieurs dizaines de milliers de déplacés irakiens, près de 650.000 réfugiés syriens et que, depuis 2017, le Conseil de coopération du Golfe n’a pas renouvelé son aide de 3,6 milliards $ à Amman. [25] En augmentant de 35% à 40% l’imposition des sociétés et sur le revenu et en abaissant de 12.000 à 8.000 dinar (= 9.700€) annuels le revenu imposable, ce qui faisait plus que doubler le nombre de contribuables de 4,5% à 10% des Jordaniens. [26]Le Monde, 9.6.18. [27] Celle-ci fait actuellement plus de 100 décès par jour. [28]Orient XXI, 10.4.21, chiffres de 2019. [29]David Hearst,art. cit. [30] David Hearst, art. cit. [31] Le 5 avril, transmis à Middle-East Eye. [32]Orient XXI, 10.4.2021. [33] Cité par la Lettre del’Initiative de Delphes, 6.4.21. [34] David Hearst, art. cit. [35] Awadallah a alors créé un Conseil de coordination jordano-saoudien dont les Jordaniens escomptaient, selon Hearst, tirer des « milliards de dollars », mais en vain. Il avait aussi acquis la citoyenneté saoudienne, ce qui expliquerait que le ministre saoudien des Affaires étrangères, Fayçal Bin Farhan, se soit rendu à Amman pour demander sa libération. Abdallah refusa de le rencontrer. [36]David Hearst, art. cit. [37]Orient XXI, 10.4.2021. [38]Orient XXI, 10.4.2021. L’on observe que, sur les réseaux sociaux notamment, beaucoup appellent à des réformes politiques et économiques et critiquent la dernière déclaration du roi visant à clôturer la crise. [39]Orient XXI, 10.4.2021. [40]Le Monde, 20.6.18. [41] Amman s’était jusqu’ici limitée à réduire sa représentation diplomatique au Qatar. [42]David Hearst, art. cit. [43] Cité par la lettre d’information de l’Initiative de Delphes, Defend Democracy Press, 4.4.21. [44]Orient XXI, 10.4.2021. [45]David Hearst, art. cit.
By Paul Delmotte
Professeur de Politique internationale, d'Histoire contemporaine et titulaire d'un cours sur le Monde arabe à l'IHECS, animé un séminaire sur le conflit israélo-palestinien à l'ULB. Retraité en 2014.
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