POUR participe à l’élaboration collective d’un monde meilleur
La crise sanitaire que nous devons tous affronter par la grâce du coronavirus nous pousse à réfléchir à quelle devra être, demain, l’organisation de nos sociétés pour ne pas poursuivre comme des moutons l’actuelle logique suicidaire. Dans cette perspective, POUR souhaite publier textes et vidéos qui illustrent quelles seront les leçons que nous devrons retenir collectivement pour que « le jour d’après » ne ressemble pas aux « jours d’avant ». Un de nos chroniqueurs réguliers, Bruno Poncelet, a, lui aussi, analysé le présent pour en tirer les enseignements pour de meilleurs lendemains… Il publie aussi cette excellente analyse sur le site du CEPAG où il travaille en tant qu’économiste et spécialiste des accords de libre-échange. Pour faire durer le plaisir et faciliter la lecture de ce texte percutant, nous avons pris le parti de le publier en deux parties. La première partie est accessible ici : A.A. |
Les vieux réflexes ont la vie dure…
Comme en 2008, la crise est donc un moment de doute où les priorités politiques habituelles semblent comme suspendues. Exit l’égoïste, place à la solidarité… Secondaires les questions budgétaires, priorité à la santé… Pas cool la compétition économique internationale débridée, il nous faut d’urgence des millions de masques de protection que le monde entier s’arrache… Attention toutefois à ne pas prendre les vessies pour des lanternes pour gober tout cru, tel du velours, les discours politiciens du moment. Car si l’on peut saluer les mesures gouvernementales visant à enrayer au plus vite la pandémie du Covid-19, force est de constater que les mensonges, les non-dits et les faux-fuyants n’ont nullement déserté la scène…
Premièrement, les gouvernements taisent dans toutes les langues la responsabilité accablante des choix politiques passés dans l’aggravation de la crise du Covid-19. Pas une fois, on aura entendu un chef de gouvernement contester la privatisation passée de l’industrie du médicament fonctionnant à flux tendus, la foire aux délocalisations permise par les accords de libre-échange ou encore le manque criant d’investissements publics dans le secteur des soins de santé. Autant de renoncements politiques, vis-à-vis de l’intérêt général, qui ont pourtant un lien direct avec le manque de matériel médical visant tantôt à se protéger du virus (masques de protection), tantôt à détecter massivement sa présence dans la population7. Il est vrai que Sophie Wilmès (Première ministre belge jugée exemplaire face à la crise par de nombreux médias) peut difficilement critiquer… les politiques d’austérité qu’elle a supervisée, de septembre 2015 à octobre 2019, alors qu’elle était ministre du Budget !
Cette amnésie initiale (surtout, pas un mot du passé…) conduit à d’autres mensonges plus détestables dans l’instant présent. Officiellement, on l’a dit, le discours politique a changé. Officiellement, dans la bouche des gouvernements, les mots travailleurs et travailleuses ne riment plus avec « grévistes ingrats, éternels insatisfait »s ou « quémandeurs sans fins de moyens qui manquent » ; le temps d’une crise, les voilà devenus héros de première ligne permettant le maintien d’activités essentielles tels que services médicaux, accès à la nourriture, respect des consignes de distanciation sociale ou encore encadrement de groupes humains enfermés pour diverses raisons (homes, prisons, services sociaux…). Toutefois, la réalité est plus triviale et moins reluisante : faute d’équipement pour les protéger efficacement, ces travailleurs et travailleuses sont aussi et souvent de la chair à canon. Qu’ils bossent en magasin, dans la logistique, le monde hospitalier, les homes ou différents services sociaux, ils sont tout bonnement envoyés au casse-pipes face au virus qu’ils doivent affronter sans test de dépistage (ni pour eux, leurs collègues ou les gens dont ils s’occupent8) et sans maques de protection, alors même que les mesures de distanciation sociale sont parfois impossibles à maintenir dans certains contextes de travail. Ces travailleuses et travailleurs doivent donc s’en remettre à la chance, et à la débrouille en bricolant leur masque, pour ne pas être infectés et ne pas contaminer leur entourage !
La chose est d’autant plus grave (on parle tout de même d’un virus potentiellement mortel) que la définition des activités essentielles relève en partie d’un choix arbitraire effectué hors champ démocratique. Deux exemples concrets en témoignent : lors des premières mesures de confinement, les coiffeuses et coiffeurs ont dû se mobiliser pour obtenir l’arrêt légal de leur activité, initialement non concernée par la décision gouvernementale de fermer la plupart des commerces ; quant au puissant secteur de la chimie, il a obtenu le maintien d’activités aussi vitales… que la fabrication de jouets, de Tupperware ou de compléments alimentaires pour bodybuilders ! Bref, en ce mois d’avril 2020, les activités économiques se poursuivant sont loin d’être toutes essentielles… alors même qu’aucune garantie sérieuse de protection systématique n’est offerte à l’ensemble des salariés qui les exercent9.
Bruno Poncelet