En septembre 2017, Vladimir Poutine avait dit à Vladivostok que les Nord-Coréens étaient capables de « manger de l’herbe » pour « tenir » face aux Etats-Unis. Nouvel excès de langage du maître du Kremlin ? Quoiqu’il en soit, aujourd’hui, des Afghans mangent bel et bien de l’herbe « qu’ils vont chercher sous la neige »[i]. Du fait d’une famine qui frappe 97% de la population.
7 milliards d’actifs de la Banque centrale afghane gelés
Rappelons-nous : le 15 août 2021, les Talibans entraient dans Kaboul. Deux jours plus tard, le
Trésor américain gelait les avoirs afghans déposés aux Etats-Unis. Puis, le 11 février dernier, le président Joseph Robinette Biden Junior – dit Joe Biden – décidait de saisir et de transférer vers la
Federal Reserve américaine ces 7 milliards d’actifs que la Banque centrale afghane (
Da Afghanistan Bank, DAB) avait déposés aux Etats-Unis
[ii]. Et d’en faire deux parts…
Des « pouvoirs économiques extraordinaires » conférés au président américain
Invoquant une plainte d’un groupe de parents de victimes, le président octroyait, par
décret exécutif, la moitié de ces 7 milliards à l’indemnisation des victimes des attentats contre les
Twin Towers et le
Pentagone, les autres 3,5 milliards allant à un fond d’aide humanitaire « destiné à la population afghane ». Mais inaccessible au nouveau pouvoir afghan puisque placé dans un compte bloqué de la
Federal Reserve. De quel droit ? Une loi de 1977 confère en effet au président américain des « pouvoirs économiques extraordinaires » et donc celui de faire main basse sur 3,5 milliards $ appartenant à l’Afghanistan. Justification ? L’Afghanistan constitue «
une menace inhabituelle et extraordinaire pour la sécurité nationale et la politique étrangère des États-Unis ».
La décision a soulevé un tollé au sein des ONG internationales – MSF, Human Rights Watch, Action contre la faim, Acted-Afghanistan… -, de la part d’ONG féministes ainsi qu’au sein de l’ONU. L’ex-président Hamisd Karzaï, pourtant mis en place par les Américains en décembre 2001, a protesté et la DAB a demandé aux Etats-Unis de revenir sur leur décision.
« Implosion »
Paul DELMOTTE
Prof. de Politique internationale, retraité de l’IHECS
[i] Nombre de ces informations sont tirées de The Sunday Times/Courrier international, 3-9.3.22
[ii] 2 autres milliards avaient été placés aux Émirats arabes unis, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Suisse
[iii] Le Monde, 8.2.22
[iv] Le Monde, ibid.
[v] Le Monde, 19.2.22.
[vi] Le Drapeau Rouge, 13 septembre 2021
[vii] Et, ajoute Caller, « éminence discrète de la géopolitique néolibérale américaine » et ex-conseiller sur l’Afghanistan pour le Pentagone et le Département d’État
[viii] Le Monde, 13-14.2.22
[ix] Pacte « de sécurité et de défense entre l’Australie, le Royaume Uni (United Kingdom) et les États-Unis, d’où le sigle, « une sorte de mini-Otan visant directement la Chine », écrit Le Monde
[x] Peu après, The Economist ajoutait au sujet du Pacte Aukus : « enfin l’Amérique s’occupe sérieusement à endiguer la Chine en Asie »…
[xi] 24.09.2021