Engagements au travail et capitalisme transnational

Enquêtes ouvrières en Europe - Episode 3
Introduction
Pierre Rouxel et Karel Yon
p. 7-21
Plan | Texte | Notes | Citation | Auteurs

Texte intégral

  • 1 Jones G., Multinationals and Global Capitalism: From the Nineteenth to the Twenty-first Century, Ox (…)
  • 2 Millward R., “Business and the State”, in Jones G., Zeitlin J. (eds.), The Oxford Handbook of Busin (…)
  • 3 Polanyi K., La Grande Transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps, Paris, (…)
  • 4 Dukes R., Streeck W., Democracy at Work. Contract, Status and Post-Industrial Justice, Cambridge et (…)
  • 5 Selznick P., Law, Justice and Industrial Order, New York, Russell Sage Foundation, 1969 ; Burawoy M (…)
  • 6 Dukes R., Streeck W., op. cit., p. 8 (notre traduction).
  • 7 Webb S., Webb B., Industrial Democracy, Londres, Longmans, Green and Co, 1897 ; Marshall T. H., Cit (…)
  • 8 Dukes R., Streeck W., op. cit., p. 9 (notre traduction).

1Dunlop, Unilever, Shell : l’existence de grandes firmes transnationales est un phénomène ancien, consubstantiel au développement-même du capitalisme et à sa globalisation 1. Au cours du long xxe siècle, la trajectoire de ces firmes s’était en quelque sorte « nationalisée », sous l’effet de l’affirmation des États-nations, de leurs politiques macroéconomiques et de leur rôle dans la production de normes de travail et d’emploi, parallèlement à l’affirmation de grandes entreprises publiques nationales dans les domaines du transport, de l’énergie, des télécommunications ou de l’armement 2. L’institutionnalisation des systèmes de relations professionnelles a participé de cette inscription nationale des firmes transnationales, contribuant à « l’encastrement » du marché dans les institutions sociales 3. Selon des formes variables et plus ou moins développées d’un pays et d’un continent à l’autre, un ensemble de droits et d’instances de représentation et de participation des travailleurs ont progressivement été mis en place, doublant la relation contractuelle d’emploi, d’ordre privé, d’un ensemble de droits statutaires garantis par la puissance publique 4. La reconnaissance de la liberté d’association et du syndicalisme, du droit de grève et de la négociation collective a ainsi transcrit à l’intérieur des entreprises une « citoyenneté industrielle » reprenant les formes institutionnelles de l’État 5, et impliquant « la reconnaissance du travailleur comme porteur de droits, d’une part, et la reconnaissance de l’industrie et de l’économie comme des sphères d’intérêt public et de gouvernement démocratique, d’autre part 6 ». La littérature traditionnelle sur la démocratie industrielle a vu dans ces dispositifs de citoyenneté au travail un puissant mécanisme d’intégration à la communauté politique 7 : « cela a alimenté un sens de la justice et de la citoyenneté dans et au travail qui, à travers le lien entre syndicats et partis sociaux-démocrates, a indirectement servi à renforcer la participation et la confiance dans la démocratie politique 8 ».

Les firmes transnationales et le néolibéralisme : un nouveau « despotisme hégémonique » ?

  • 9 Crouch C., Post-démocratie, Zürich, Diaphanes, 2013 (2004).
  • 10 Arato J., “Corporations as Lawmakers”, Harvard International Law Journal, vol. 56, n°2, 2015, pp. 2 (…)
  • 11 Angeli Aguiton S., Déplaude M-O., Jas N., Henry E., Thomas V., Pervasive Powers. The Politics of Co (…)

2Dans cette perspective, le phénomène majeur des dernières décennies est peut-être moins celui de la progression du nombre, de la taille et des profits des firmes transnationales, que celui de leur capacité à peser sur, voire à s’affranchir des cadres juridiques établis par les États-nations et à s’imposer comme des puissances régulatrices autonomes, faisant de la firme globale l’acteur central de la « post-démocratie 9 ». De nombreux travaux sur le pouvoir des entreprises (corporate power) mettent l’accent sur les prétentions hégémoniques des grandes firmes, en raison notamment de leur influence grandissante auprès des autorités publiques 10. Une synthèse récente met en avant la dualité de ce phénomène : d’une part, le pouvoir des entreprises est devenu « invasif » (pervasive), au sens où il a acquis un caractère diffus et généralisé et se déploie à la fois aux niveaux macro et micro ; d’autre part, il conforte l’autorité de l’entreprise (corporate authority), entendue comme « la légitimité politique et sociale croissante des entreprises, imposant des ordres matériels et normatifs spécifiques qui entrent en concurrence ou s’hybrident avec ceux des États 11 ».

  • 12 Hathaway T., “Neoliberalism as Corporate Power”, Competition & Change, 2020, vol. 24, n°3-4, 2020, (…)
  • 13 Fretel A., « Réformes du marché du travail : que disent les “exemples” étrangers ? », Chronique Int (…)
  • 14 Baccaro L., Howell C., Trajectories of Neoliberal Transformation: European Industrial Relations Sin (…)
  • 15 Thomas F., « Les syndicats du Sud face au dérèglement néolibéral », Alternatives Sud, vol. 21, n°4, (…)
  • 16 Srnicek N., Platform Capitalism, Cambridge et Maden, Wiley, 2017.
  • 17 Dufresne A., « La bataille des statuts. Les dessous de la loi européenne pour les travailleurs de p (…)

3Derrière un discours de promotion des marchés et du libre-échange, le néolibéralisme se traduit ainsi par un renforcement du pouvoir et des droits des entreprises qui s’opère au détriment de ceux des individus 12. Ce constat s’applique tout particulièrement dans la sphère professionnelle. La capacité des grandes entreprises à imposer leurs propres normes s’accompagne d’un recul, impulsé par les acteurs étatiques eux-mêmes, des régulations publiques qui garantissent les droits des personnes au travail. Les réformes du marché du travail engagées ces dernières décennies ont généralement eu pour conséquence de fragiliser les institutions de la citoyenneté salariale, que ce soit directement (encadrement du droit de grève, restriction des libertés syndicales) ou indirectement (flexibilisation des statuts d’emploi, démantèlement des collectifs de travail, nouveaux statuts d’activité hors de l’emploi salarié 13). La littérature située au croisement des relations industrielles et de l’économie politique internationale a d’ailleurs bien souligné cette « convergence néolibérale » se traduisant partout par un recul du taux de syndicalisation et de la conflictualité au travail et par une dynamique de restauration du pouvoir patronal 14, dont nombre de pays du Sud et notamment d’Amérique latine ont constitué une pointe avancée dès les années 1970 15. Aujourd’hui, l’émergence d’un « capitalisme de plateforme 16 » apparaît comme une nouvelle étape dans ce processus de remise en cause des institutions liées au capitalisme industriel et au rapport salarial fordiste, les entreprises de plateforme privilégiant le recours à des formes d’« infra-emploi » dépourvues d’instances de représentation collective et reportant la majeure partie des risques liés au travail sur les travailleurs eux-mêmes 17.

  • 18 Sklair L., “The Transnational Capitalist Class and Global Capitalism: the Case of the Tobacco Indus (…)
  • 19 Strange S., The Retreat of the State. The Diffusion of Power in the World Economy, Cambridge, Cambr (…)
  • 20 Royle T., Towers B. (eds.), Labour Relations in the Global Fast-Food Industry, Londres et New York, (…)
  • 21 Bessemer a été le théâtre, au printemps 2021, d’une tentative d’implantation syndicale qui a été mi (…)

4Confortée par une « classe capitaliste transnationale 18 » présentant les entreprises comme des acteurs au service de la société dans son ensemble, cette toute-puissance du capital a longtemps été symbolisée par le rayonnement de grandes firmes venues des États-Unis. Susan Strange, qui fut parmi les premières à attirer l’attention de la recherche en relations internationales sur le pouvoir croissant des « multinationales » face aux États, rappelle d’ailleurs l’anecdote selon laquelle ce terme aurait été forgé par le département des relations publiques d’IBM pour faire oublier qu’il s’agissait d’une entreprise étasunienne 19. McDonald’s, Walmart et Amazon représentent trois générations de ces firmes globalisées combinant la réactivation de modes de gestion paternaliste des relations de travail avec une hostilité très forte au syndicalisme, accusé de ne représenter que des intérêts privés et catégoriels 20. L’entretien que nous accordent dans ce dossier Tamara Lee et Maite Tapia, qui ont coordonné une recherche sur les relations de travail à Amazon aux États-Unis, en donne une illustration, notamment lorsqu’elles évoquent le cas de Bessemer, une ville du sud des États-Unis que l’implantation d’Amazon a transformée en une sorte de « company town » moderne 21.

  • 22 Burawoy M., The Politics of Production, Londres, Verso, 1985.
  • 23 Burawoy M., « Manufacturing consent revisité », La Nouvelle revue du travail [en ligne], n°1, 2012 (…)
  • 24 Allain M., Maillet A., « Les mobilisations autour de l’extractivisme. Circulation et potentiel heur (…)
  • 25 Ravelli Q., « Les limbes de la dette. Crise économique et mouvements sociaux : des banquiers de Wal (…)
  • 26 Balsiger P., The Fight for Ethical Fashion: The Origins and Interactions of the Clean Clothes Campa (…)

5Ce renforcement de la domination patronale engagé à la faveur du « tournant néolibéral » a ainsi pu être interprété par certains comme le triomphe global d’un nouveau « despotisme hégémonique 22 » faisant la part belle au capital financier, au point que les résistances s’appuieraient désormais non « pas tant sur la production et l’exploitation (qui est en train de devenir un privilège dans le monde moderne) que sur l’expérience du marché et de la marchandisation (consumérisme 23) ». Elles revêtent souvent une forte tonalité environnementaliste et se développent notamment en réaction à l’essor d’un nouveau capitalisme extractiviste 24. Mais elles peuvent aussi porter sur les conséquences économiques et sociales de la domination des grandes entreprises, qu’il s’agisse de l’endettement massif des populations victimes des montages financiers des grandes banques 25, ou des effets sur les salaires et les conditions de travail, au Nord comme au Sud, de l’internationalisation des chaînes de valeur 26.

Pluralité des régimes de mobilisation et de contrôle du travail

  • 27 « Syndicalisme transnational : s’organiser face aux multinationales (Éditorial) », Mouvements, n°95 (…)
  • 28 Gall G., “Quiescence Continued? Recent Strike Activity in Nine Western European Economies”, Economi (…)
  • 29 Ness I., Southern Insurgency. The Coming of the Global Working Class, Londres, Pluto Press, 2016.
  • 30 Cessou A., « À l’ombre de “la plus grande grève de l’histoire” », Mouvements, vol. 103, n°3, 2020, (…)
  • 31 Laurent M., « Les grèves en Chine : les révoltes dans l’usine du monde », Mouvements, vol. 103, n°3 (…)
  • 32 Atzeni M., Ness I. (eds.), Global Perspectives on Workers’ and Labour Organizations, Singapour, Spr (…)
  • 33 Benvegnù C., Gaborieau D. (dir.), « Les mondes logistiques. De l’analyse globale des flux à l’analy (…)
  • 34 Kochan T. A. et al., “An Overview of US Workers’ Current Organizing Efforts and Collective Actions” (…)
  • 35 Ross S., “The UAW Decided to Use a Novel Strike Strategy. It’s Working”, Jacobin (en ligne, consult (…)
  • 36 Collectif du 9 août, Quand ils ont fermé l’usine. Lutter contre la délocalisation dans une économie (…)

6Les analyses mettant l’accent sur la toute-puissance des firmes transnationales et la confrontation entre marchés et mouvements sociaux tendent parfois à conforter l’image de « colosses anonymes et invincibles 27 » écrasant toute forme de résistance au travail. La situation est en réalité plus contrastée. Si la tendance lourde est au déclin de la conflictualité salariale dans les pays du Nord, qui combine un déclin statistique des grèves « économiques » et une mise en échec des grèves « politiques 28 », ce constat ne saurait faire oublier la persistance de formes de protestation diverses à l’échelle globale. Les études menées dans le champ des « new global labor studies » pointent l’essor dans les pays du Sud d’une nouvelle « classe ouvrière globale 29 » qui, en Inde 30 ou en Chine 31 notamment, se manifeste au travers de puissants mouvements de grève 32. De nombreux travaux fleurissent également à propos de la conflictualité dans le secteur de la logistique, devenu un rouage essentiel du capitalisme globalisé 33. À l’occasion de la crise sanitaire et de la poussée de l’inflation, des grèves emblématiques ont par ailleurs secoué les pays occidentaux, débouchant par exemple sur la première campagne victorieuse de syndicalisation d’un entrepôt Amazon à New York, au lendemain de la pandémie 34. Plus récemment, le mouvement de grève coordonné par le syndicat UAW dans l’industrie automobile étasunienne témoigne d’un renouveau de l’inventivité syndicale 35. Ainsi, la conflictualité dans les pays du Nord ne se réduit pas à des réactions défensives contre la délocalisation du travail, même si ces grèves continuent de fournir un contingent important des mobilisations au travail, notamment dans le secteur industriel 36.

  • 37 Englert S., Woodcock J., Cant C., “Digital Workerism: Technology, Platforms, and the Circulation of (…)
  • 38 Schaupp S., “Technopolitics from Below: A Framework for the Analysis of Digital Politics of Product (…)
  • 39 La syndicalisation des travailleurs indépendants a crû de 176,9 % pendant cette période alors que c (…)
  • 40 Ibid., p. 129.

7Loin de se cantonner à la sphère de la consommation, les mobilisations dans celle de la production restent donc un fait social de première importance, y compris dans les secteurs qui échappent aux formes de la relation d’emploi traditionnelle, héritée du capitalisme industriel. Les entreprises de plateforme sont le terrain de nombreuses enquêtes qui s’interrogent par exemple sur l’émergence d’un « opéraïsme digital 37 », en mettant au cœur de leur analyse le pouvoir d’agir des travailleurs. Ces travaux montrent que la technologie est à la fois utilisée contre les travailleurs et appropriée par eux, contribuant de la sorte à redéfinir autant la coercition au travail que les formes de résistance à celle-ci, dans une sorte de « technopolitique par en bas 38 ». L’Organisation internationale du travail relève d’ailleurs les tendances qui témoignent de cette recomposition des résistances au travail : si la croissance globale du nombre de syndiqués ne suit pas celle des actifs (ce qui induit une baisse du taux de syndicalisation dans le monde, de 12,3 % en 2008 à 11,2 % en 2019), la syndicalisation est tirée par le développement des organisations de travailleurs à leur propre compte 39. De même, dans la répartition globale des effectifs syndiqués, le poids de l’Afrique et de l’Asie-Pacifique augmente (passant respectivement de 7 à 10 % et de 28,8 à 36,5 % entre 2008 et 2019), au détriment des anciens bastions d’Europe et des Amériques : désormais, près d’un syndiqué sur deux provient du Sud global 40.

  • 41 Gorbach D., « Hégémonie industrielle et économie morale dans une ville sidérurgique ukrainienne », (…)
  • 42 Rouxel P., Le syndicalisme en restructurations. Engagements et pratiques de délégués d’entreprises (…)
  • 43 Bank Muñoz C., Kenny B., Stecher A., “Situating Walmart in a Global Context: Workplace Cultures, La (…)
  • 44 Atzeni M., Kenny B., “The Labour Process and Workers’ Rights at Mercado Libre: Hiding Exploitation (…)
  • 45 Royle T., “Just Vote No! Union-busting in the European Fast-Food Industry: the Case of McDonald’s”, (…)
  • 46 Massimo F., “A Struggle for Bodies and Souls: Amazon Management and Union Strategies in France and (…)

8Outre les résistances au travail, d’autres dimensions contrarient la tendance au « despotisme hégémonique », à commencer par la prise en compte des configurations institutionnelles et politiques propres aux territoires dans lesquels les grandes entreprises s’inscrivent. Ainsi du capitalisme marchand dans l’ex-bloc soviétique : loin de se traduire par l’atomisation et la précarisation généralisée du travail, la privatisation des anciennes industries d’État et leur insertion dans les réseaux du capitalisme global, comme dans le bassin sidérurgique ukrainien, reconduit localement une économie morale du paternalisme industriel au sein de laquelle les syndicats occupent toujours une place centrale 41. Même les firmes porteuses d’un discours ouvertement antisyndical n’échappent pas à ce schéma qui les conduit à reconnaître la légitimité d’une représentation du personnel, que ce soit comme une condition d’entrée fixée par les pouvoirs publics ou par obligation de se conformer aux lois du pays d’accueil 42. Étudiant l’implantation de Walmart dans six pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine, des chercheuses et chercheurs s’interrogent : « comment se fait-il que l’entreprise la plus antisyndicale du monde ait dû accepter les syndicats partout à l’exception des États-Unis et du Canada ? La réponse la plus évidente est que le droit du travail compte [labor laws matter 43] ». Ce constat n’est pas isolé. Maurizio Atzeni fait des observations similaires dans l’entretien qu’il nous accorde. Sur la base de ses travaux avec Bridget Kenny sur Mercado Libre 44, « l’Amazon latino-américain », il évoque la manière dont l’entreprise est amenée à composer avec un droit du travail qui favorise une présence syndicale et revient sur sa stratégie consistant à promouvoir le dialogue avec un petit syndicat jugé inoffensif pour éviter que le plus revendicatif syndicat des camioneros pénètre l’entreprise. Des constats proches ont été faits sur le terrain de ces grandes firmes étasuniennes que nous évoquions plus haut : tant McDonald’s qu’Amazon ont dû se résoudre à accepter la présence d’organisations syndicales, ce qui bien sûr n’exclut pas que ces entreprises se conforment aux normes juridiques et politiques locales pour jouer avec et mieux les déjouer 45. Francesco Massimo analyse par exemple le cas d’Amazon qui, en France et en Italie, a dû concéder la reconnaissance des organisations syndicales, sous la pression des pouvoirs publics et du contentieux juridique mobilisé par les syndicalistes, tout en précisant que les syndicats sont tenus à l’écart de l’organisation du travail et ne représentent que les fractions les plus stables des travailleurs 46.

  • 47 Bosvieux-Onyekwelu C., Boussard V., « Moraliser le capitalisme ou capitaliser sur la morale ? », Ac (…)
  • 48 Entre autres exemples, voir Bereni L., Le management de la vertu : la diversité en entreprise à Par (…)
  • 49 Barraud de Lagerie P., Mias A., Phé C., Servel L., « L’accord d’entreprise mondial, instrument de p (…)
  • 50 Chauvin S., Jounin N., « L’externalisation des illégalités : ethnographie des usages du travail tem (…)
  • 51 Barraud de Lagerie P., Les patrons de la vertu. De la responsabilité sociale des entreprises au dev (…)
  • 52 Delpech Q., Mobilisations syndicales et violences au Sud. Protester dans les usines de la sous-trai (…)
  • 53 Dubuisson-Quellier S., Gouverner les conduites, Paris, Presses de Sciences Po, 2016.
  • 54 La directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité a été présentée pa (…)

9Dans le même temps, d’autres grandes entreprises, notamment en Europe occidentale et en France en particulier, s’érigent en contre-modèles. Prétendant incarner un nouveau capitalisme « moral » soucieux de réconcilier profit et vertu 47, ces firmes mettent en avant leurs initiatives en matière de « responsabilité sociale et environnementale 48 » (RSE), incluant notamment la pratique d’un dialogue social global avec les syndicats de travailleurs 49. L’émergence de ces contre-modèles est indissociable du processus « d’externalisation des illégalités 50 » qui se niche au cœur de la nouvelle division internationale du travail : depuis les années 1970, l’externalisation des activités productives vers des pays du Sud à l’abondante main d’œuvre « bon marché » et aux régulations du travail erratiques a largement reporté les risques judiciaires et réputationnels sur les sous-traitants des firmes transnationales. À cet égard, l’essor des politiques de RSE s’analyse en partie comme une réponse aux critiques de la société civile et plus particulièrement des mouvements de consommateurs réclamant « de l’éthique sur l’étiquette 51 » mais aussi comme le résultat de mobilisations syndicales dans les usines et ateliers du sud inscrits dans ces nouvelles chaînes globales de valeur 52. Elle découle également de l’évolution des régulations publiques, qui font désormais la part belle aux appels à la « vertu » des acteurs privés 53, sans toujours renoncer à des normes juridiques plus contraignantes, à l’instar des législations sur le devoir de vigilance des multinationales, un principe récemment transcrit dans le droit en France (2017) et en Allemagne (2021), et sur le point d’être étendu à l’échelle européenne 54.

  • 55 Castree N., Coe N. M., Ward K., Samers M., Spaces of Work. Global Capitalism and the Geographies of (…)
  • 56 Palomino H., Gurrera M., “La adaptación de las firmas multinacionales al sistema de relaciones labo (…)
  • 57 Barraud de Lagerie P., Les patrons de la vertu…op. cit.
  • 58 Gayer L., Le capitalisme à main armée. Caïds et patrons à Karachi, Paris, CNRS Éditions, 2023.
  • 59 Millan M., Saluppo A. (eds.), Corporate Policing, Yellow Unionism, and Strikebreaking, 1890-1930. I (…)

10Dès lors, plus qu’un nouvel ordre entrepreneurial despotique, ce sont différents régimes de mobilisation et de contrôle du travail qui coexistent à l’échelle globale, selon les espaces et au sein-même des firmes transnationales 55. En Argentine, par exemple, les pratiques de gestion des firmes oscillent entre reconnaissance du fait syndical dans les grands établissements industriels d’entreprises latino-américaines ou européennes, et gestion unilatérale dans les établissements de plus petite taille, appartenant le plus souvent à des firmes étasuniennes 56. Selon les lieux et les secteurs d’activité, les entreprises cherchent en priorité à s’attacher le consentement des travailleurs via différentes tentatives d’intégration ou de cooptation, ou optent à l’inverse pour une politique de pure coercition. La diffusion de dispositifs privés de gestion et de contrôle – sous la forme notamment d’audits sociaux 57 – peut dès lors aller de pair avec un recours exacerbé à la coercition, sous des formes étroitement imbriquées avec l’action violente de groupes criminels. Mohamed Slim Ben Youssef en donne un aperçu dans ce numéro en chroniquant le récent livre de Laurent Gayer 58, qu’il met en perspective en croisant sa lecture avec celle d’un volume historique qui documente, au tournant du xixe siècle, la mobilisation patronale de forces supplétives diverses, publiques et privées, pour faire respecter l’ordre productif 59.

  • 60 Delpech Q., « L’impunité comme mode d’accumulation économique : relations professionnelles, investi (…)
  • 61 « L’entreprise comme acteur politique », Entreprises et histoire, vol. 104, n°3, 2021.
  • 62 Grajales J., Vadot G., « Entreprises, territoires et pouvoir politique : localiser l’analyse du cap (…)
  • 63 Buu-Sao D., Le capitalisme au village. Pétrole, État et luttes environnementales en Amazonie, Paris (…)
  • 64 Gorbach D., « Hégémonie industrielle et économie morale… », op. cit.

11Le corporate power ne prospère donc pas sur les décombres du state power : il se construit moins contre l’État que tout contre lui 60. Plutôt que de décrire la substitution d’un ordre entrepreneurial despotique à un ordre public plus ou moins démocratique, il semble plus juste de parler d’ordres politiques hybrides dont la caractéristique commune est de brouiller la frontière entre public et privé 61. La meilleure illustration de ces phénomènes nous est donnée par le capitalisme extractif. À rebours de l’idée d’« enclave » faisant des grandes firmes extractives les architectes d’« exceptions spatiales » coupées des sociétés locales, ces entreprises participent à la construction d’espaces politiques où coexistent, dans une relation d’interdépendance, les autorités de l’entreprise, les pouvoirs publics locaux et divers autres acteurs (syndicalistes, représentants associatifs, ethniques ou « autochtones 62 »). Dans des travaux antérieurs à l’article qu’elle publie dans ce dossier, Doris Buu-Sao montre bien, par exemple, à quel point « le capitalisme au village 63 » relève moins de la greffe autoritaire d’un corps étranger sur une communauté locale hostile que d’un continuum de coopérations et de résistances, d’expropriations capitalistes et d’appropriations du capitalisme, qui reconfigurent l’expérience des acteurs locaux autant que l’activité des firmes. Si ces travaux soulignent le rôle central des entreprises dans la recomposition des ordres politiques, ils évitent d’en faire un acteur homogène en invitant plutôt à considérer l’entreprise comme un champ de luttes politiques. La prétention patronale à l’hégémonie, avant d’atteindre la société dans son ensemble, doit ainsi commencer par se construire sur le lieu-même du travail 64.

Pour une sociologie politique des engagements au travail

  • 65 « Entreprises ancrées, États en jeu ? », Politix, n°132, 2020.
  • 66 « Salariats d’en bas », Cahiers d’études africaines, vol. 245-246, n°1-2, 2022.
  • 67 « Citoyenneté industrielle et formes du lien syndical », Critique internationale, n°87, 2020. Voir (…)

12C’est cette ligne de recherche que les contributions rassemblées dans ce dossier entendent prolonger. Dans le sillage de travaux récents sur les politiques du capitalisme extractif 65, sur les « salariats d’en bas » en Afrique 66 et sur les formes plurielles du lien syndical 67, le but de ce dossier est de documenter la diversité des engagements au travail, en se centrant plus spécifiquement sur les firmes transnationales. Il est animé par la conviction qu’on ne peut comprendre la structuration des ordres sociaux et politiques contemporains sans étudier la façon dont les rapports sociaux se construisent au sein des activités de travail, qui occupent la majeure partie du temps de vie consciente des individus. C’est dans ce sens que nous proposons une sociologie politique des engagements au travail, qui s’appuie sur la riche littérature consacrée aux labor studies tout en s’en distinguant sous plusieurs aspects.

  • 68 Caire G., Entreprises multinationales et relations professionnelles, 2 tomes, Paris, CRESST, 1980 ; (…)
  • 69 Harrod J., O’Brien R., Global Unions? Theory and Strategies of Organized Labour in the Global Polit (…)
  • 70 Hall P., Soskice D., Varieties of Capitalism: The Institutional Foundations of Comparative Advantag (…)
  • 71 Frege C., Kelly J., Varieties of Unionism: Strategies for Union Revitalization in a Globalizing Eco (…)
  • 72 Brookes M., McCallum J., “The New Global Labour Studies: A Critical Review”, Global Labour Journal(…)
  • 73 Braverman H., Travail et capitalisme monopoliste…op. cit.
  • 74 Atzeni M., Workplace Conflict. Mobilization and Solidarity in Argentina, Basingstoke et New York, P (…)
  • 75 Carbonell J.S., « Harry Braverman et la critique de l’organisation du travail. Préface à l’édition (…)
  • 76 Quijoux M., Yon K., « Servir l’entreprise pour mieux défendre les salarié·es ? Les formes plurielle (…)

13Dans le champ des études du travail, il existe en effet une littérature déjà ancienne sur les relations professionnelles dans les firmes transnationales. Cependant, celle-ci aborde le plus souvent son objet « par le haut », en partant de dispositifs formalisés de régulation qui reproduisent, sur la scène mondiale, les institutions existant à l’échelle nationale : organisation syndicale, négociation entre « partenaires sociaux » et accords-cadres internationaux 68. Il en est de même des travaux consacrés au syndicalisme transnational, qui mettent souvent l’accent sur des études de cas à vocation exemplaire 69. Les recherches qui se situent dans le champ de l’économie politique internationale, en réglant la focale sur les firmes transnationales ou les systèmes nationaux de relations professionnelles pris comme un tout, ont tendance à prendre pour objet des institutions qu’elles réifient, sans porter attention aux contradictions et aux conflits qui les traversent. C’est particulièrement net dans la littérature sur les variétés de capitalisme 70 – et par extension, sur les variétés de syndicalisme 71 – qui présume de la fonctionnalité systémique des agencements institutionnels. À l’inverse, les travaux qui s’inscrivent dans le champ des « new global labour studies » accordent peu d’importance aux infrastructures de l’action collective. Pointant l’unité d’un phénomène transnational – au moins à l’échelle du « Sud global » – plus qu’ils ne le démontrent empiriquement 72, ces travaux décrivent un contre-mouvement d’opposition à la globalisation néolibérale, qui émergerait à la périphérie ou à l’écart des organisations syndicales traditionnelles, délégitimées et inadaptées à la nouvelle configuration d’un marché du travail segmenté et précarisé. Les approches « par le bas » sont plus fréquentes dans ces travaux qui se revendiquent souvent de la théorie du processus de travail 73. À ce titre, ils sont attentifs aux formes d’organisation du travail qui sont appréhendées comme la principale variable explicative des mobilisations au travail, en tant qu’elles façonnent les formes de solidarité 74. Partant du principe que « les conflits et les résistances sont endémiques aux rapports de production capitalistes 75 », ils s’intéressent toutefois peu aux infrastructures normatives et aux processus politiques par lesquels ces résistances prennent forme, négligeant par la même occasion le fait que les engagements au travail, loin de prendre nécessairement une forme antagonique, revêtent parfois les atours du légitimisme 76.

  • 77 Allal A., Yon K., « Citoyennetés industrielles, (in)soumissions ouvrières et formes du lien syndica (…)
  • 78 Ibid., p. 23.
  • 79 Yon K. « Politiser le travail ou l’entreprise ? Trois registres de citoyenneté industrielle », Soci (…)
  • 80 Giraud B., « Des conflits du travail à la sociologie des mobilisations : les apports d’un décloison (…)
  • 81 Dukes R., Streck W., Democracy at Work…op. cit.

14C’est dans cette perspective que nous nous appuyons sur la notion de « citoyenneté industrielle 77 ». Celle-ci n’est pas comprise comme l’idéal d’un passé industriel révolu évoqué en ouverture de cette introduction, mais comme un concept inductif permettant d’étudier la diversité des processus de subjectivation politique à l’œuvre dans les activités de travail. La citoyenneté industrielle, qu’il faut donc entendre au sens large de citoyenneté au travail, attire l’attention sur « la façon dont les travailleur·ses se constituent en sujets politiques, définissent les droits dont ils et elles se sentent légitimement détenteurs, et délimitent les frontières de la communauté au regard de laquelle ces droits prennent sens 78 ». Elle permet de saisir ensemble les dimensions institutionnelles et processuelles des engagements au travail 79 en portant une égale attention au travail politique de mobilisation 80 et aux architectures matérielles et symboliques, notamment juridiques, qui organisent non seulement les formes de mise au travail mais orientent aussi la formation des identités collectives et des sentiments d’injustice 81.

15La perspective d’une sociologie politique des engagements au travail revêt ainsi un double intérêt. Elle permet à la fois de situer l’international, en prêtant attention aux singularités, hiérarchies et différenciations internes propres à chaque firme, et de tenir ensemble la pluralité des formes d’engagement au travail, en dépassant l’opposition entre le regard désincarné des approches (néo)institutionnalistes et l’attention empirique sélective des approches centrées sur le processus de travail. Analyser la recomposition des formes contemporaines de la citoyenneté au travail s’opère de la sorte au croisement de trois réalités : le procès de travail, les ordres politico-juridiques localisés, les propriétés sociales des salariés. C’est ce sillon que cherche à creuser ce dossier, dont les contributions, adossées pour chacune d’entre elles à un solide travail empirique, permettent de dégager deux fils analytiques.

16Premièrement, loin de s’en tenir au constat du démantèlement des formes anciennes de la citoyenneté industrielle, les articles rassemblés dans le dossier donnent plutôt à voir une recomposition des formes d’engagement et de participation au travail. Ils documentent notamment les dynamiques contemporaines de construction par les politiques d’entreprise d’une nouvelle offre de participation au travail, dans laquelle se combinent les institutions traditionnelles de la citoyenneté industrielle (syndicats et mécanismes de représentation dérivés du rapport salarial), avec lesquelles les firmes doivent composer, et les dispositifs d’autorégulation et de participation qu’elles mettent en œuvre en leur sein, dans le sillage notamment de la montée en puissance de la RSE. Les contributions éclairent ainsi les variations et les ambivalences des engagements au travail, en fonction des trajectoires des salariés et des contextes sociaux et professionnels dans lesquels ils et elles évoluent. Tout d’abord, l’investissement des dispositifs d’engagement légitimés par les firmes vient parfois consolider chez certains salariés une forme de « citoyenneté d’entreprise », au sens où il s’opère au nom de et pour l’entreprise et conforte une vision communautaire de celle-ci. C’est ce que montre notre contribution consacrée aux engagements des cadres et employés de Decathlon au Mexique. Mais il est aussi le support de discours et d’expressions plus critiques, qui pointent par exemple les contradictions de la « mine durable », dans le cas de RioTinto en Espagne, étudié par Doris Buu-Sao.

17Ensuite, en dépit des stratégies de contournement ou de démobilisation mises en œuvre par les firmes, les formes classiques de la citoyenneté industrielle continuent dans certains cas de constituer un support de luttes et de mobilisations collectives, qui gagnent à être rapportées aux contextes politiques et institutionnels et à la structuration des groupes professionnels. L’article que Bruno Bauraind et Jean Vandewattyne consacrent à Ryanair montre comment les mobilisations qui se construisent en Belgique, jusqu’à la reconnaissance du fait syndical, s’appuient sur les institutions du droit social du pays, en dépit des tentatives de l’entreprise pour y échapper. Le cas des dockers de Gênes, étudié par Julien O’Miel, donne quant à lui à voir comment les firmes transnationales, qui pénètrent les activités portuaires de la ville à la faveur de leur privatisation, doivent composer avec des collectifs ouvriers entretenant, en dépit des transformations de leur travail, une conscience politique et internationaliste aiguë.

  • 82 Atzeni M., “Workers’ Organizations and the Fetishism of the Trade Union Form: Toward New Pathways f (…)
  • 83 Allal A., Yon K., « Citoyennetés industrielles, (in)soumissions ouvrières et formes du lien syndica (…)

18Partir des acteurs, de leurs pratiques et des configurations dans lesquelles elles prennent sens permet ainsi de saisir la diversité des formes d’engagement qui naissent dans l’expérience du travail, sans « fétichisme de la forme syndicale 82 », et donc « en ne considérant plus [celle-ci] comme un point de départ mais comme un (possible) point d’arrivée de l’analyse sociologique 83 ». Se dégagent de la sorte différentes figures d’engagement – ou de désengagement – au travail : celle du lanceur d’alerte, qu’investissent les dockers de Gênes, celle du citoyen d’entreprise constitué en modèle professionnel dans le cas de Decathlon, celle du syndicaliste qui se détache de la communauté d’entreprise et s’affirme contre elle, à Ryanair, mais aussi celle du travailleur isolé, précarisé dans le cas de RioTinto, qui envisage plus volontiers de s’engager contre les débordements environnementaux de l’entreprise extractive qu’au sein de celle-ci.

  • 84 Simeant J. (dir.), Guide de l’enquête globale en sciences sociales, Paris, CNRS Éditions, 2015 ; Bo (…)
  • 85 Wagner A.-C., « Syndicalistes européens. Les conditions sociales et institutionnelles de l’internat (…)

19Deuxièmement, dans le sillage des réflexions qui invitent à récuser toute singularité ontologique de « l’international 84 », notre approche invite à ne pas considérer le caractère transnational des firmes et leur insertion sur le marché global des biens et services comme une caractéristique déterminant a priori les conduites ou les formes de conscience des acteurs, qu’il s’agisse de contenir leur engagement dans les frontières d’une communauté d’entreprise ou d’y voir le vecteur d’une conscience de classe globale. L’international est appréhendé comme une propriété plus ou moins saillante, qui se manifeste sous des formes diverses et se combine à d’autres formes d’appartenance. Il s’agit dès lors de voir comment les travailleurs bricolent leurs propres formes d’action et/ou s’approprient localement des dispositifs institués d’engagement et de participation tels qu’ils existent au sein de leur entreprise et dans les espaces professionnels où ils évoluent, à la manière dont Anne-Catherine Wagner a pu documenter le bricolage d’un capital militant international par les syndicalistes dans les Comités d’entreprise européens 85.

20Chez Ryanair et Decathlon, les dynamiques d’engagement sont ainsi largement façonnées par la structuration transnationale du marché du travail interne. Dans le cas de Ryanair, celui-ci est d’emblée transnational et permet à la firme d’engager une politique de localisation des salariés qui se révèle être à double tranchant : si elle vise à couper les salariés de leur pays d’origine, elle produit en retour des sociabilités nouvelles par le regroupement de salariés déracinés qui forment la base de communautés d’action. Dans le cas de Decathlon, l’accès au marché interne transnational est avant tout réservé aux cadres occidentaux qui ont fait montre de leur appropriation du rôle de « bon decathlonien », engagé dans son travail et pour la société. Au Mexique, ces cadres jouent un rôle décisif dans la valorisation d’une culture des relations de travail propre à l’entreprise et présentée comme diamétralement opposée à celle du pays d’accueil. À cet égard, la politique d’entreprise citoyenne fonctionne comme un dispositif de sélection autant que de socialisation professionnelle des salariés mexicains, en orientant les dispositions à l’engagement dans un sens compatible avec la promotion de la communauté d’entreprise.

21A contrario, les articles consacrés aux dockers de Gênes et aux mineurs d’Espagne nous donnent à voir des groupes ouvriers localisés confrontés aux transformations de leurs métiers par les évolutions du capitalisme transnational. Si les deux cas relèvent d’histoires ouvrières fortement politisées, que symbolisent la riche histoire syndicale et les expériences d’appropriation démocratique du travail sous forme d’expériences coopératives, les différences en termes d’héritage et de transmission sont à relier aux trajectoires économiques différenciées des secteurs et à l’inégale stabilité des statuts d’emploi. Du côté de RioTinto, l’affaiblissement syndical consécutif au déclin minier, la sous-traitance en cascade qui caractérise la reprise de la production et les modes de gestion individualisée des travailleurs font obstacle à l’émergence de discours et d’engagements critiques et structurés à l’encontre de la « mine durable ». À Gênes, la relative stabilité professionnelle des dockers étudiés comme leur insertion maintenue dans un dense tissu militant, au travail et en dehors, autorisent des mobilisations plus affirmées autour de la circulation d’armes. Dans ce cas précis, les formes concrètes de l’engagement entretiennent par ailleurs un lien direct avec l’activité : ce n’est pas seulement l’employeur qui est transnational, c’est aussi le travail concret. En effet, la position des ports dans les circuits du capitalisme logistique et la potentielle capacité de blocage de ceux qui y travaillent poussent les dockers génois à étendre leur action au-delà de l’espace portuaire et à s’inscrire dans l’espace transnational des mobilisations antimilitaristes.

22Si ce dossier explore, autour de l’enjeu de la citoyenneté dans les firmes transnationales, une thématique peu fréquente dans Cultures & Conflits, il le fait en en employant des méthodes d’enquête qui sont les mêmes que celles de la sociologie politique de l’international. De la sorte, il espère contribuer au travail engagé par la revue pour apporter un éclairage original sur les dynamiques de la politique et du conflit dans les espaces internationaux.

Pierre Rouxel et Karel Yon,
été 2023, Revue “Cultures et Conflits”


Notes

1 Jones G., Multinationals and Global Capitalism: From the Nineteenth to the Twenty-first Century, Oxford, New York, Oxford University Press, 2005.

2 Millward R., “Business and the State”, in Jones G., Zeitlin J. (eds.), The Oxford Handbook of Business History, Oxford, Oxford University Press, 2007, pp. 529-557.

3 Polanyi K., La Grande Transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps, Paris, Gallimard, 1983 (1944).

4 Dukes R., Streeck W., Democracy at Work. Contract, Status and Post-Industrial Justice, Cambridge et Hoboken, Polity, 2023. Pour le cas de l’Amérique Latine, voir par exemple Collier R. B., Collier D., Shaping the Political Arena: Critical Junctures, the Labor Movement, and Regime Dynamics in Latin America, Princeton, Princeton University Press, 1991.

5 Selznick P., Law, Justice and Industrial Order, New York, Russell Sage Foundation, 1969 ; Burawoy M., Produire le consentement, Montreuil, la Ville brûle, 2015 (1979) ; Coutu M., Murray G. (dir.), Travail et citoyenneté. Quel avenir ?, Québec, Presses de l’Université de Laval, 2010.

6 Dukes R., Streeck W., op. cit., p. 8 (notre traduction).

7 Webb S., Webb B., Industrial Democracy, Londres, Longmans, Green and Co, 1897 ; Marshall T. H., Citizenship and Social Class, Londres, Pluto Press, 1992 (1950) ; Mann M., “Ruling Class Strategies and Citizenship”, Sociology, vol. 21, n°3, 1987, pp. 339-354.

8 Dukes R., Streeck W., op. cit., p. 9 (notre traduction).

9 Crouch C., Post-démocratie, Zürich, Diaphanes, 2013 (2004).

10 Arato J., “Corporations as Lawmakers”, Harvard International Law Journal, vol. 56, n°2, 2015, pp. 229-295 ; Culpepper P., Quiet Politics and Business Power: Corporate Control in Europe and Japan, Cambridge, Cambridge University Press, 2011 ; Laurens S., Les courtiers du capitalisme : milieux d’affaires et bureaucrates à Bruxelles, Marseille, Agone, 2015 ; Rea C., Walker E., “The Political Mobilization of Firms and Industries”, Annual Review of Sociology, vol. 40, n°1, 2014, pp. 281-304 ; Wilks S., The Political Power of the Business Corporation, Cheltenham, Edward Elgar Publishing, 2013 ; Milker J., The Political Power of Global Corporations, Cambridge et Medford, Polity Press, 2018.

11 Angeli Aguiton S., Déplaude M-O., Jas N., Henry E., Thomas V., Pervasive Powers. The Politics of Corporate Authority, Londres et New York, Routledge, 2022, pp. 9-10 (notre traduction).

12 Hathaway T., “Neoliberalism as Corporate Power”, Competition & Change, 2020, vol. 24, n°3-4, 2020, pp. 315-337 ; Winkler A., “The Rise of Corporate Rights in the United States”, Entreprises et histoire, vol. 104, n°3, 2021, pp. 45-54.

13 Fretel A., « Réformes du marché du travail : que disent les “exemples” étrangers ? », Chronique Internationale de l’IRES, vol. 155, n°3, 2016, pp. 3-25.

14 Baccaro L., Howell C., Trajectories of Neoliberal Transformation: European Industrial Relations Since the 1970s, Cambridge, Cambridge University Press, 2017.

15 Thomas F., « Les syndicats du Sud face au dérèglement néolibéral », Alternatives Sud, vol. 21, n°4, 2014, pp. 7-26.

16 Srnicek N., Platform Capitalism, Cambridge et Maden, Wiley, 2017.

17 Dufresne A., « La bataille des statuts. Les dessous de la loi européenne pour les travailleurs de plateforme », Salariat, vol. 1, n°1, 2022, pp. 57-85. Sur les effets du « modèle Amazon » en matière de dégradation des conditions de travail et d’affaiblissement du pouvoir syndical, voir Alimahomed-Wilson J., « La révolution de la e-logistique. E-commerce, travail et retransformation de la chaîne d’approvisionnement de la Californie du Sud », Travail et emploi, vol. 162, n°3, 2020, pp. 103-126.

18 Sklair L., “The Transnational Capitalist Class and Global Capitalism: the Case of the Tobacco Industry”, Political Power and Social Theory, vol. 12, 1998, pp. 3-43.

19 Strange S., The Retreat of the State. The Diffusion of Power in the World Economy, Cambridge, Cambridge University Press, 1996, p. xiii.

20 Royle T., Towers B. (eds.), Labour Relations in the Global Fast-Food Industry, Londres et New York, Routledge, 2002 ; Lichtenstein N. (ed.), Walmart, the Face of Twenty-first Century Capitalism, New York, The New Press, 2006 ; Alimahomed J., Reese E. (eds.), The Cost of Free Shipping. Amazon in the Global Economy, Londres, Pluto Press, 2020.

21 Bessemer a été le théâtre, au printemps 2021, d’une tentative d’implantation syndicale qui a été mise en échec par la direction de l’entreprise. Cf. Mometti F., « Amazon aux États-Unis : de la défaite de Bessemer à la création d’un syndicat auto-organisé à New York », Mouvements, vol. 110-111, n°2-3, 2022, pp. 98-108.

22 Burawoy M., The Politics of Production, Londres, Verso, 1985.

23 Burawoy M., « Manufacturing consent revisité », La Nouvelle revue du travail [en ligne], n°1, 2012 (2004). Pour un survol de la littérature consacrée aux rapports entre marchés et mouvements sociaux, cf. Bereni L., Dubuisson-Quellier S., « Au-delà de la confrontation : saisir la diversité des interactions entre mondes militants et mondes économiques », Revue française de sociologie, vol. 61, n°4, 2020, pp. 505-529.

24 Allain M., Maillet A., « Les mobilisations autour de l’extractivisme. Circulation et potentiel heuristique d’un concept en voie de globalisation », Revue internationale de politique comparée, vol. 28, n°3-4, 2021, pp. 7-29.

25 Ravelli Q., « Les limbes de la dette. Crise économique et mouvements sociaux : des banquiers de Wall Street aux militants espagnols », Revue française de sociologie, vol. 61, n°4, 2020, pp. 641-671.

26 Balsiger P., The Fight for Ethical Fashion: The Origins and Interactions of the Clean Clothes Campaign, Aldershot, Ashgate Publishing, 2014.

27 « Syndicalisme transnational : s’organiser face aux multinationales (Éditorial) », Mouvements, n°95, 2018, p. 8.

28 Gall G., “Quiescence Continued? Recent Strike Activity in Nine Western European Economies”, Economic and Industrial Democracy, vol. 34, n°4, 2013, pp. 667-691 ; Kelly J., Hamann K., Johnston A., “Unions Against Governments: Explaining General Strikes in Western Europe, 1980-2006”, Comparative Political Studies, vol. 46, n°9, 2013, pp. 1030-1057.

29 Ness I., Southern Insurgency. The Coming of the Global Working Class, Londres, Pluto Press, 2016.

30 Cessou A., « À l’ombre de “la plus grande grève de l’histoire” », Mouvements, vol. 103, n°3, 2020, pp. 91-100.

31 Laurent M., « Les grèves en Chine : les révoltes dans l’usine du monde », Mouvements, vol. 103, n°3, 2020, pp. 101-110.

32 Atzeni M., Ness I. (eds.), Global Perspectives on Workers’ and Labour Organizations, Singapour, Springer, 2018. Sur la dynamique globale des mobilisations ouvrières, voir Silver B. J., Forces of Labor: Worker’s Movements and Globalization since 1870, Cambridge, Cambridge University Press, 2003.

33 Benvegnù C., Gaborieau D. (dir.), « Les mondes logistiques. De l’analyse globale des flux à l’analyse située des pratiques de travail et d’emploi », Travail et Emploi, vol. 162, n°3, 2020.

34 Kochan T. A. et al., “An Overview of US Workers’ Current Organizing Efforts and Collective Actions”, Work and Occupations, vol. 50, n°3, 2023, pp. 335-350.

35 Ross S., “The UAW Decided to Use a Novel Strike Strategy. It’s Working”, Jacobin (en ligne, consulté le 10 octobre 2023).

36 Collectif du 9 août, Quand ils ont fermé l’usine. Lutter contre la délocalisation dans une économie globalisée, Marseille, Agone, 2017.

37 Englert S., Woodcock J., Cant C., “Digital Workerism: Technology, Platforms, and the Circulation of Workers’ Struggles”, tripleC: Communication, Capitalism & Critique, vol. 18, n°1, 2020, pp. 132-145. Voir aussi Benvegnù C., Cuppini N., Frapporti M., Milesi F., Pirone M., “Platform Battlefield: Digital Infrastructures in Capitalism 4.0”, The South Atlantic Quarterly, vol. 120, n°4, 2021, pp. 689-702.

38 Schaupp S., “Technopolitics from Below: A Framework for the Analysis of Digital Politics of Production”, Nanoethics, n°15, 2021, pp. 71-86.

39 La syndicalisation des travailleurs indépendants a crû de 176,9 % pendant cette période alors que celle des salariés diminuait de 0,8 %. Le taux de syndicalisation chez les travailleurs à leur propre compte reste cependant modeste, passant de 0,9 à 2,2 %, tandis que le pourcentage de travailleurs salariés syndiqués dans le monde est passé de 20 à 16,8 % entre 2008 et 2019. Cf. Organisation Internationale du Travail, Rapport sur le dialogue social 2022, Genève, OIT, 2022, p. 128.

40 Ibid., p. 129.

41 Gorbach D., « Hégémonie industrielle et économie morale dans une ville sidérurgique ukrainienne », Politix, vol. 132, n°4, 2020, pp. 49-72.

42 Rouxel P., Le syndicalisme en restructurations. Engagements et pratiques de délégués d’entreprises multinationales en Argentine et en France, Paris, L’Harmattan, 2022.

43 Bank Muñoz C., Kenny B., Stecher A., “Situating Walmart in a Global Context: Workplace Cultures, Labor Organizing, and Supply Chains”, in Bank Muñoz C., Kenny B., Stecher A. (eds.), Walmart in the Global South. Workplace Culture, Labor Politics, and Supply Chains, Austin, University of Texas Press, 2018, p. 14.

44 Atzeni M., Kenny B., “The Labour Process and Workers’ Rights at Mercado Libre: Hiding Exploitation Through Regulation in the Digital Economy”, Future of Work(ers) SCIS Working Paper, Southern Centre for Inequality Studies, Wits University, 2021.

45 Royle T., “Just Vote No! Union-busting in the European Fast-Food Industry: the Case of McDonald’s”, Industrial Relations Journal, vol. 33, n°3, 2002, pp. 262-278.

46 Massimo F., “A Struggle for Bodies and Souls: Amazon Management and Union Strategies in France and Italy”, in Alimahomed J., Reese E. (eds.), The Cost of Free Shipping…op. cit., pp. 129-144. Pour une autre analyse des formes de résistance au travail dans le secteur logistique en France et en Italie, cf. Benvegnù C., Tranchant L., « Warehousing consent ? Mobilité de la main-d’œuvre et stratégies syndicales au principe d’une conflictualité différenciée dans les entrepôts italiens et français », Travail et emploi, vol. 162, n°3, 2020, pp. 47-69.

47 Bosvieux-Onyekwelu C., Boussard V., « Moraliser le capitalisme ou capitaliser sur la morale ? », Actes de la recherche en sciences sociales, n°241, 2022, pp. 4-15.

48 Entre autres exemples, voir Bereni L., Le management de la vertu : la diversité en entreprise à Paris et à New-York, Paris, Presses de Sciences Po, 2023.

49 Barraud de Lagerie P., Mias A., Phé C., Servel L., « L’accord d’entreprise mondial, instrument de politiques pour les groupes transnationaux », La Revue de l’Ires, 2020, vol. 101-102, n°2-3, pp. 127-148.

50 Chauvin S., Jounin N., « L’externalisation des illégalités : ethnographie des usages du travail temporaire à Paris et Chicago », in Fontaine L., Weber F. (dir.), Les paradoxes de l’économie informelle. A qui profitent les règles ?, Paris, Karthala, 2011, p. 113-138.

51 Barraud de Lagerie P., Les patrons de la vertu. De la responsabilité sociale des entreprises au devoir de vigilance, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2019.

52 Delpech Q., Mobilisations syndicales et violences au Sud. Protester dans les usines de la sous-traitance internationale au Guatemala, Paris, Karthala, 2014.

53 Dubuisson-Quellier S., Gouverner les conduites, Paris, Presses de Sciences Po, 2016.

54 La directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité a été présentée par la Commission européenne en février 2022, votée par le Parlement en juin 2023 et devait être formellement adoptée en 2024. Sur le cas français, voir le dossier que lui a consacré la revue Droit et société, vol. 106, n°3, 2020.

55 Castree N., Coe N. M., Ward K., Samers M., Spaces of Work. Global Capitalism and the Geographies of Labour, Londres, SAGE Publications, 2005, pp. 127-156.

56 Palomino H., Gurrera M., “La adaptación de las firmas multinacionales al sistema de relaciones laborales. La autonomía de las filiales argentinas y la presencia sindical en los lugares de trabajo”, in Novick M., Palomino H. (dir.), Multinacionales en la Argentina. Estrategias de empleo, relaciones laborales y cadenas globales de valor, Buenos Aires, Ministerio de Trabajo, Empleo y Seguridad Social, 2011, pp. 159-192.

57 Barraud de Lagerie P., Les patrons de la vertu…op. cit.

58 Gayer L., Le capitalisme à main armée. Caïds et patrons à Karachi, Paris, CNRS Éditions, 2023.

59 Millan M., Saluppo A. (eds.), Corporate Policing, Yellow Unionism, and Strikebreaking, 1890-1930. In Defence of Freedom, Londres et New York, Routledge, 2020. Sur l’antisyndicalisme, voir aussi Gall G., Dundon T. (eds.), Global Anti-Unionism. Nature, Dynamics, Trajectories and Outcomes, Basingstoke et New York, Palgrave McMillan, 2013.

60 Delpech Q., « L’impunité comme mode d’accumulation économique : relations professionnelles, investissements étrangers et illégalités au Guatemala », Problèmes d’Amérique Latine, 2014, vol. 3., n°94, pp. 49-63.

61 « L’entreprise comme acteur politique », Entreprises et histoire, vol. 104, n°3, 2021.

62 Grajales J., Vadot G., « Entreprises, territoires et pouvoir politique : localiser l’analyse du capitalisme extractif », Politix, vol. 33, n°132, 2020, pp. 7-21.

63 Buu-Sao D., Le capitalisme au village. Pétrole, État et luttes environnementales en Amazonie, Paris, CNRS Éditions, 2023.

64 Gorbach D., « Hégémonie industrielle et économie morale… », op. cit.

65 « Entreprises ancrées, États en jeu ? », Politix, n°132, 2020.

66 « Salariats d’en bas », Cahiers d’études africaines, vol. 245-246, n°1-2, 2022.

67 « Citoyenneté industrielle et formes du lien syndical », Critique internationale, n°87, 2020. Voir aussi Durrenberger E.P., Uncertain Times. Anthropological Approaches to Labor in a Neoliberal World, Boulder, University Press of Colorado, 2017.

68 Caire G., Entreprises multinationales et relations professionnelles, 2 tomes, Paris, CRESST, 1980 ; Descolonges M., Saincy B. (dir.), Les nouveaux enjeux de la négociation sociale internationale, Paris, La Découverte, 2006 ; Ford M., Gillan M., “The Global Union Federations in International Industrial Relations: A Critical Review”, Journal of Industrial Relations, 2015, vol. 57, n°3, pp. 456-475 ; Bourguignon R., Garaudel P., Porcher S., “Global Framework Agreements and Trade Unions as Monitoring Agents in Transnational Corporations”, Journal of Business Ethics, vol. 165, n°3, 2020, pp. 517-533.

69 Harrod J., O’Brien R., Global Unions? Theory and Strategies of Organized Labour in the Global Political Economy, Londres et New York, Routledge, 2002 ; Fairbrother P., Hennebert M.-A., Lévesque C. (eds.), Transnational Trade Unionism. Building Union Power, Londres et New York, Routledge, 2013.

70 Hall P., Soskice D., Varieties of Capitalism: The Institutional Foundations of Comparative Advantage, Oxford, Oxford University Press, 2001.

71 Frege C., Kelly J., Varieties of Unionism: Strategies for Union Revitalization in a Globalizing Economy, Oxford, Oxford University Press, 2004.

72 Brookes M., McCallum J., “The New Global Labour Studies: A Critical Review”, Global Labour Journal, vol. 8, n°3, 2017, pp. 201-218.

73 Braverman H., Travail et capitalisme monopoliste…op. cit.

74 Atzeni M., Workplace Conflict. Mobilization and Solidarity in Argentina, Basingstoke et New York, Palgrave McMillan, 2010.

75 Carbonell J.S., « Harry Braverman et la critique de l’organisation du travail. Préface à l’édition 2023 », in Braverman H., Travail et capitalisme monopoliste…op. cit., p. xxv.

76 Quijoux M., Yon K., « Servir l’entreprise pour mieux défendre les salarié·es ? Les formes plurielles du syndicalisme d’entreprise dans une multinationale d’articles de sport », Actes de la recherches en sciences sociales, à paraître.

77 Allal A., Yon K., « Citoyennetés industrielles, (in)soumissions ouvrières et formes du lien syndical : pour une sociologie politique des relations de travail », Critique internationale, 2020, vol. 2, no87, pp. 15-32.

78 Ibid., p. 23.

79 Yon K. « Politiser le travail ou l’entreprise ? Trois registres de citoyenneté industrielle », Sociologie du travail [En ligne], vol. 64, n°4, 2022, mis en ligne le 1er décembre 2022, consulté le 24 octobre 2023.

80 Giraud B., « Des conflits du travail à la sociologie des mobilisations : les apports d’un décloisonnement empirique et théorique », Politix, vol. 86, n°2, 2009, pp. 13-29.

81 Dukes R., Streck W., Democracy at Work…op. cit.

82 Atzeni M., “Workers’ Organizations and the Fetishism of the Trade Union Form: Toward New Pathways for Research on the Labour Movement?”, Globalizations, 2021, vol. 18, n°8, 2021, pp. 1349-1362.

83 Allal A., Yon K., « Citoyennetés industrielles, (in)soumissions ouvrières et formes du lien syndical… », op. cit., p. 26.

84 Simeant J. (dir.), Guide de l’enquête globale en sciences sociales, Paris, CNRS Éditions, 2015 ; Bonelli L., Jeanpierre L., « L’économie, l’international et la sociologie : combinaisons et variations », Cultures & Conflits, n°108, 2017, pp. 7-14.

85 Wagner A.-C., « Syndicalistes européens. Les conditions sociales et institutionnelles de l’internationalisation des militants syndicaux », Actes de la recherche en sciences sociales, n°155, 2004, pp. 12-33.

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Pour citer cet article

Référence papier

Pierre Rouxel et Karel Yon« Engagements au travail et capitalisme transnational »Cultures & Conflits, 130 | 2023, 7-21.

Référence électronique

Pierre Rouxel et Karel Yon« Engagements au travail et capitalisme transnational »Cultures & Conflits [En ligne], 130 | été 2023, mis en ligne le 26 décembre 2023, consulté le 02 octobre 2024URL : http://journals.openedition.org/conflits/24772 ; DOI : https://doi.org/10.4000/conflits.24772

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Auteurs

Pierre Rouxel

Pierre Rouxel est maître de conférences en science politique à l’Université Rennes 2 et membre du laboratoire Arènes. Ses recherches portent principalement sur les dynamiques d’engagement et de participation dans les mondes du travail en France, en Argentine et au Mexique.

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Karel Yon

Karel Yon est chargé de recherche en sociologie au laboratoire IDHES (Université Paris-Nanterre, CNRS). Ses travaux portent sur le syndicalisme, les politiques du travail et la démocratie sociale en France, aux États-Unis et au Mexique.

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A LIRE sur POUR les deux premiers épisodes de la série.
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