Des réformes d’ampleur sont donc encore possibles en Belgique.
La Belgique se dote d’un nouveau code pénal. Tout le monde s’accorde à reconnaître que c’était une nécessité autant qu’une gageure. Cet aboutissement est à mettre au crédit des experts, de plusieurs ministres de la Justice successifs et des parlementaires. Des réformes d’ampleur sont donc encore possibles en Belgique.
Le droit pénal est un outil précieux pour lutter contre les discours de haine, les délits de haine et certaines discriminations. En raison de notre mandat tiré de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, nous avons porté, ces dernières années, une attention particulière aux personnes internées. Celles-ci sont bien en situation de handicap au sens de la Convention ONU.
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Nous avons dès lors suivi tout le processus de nouvelle codification avec attention : sur les questions de discriminations, d’une part, et sur les réponses apportées aux infractions commises par des auteurs avec un trouble psychique, d’autre part. Quel bilan pouvons-nous en tirer ?
Nous nous félicitons notamment de l’harmonisation opérée avec les législations contre les discriminations, comme la liste et la dénomination des critères protégés, la prise en compte de la discrimination par association, de l’intersectionnalité… Nous nous réjouissons également que la différence entre les infractions spécifiques aux critères dits raciaux et celles concernant les autres critères (handicap, âge, orientation sexuelle, convictions, etc.) ait été gommée tant dans le délit d’association (appartenance à un groupe qui prône de manière manifeste et répétée la discrimination ou la ségrégation), que dans les domaines de l’emploi ou des biens et services. Puisse cette évolution inspirer les parlementaires pour enfin revoir l’article 150 de la Constitution permettant la correctionnalisation de tous les délits de presse à caractère haineux et mettre ainsi fin à cette discrimination insupportable entre le racisme et les autres formes de haine telles que l’homophobie, le sexisme ou le validisme.
Des inégalités incompréhensibles pour les victimes
Cependant, nous regrettons l’occasion manquée d’étendre les “éléments aggravants” liés au mépris, à l’hostilité ou à la haine à l’égard d’une victime à toutes les infractions plutôt qu’à un catalogue non exhaustif. Une fois encore, traiter différemment le mobile haineux en fonction de l’acte commis conduit à des inégalités incompréhensibles pour les victimes.
Les nouvelles dispositions qui concernent les auteurs avec un trouble psychiatrique sont particulièrement préjudiciables
Par ailleurs, nous estimons que les nouvelles dispositions qui concernent les auteurs avec un trouble psychiatrique (traitement sous privation de liberté, suivi prolongé et nouvelle mesure de sûreté) sont particulièrement préjudiciables.
Premièrement, au regard de la Convention ONU, ces mesures sont intrinsèquement liées à la présence d’un trouble psychiatrique et se fondent dès lors sur le critère de la déficience. Elles demeurent donc discriminatoires par nature.
Deuxièmement, au regard de la sécurité juridique, le texte de loi ne différencie pas avec précision les critères qui définissent le recours à l’internement ou le recours au traitement sous privation de liberté. Ainsi, le manque de clarté dans les critères d’application expose le justiciable à une mise en œuvre différenciée de la loi selon l’interprétation qu’en fera le juge.
La loi s’inscrit dans une approche purement sécuritaire
Troisièmement, au regard du principe de proportionnalité, la mesure de sûreté impose une privation de liberté à durée indéterminée à une catégorie de personnes qui ont déjà purgé la totalité de leur peine. Ce faisant, la loi s’inscrit dans une approche purement sécuritaire.
Enfin, la mise en œuvre des différentes réformes est irréaliste dans le contexte actuel au vu du manque de places dans les lieux de soins et la pénurie du personnel soignant.
Contraires aux dispositions de la Convention ONU et aux principes constitutionnels d’égalité et de non-discrimination, ces mesures mériteraient d’être contestées devant la Cour constitutionnelle.
Patrick Charlier,
Directeur d’Unia, le centre pour l’égalité des chances
Source : La Libre Belgique