A cet égard, il est permis de se demander si le gouvernement flamand lit ses propres rapports… Le premier « Monitoring du soutien à la transition climatique au sein de la population flamande » réalisé par le Vlaams Planbureau voor Omgeving (Agence flamande de planification environnementale) a été publié récemment. Les résultats de cette étude confirment exactement le contraire de ce que l’on prétend sans cesse, en l’occurrence qu’une politique climatique ambitieuse ne susciterait pas l’enthousiasme. Trois quarts des sondés ont ainsi affirmé être tout à fait prêts à s’investir dans une approche ferme de la crise climatique. Ce monitoring confirme ce que les enquêtes internationales ont déjà démontré à maintes reprises. Dans une étude évaluée par des pairs et publiée par
, près de 90 % des citoyens belges indiquent qu’ils considèrent une politique climatique ambitieuse comme importante et que leur gouvernement devrait en faire plus pour lutter contre la crise climatique.
On peut se demander combien d’études il faudra pour finalement prendre au sérieux la conclusion qui en résulte systématiquement : oui, les gens sont préoccupés par la crise climatique et oui, ils pensent que les gouvernements doivent et peuvent en faire plus. Pour le « peuple », que les politiciens écoutent si volontiers en période électorale, l’action climatique pourrait être nettement plus ambitieuse. C’est exactement ce que le Collège des juges de la Cour d’appel de Bruxelles a imposé aux différents gouvernements belges dans son arrêt climat du 30 novembre 2023. D’ici à 2030, les émissions de gaz à effet de serre du pays doivent être réduites d’au moins 55 % par rapport aux émissions de 1990. Dans six ans, donc.
De nombreuses victimes collatérales
Ce recours montre que le gouvernement flamand se fourvoie dans le ralentissement et l’atermoiement.
Alors que la Région de Bruxelles-Capitale et le gouvernement fédéral ont accepté l’arrêt, la Région flamande est la seule à avoir introduit un pourvoi en cassation. Ce recours n’a pas d’effet suspensif, mais il montre que le gouvernement flamand se fourvoie dans le ralentissement et l’atermoiement. Le caractère faisable et payable est le mantra auquel s’accroche coûte que coûte ce gouvernement. En réalité, ce sont précisément ces manoeuvres dilatoires qui font grimper les coûts. D’abord et avant tout, celui des vies perdues. Entre 1980 et 2020, 138.000 personnes sont déjà mortes dans l’Union européenne en raison de catastrophes climatiques telles que les inondations, les tempêtes et surtout les vagues de chaleur. Des milliers d’entre elles étaient belges. Ce sont les victimes collatérales de la crise climatique. C’est aussi le tribut humain que nous payons pour une politique défaillante.
En termes purement financiers, les avantages d’une politique climatique efficace l’emportent aussi largement sur les coûts croissants de l’inaction. Une politique climatique faisable et payable consiste à investir aujourd’hui pour éviter bien pire demain, et s’épargner, en outre, des dépenses inutiles. Le Sociaal-Economische Raad van Vlaanderen (SERV – Conseil économique et social de Flandre) a calculé que la diminution progressive de la consommation de pétrole et de gaz par les ménages et les entreprises permettrait d’économiser des milliards. En 2022, les ménages et les entreprises ont payé ensemble 21 milliards d’euros pour le pétrole et le gaz. Plus vite nous passerons à un système énergétique sans énergies fossiles, plus il nous restera de moyens financiers pour augmenter le bien-être ici. Nous serons alors également moins dépendants des pays producteurs de pétrole et mieux protégés des fluctuations imprévisibles des marchés internationaux de l’énergie.
Cessez ce sabotage continuel !
L’arrêt climat n’est donc en aucun cas une attaque contre la prospérité flamande, comme le prétendent les ministres flamands. Au contraire.
L’arrêt climat n’est donc en aucun cas une attaque contre la prospérité flamande, comme le prétendent les ministres flamands. Au contraire. D’autres études flamandes montrent, en effet, que l’objectif de réduction imposé est l’option la plus abordable. Dans le rapport PATHS2050 de fin 2023, Energyville a compilé les conclusions de deux cents chercheurs afin de baliser la voie la plus optimale en termes de coûts vers la neutralité climatique en 2050. À cet égard, le scénario le plus équilibré aboutit à une réduction de 57 % des émissions de CO
2 en 2030, soit 2 % de plus que ce que les juges ont imposé. Il en va de même pour le rapport 2021 du Service fédéral Changements climatiques, auquel ont collaboré les instituts de recherche CLIMACT et VITO. Le scénario le plus équilibré et le plus réaliste sur le plan technique prévoit une réduction d’un peu plus de 55 % en 2030. Le passage à une économie décarbonée crée, en outre, de nombreux nouveaux emplois. Une étude réalisée par l’administration fédérale en collaboration avec CLIMACT, la KULeuven et l’ULiège estime qu’à elle seule, elle générera une augmentation de 1 à 1,7 % de l’emploi en 2030. Des emplois utiles, en outre, grâce auxquels chacun contribue à un avenir où la santé, le cadre de vie, la qualité de l’alimentation, le confort du logement s’améliorent sans compromettre la vie sur cette planète.
Nous avons donc tout à gagner à cesser de tergiverser et à mettre en oeuvre l’Arrêt climat, comme tous les gouvernements de ce pays prévoient de le faire, à l’exception du gouvernement flamand. C’est plus que faisable et payable : le faire crée des emplois précieux et, avec le bon encadrement à propos duquel le Haut Comité pour une Transition Juste a rédigé un autre rapport à la fin de 2023, cette démarche a le potentiel de susciter une large adhésion.
La seule question que l’on peut se poser est la suivante : pourquoi la politique climatique flamande n’est-elle pas fondée sur des faits démontrables, fournis par des administrations gouvernementales, souvent également flamandes ? Pourquoi les politiciens continuent-ils à saupoudrer le discours public de slogans non fondés sur le caractère soi-disant infaisable et impayable de la transition climatique ? Qui a intérêt au sabotage continuel d’une politique climatique ambitieuse ?
Des déclarations préjudiciables
La seule chose qui rend la transition climatique infaisable et impayable est précisément l’absence d’une politique approfondie en la matière.
Car la seule chose qui rend la transition climatique infaisable et impayable est précisément l’absence d’une politique approfondie en la matière. La seule chose qui nuit au soutien existant en faveur de l’action climatique est le fait que le gouvernement flamand le sape activement. De toute façon, il est toujours préjudiciable pour la démocratie d’alimenter un débat fondamental pour la société avec des déclarations non fondées. C’est d’autant plus inexcusable et nuisible lorsque de telles pratiques concernent une question sociétale où des vies sont en jeu.
Il est d’ailleurs frappant de constater que l’argument du caractère faisable et payable n’a pas été invoqué devant la Cour d’appel qui devait se prononcer spécifiquement sur les réductions d’émissions. Cela renforce le soupçon selon lequel le gouvernement flamand sait très bien que son mantra bien-aimé ne résisterait pas à un examen juridique. Toutes les études prouvent, en effet, exactement le contraire. Une politique climatique sans faits ne profite décidément à personne.
Carte blanche
Par Serge de Gheldere, Sarah Van Riel, Francesca Vanthielen, Dirk De Clippeleir, Johan Van Den Bosch, Lambert Schoenmaekers, Ignace Schops et Sarah Tak, pour l’Affaire Climat
Carte blanche reprise avec l’autorisation de Climaatzaak
Références :
– Opstart monitoring van het draagvlak inzake de klimaattransitie bij de Vlaamse bevolking, December 2023. Vansteenkiste, M., DeSmet, A., Morbée, S., Flamant, N., Waterschoot, J.
– Globally representative evidence on the actual and perceived support for climate action. Nat. Clim. Chang. 14, 253 – 259 (2024). Andre, P., Boneva, T., Chopra, F. et al.
– Vlaams Energie- en Klimaatplan 2021 – 2030, SERV-advies, 2023.
– PATHS 2050 – Scenarios towards a carbon-neutral Belgium by 2050, 2023. Laguna J. C., Moglianesi A., Vingerhoets P., Nijs W. & Lodewijks P.
– Scenario’s for a climate neutral Belgium by 2050, FPS Public Health – DG Environment Climate Change Section, 2021.
– Just Transition in Belgium : Concepts, Issues at Stake, and Policy Levers. Scientific report on behalf of the High Committee for a Just Transition, Brussels : November 2023. Fransolet, A. & Vanhille, J. (eds.)
– Implications of the climate transition on employment, skills, and training in Belgium, June 2023. Lacroix, V., Bachus, K., Pichault, F., e.a.