Ce jeudi 8 juin avait lieu des élections législatives anticipées au Royaume-Uni. Theresa May souhaitait ces élections pour renforcer sa majorité dans le cadre des négociations du Brexit mais tout ne s’est pas passé comme prévu…
Si le parti conservateur arrive en tête des votes, les résultats sont pourtant loin d’être satisfaisants pour le parti de la Première ministre. Avec 318 sièges, contre 261 pour le Labour, les Tories perdent 12 sièges et leur majorité absolue. Ces résultats font suite à une campagne désastreuse des conservateurs où Theresa May a multiplié les maladresses comme par exemple son revirement suite à la révélation de sa Dementia Tax portant sur les soins de santé des personnes âgées ou son refus de participer à un débat télévisé avec les autres présidents de partis.
A contrario, Jeremy Corbyn a mené une très bonne campagne basée sur des propositions solides et populaires: nationaliser les chemins de fer (mais aussi la poste et l’eau), réinvestir dans les soins de santé et l’éducation, interdire l’extraction de gaz de schiste, augmenter les salaires des fonctionnaires et le salaire minimum dans le secteur privé, remettre en question l’OTAN… Son slogan: «For the many not the few» traduisait clairement cette volonté de rompre avec la logique néolibérale qu’incarne le parti conservateur mais aussi la vieille garde blairiste du Parti travailliste. Incarnant l’aile gauche de son parti, le député d’Islington-Nord connaît un véritable succès auprès des jeunes à l’instar de Bernie Sanders aux Etats-Unis ou Jean-Luc Mélenchon en France. Selon l’agence Sky Data, 63% des votants ayant entre 18 et 34 ans auraient préféré le Labour aux Tories.
Outre l’échec de la stratégie électoraliste qu’a tenté de mener Theresa May, cette élection révèle une tendance de fond visible dans plusieurs pays européens. Le néolibéralisme est de plus en plus contesté et de manière plus significative encore par la jeunesse européenne. En juin 2016, plus de 31% des Espagnols de 18-24 ans et plus de 35% des 25-34 ans ont voté pour Podemos, contre 15% en moyenne pour les autres formations politiques dans cette catégorie d’âge. A la présidentielle française, c’est Jean-Luc Mélenchon qui trônait en haut du podium chez les 18-24 ans avec 30% devant Marine Le Pen (21 %) et Emmanuel Macron (18 %).
Présenté par les libéraux comme un des modèles à suivre en terme de flexibilisation de l’emploi, le pays du tristement célèbre TINA (There is no alternative) de Margaret Thatcher est aujourd’hui ébranlé. Le succès croissant de Jeremy Corbyn démontre que la crédibilité de la gauche se construit sur base d’une véritable alternative plutôt que sur une version édulcorée des programmes de libéralisation et d’austérité. Par ailleurs, cette alternative génère de l’optimisme et de l’engagement comme en témoignent de nombreux commentaires sur les réseaux sociaux et les 100.000 nouvelles inscriptions au parti depuis le début de l’année.
Plus affaiblie qu’avant la campagne, la Première ministre a renoncé à démissionner contrairement à ce qu’elle avait posté sur facebook en cas de perte de sa majorité. Elle a annoncé la formation d’un nouveau gouvernement et compte pour ce faire sur le soutien du parti unioniste nord-irlandais (DUP) qui a engrangé 10 sièges au Parlement. Une telle alliance lui permettrait certes d’atteindre une courte majorité mais pas de masquer la fragilité de son futur gouvernement et d’un modèle économique dépassé et décrié.