Services publics en Europe: Une politique ordolibérale cohérente

Épisode 1

Quelle est l’idéologie à la source de la construction européenne telle que nous la connaissons ? Une question qui amène souvent des réponses floues et des contresens alimentant une grande confusion ou tout simplement une germanophobie déplacée. Dans cet article, Christian Laval explique en quoi les critiques faites à l’Union européenne ratent trop souvent leur cible. Un manque de connaissances des soubassements théoriques qui sous-tendent les décisions de l’Union européenne est à l’origine, selon lui, de ce manque de précision. L’ordolibéralisme, une école néolibérale allemande, serait donc la boussole idéologique de l’Union européenne, l’amenant de ce fait à détruire méthodiquement les services publics en les ouvrant à la concurrence à marche forcée.

La critique politique de l’Union européenne en matière de services publics manque en grande partie sa cible tant qu’elle ne souligne pas l’origine même de la politique européenne, sa matrice doctrinale et la logique de sa mise en œuvre. C’est dans l’ordolibéralisme qu’il faut aller chercher la cohérence d’une ligne qui a été constamment et rigoureusement tenue. Avec Pierre Dardot, nous avons montré en détail comment les « fondateurs » de l’Europe du marché avaient repris à leur compte les principes et les objectifs mêmes de cette école néolibérale allemande, à savoir la construction juridico-politique d’un ordre de marché concurrentiel, lequel ordre devait être « garanti » constitutionnellement afin d’assurer aux agents économiques un environnement stable en termes de contrats, de monnaie, de fiscalité, de propriété[1].

 

Les principes de l’ordolibéralisme, une pensée mal connue

Avant de parler de « destruction des services publics », il faut d’abord analyser un projet social. Cette « destruction » ou ce « démantèlement », si l’on veut utiliser ce lexique, n’est pas le résultat d’une volonté diabolique, mais l’effet d’une doctrine que la plupart des Européens ne connaissent pas parce qu’elle ne fait l’objet d’aucune discussion publique, ni même, en France notamment, d’aucun enseignement. Il est par exemple tout à fait remarquable que ni dans les lycées ni même dans les universités, elle n’est étudiée, et à peine est-elle citée dans les manuels les plus courants, et encore. Qui a entendu parler de Eucken, de Röpke, de Rüstow ou de Müller-Armack, sans doute les théoriciens clés du processus de la construction européenne ? À défaut de cette connaissance, on a parfois droit à une germanophobie détestable qui se refuse à voir que pratiquement toutes « les élites européennes », qu’elles soient de tendance conservatrice ou sociale-démocrate, ont largement repris à leur compte depuis le Traité de Rome de 1957 les préceptes ordolibéraux.


Publication autorisée de SILO, Agora des pensées critiques, média piloté par la Fondation Gabriel Péri, les Editions Sociales et La Pensée.

Source : https://silogora.org/services-publics-en-europe-une-politique-ordoliberale-coherente/

 

A lire sur le sujet.
● Article, SILO, Le confinement des entreprises publiques et des services publics dans un marché libre et concurrentiel (années 1950 – début des années 1980), mai 2024.

https://silogora.org/confinement-europeen-des-entreprises-publiques/

● Article, SILO, La marginalisation des entreprises publiques et des services publics comme acquis communautaire dans un Marché unique (fin des années 1980 et années 1990), mai 2024.

https://silogora.org/la-marginalisation-des-entreprises-et-services-publics2/

A lire sur le sujet.
●La défense du service public, nouvelle stratégie de la gauche unie, août 2024.

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