Nous reprenons ici le compte-rendu du Réseau de Soutien à l’Agriculture Paysanne de la manifestation du 17 avril.
Le Réseau de Soutien à l’Agriculture Paysanne (ReSAP) a pour but de soutenir l’agriculture paysanne et la souveraineté alimentaire à travers des actions et mobilisations collectives.
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Pourquoi ? Parce qu’en matière de spéculation foncière et d’utilisation des zones agricoles, la Wallonie ressemble aujourd’hui au far west : chevaux de loisir, monocultures de sapins de Noël, production énergétique,… De nombreux acteurs spéculent sur les terres agricoles et contribuent très largement à la flambée des prix des terres, parfois sans y produire un radis pour nous nourrir. Dans le cadre d’un marché non régulé, c’est simplement le plus offrant qui fixe le prix. Le far west, on vous dit !
A Aiseau-Presles, nous avons donc sorti les tracteurs, bannières et percussions pour accompagner près de 150 personnes – agriculteur·rice·s et citoyen·ne·s mêlé·e·s – vers le champs menacé pour y mener des actions symboliques afin de réclamer un moratoire sur l’agrivoltaïsme en Wallonie, et une régulation du marché foncier agricole. Parce que oui, en 2024, il est encore nécessaire de rappeler l’urgence de réguler le marché foncier pour permettre aux paysan·ne·s d’accéder à la terre et assurer notre souveraineté alimentaire.
Les panneaux sur les hangars, pas sur les hectares !
Nous avons joyeusement planté des pommes de terres sur la parcelle concernée par le projet de l’entreprise Ether Energy, et laissé une trace de notre passage en bordure du champ : des dizaines de pancartes incitant à ne pas tomber dans le panneau de l’agrivoltaïsme !
6 orateur·rice·s se sont ensuite succédé·e·s au micro pour exprimer les raisons de la mobilisation, mais aussi de la colère que le projet d’Ether Energy suscite. Des agriculteur·rice·s aux représentant·e·s de différents collectifs, en passant par les représentant·e·s de la commune qui s’oppose également au projet, tous·tes sont venu faire passer le message : les panneaux sur les hangars, pas sur les hectares ! Les énergies renouvelables ne doivent pas être mises en compétition avec la fonction nourricière des terres. D’autant que chaque hectare perdu ici est pris ailleurs et la distance parcourue par nos aliments augmente. Une agriculture paysanne, locale et nourricière participe à la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre.
Un message d’autant plus pressant que le cas d’Aiseau-Presles est loin d’être isolé, puisque des projets similaires se multiplient partout en Wallonie : Bons-Villers, Chimay, Brugelette, Moha, ou Braine-l’Alleud. Le Comité local de Ath a pu profiter de la mobilisation à Aiseau-Presles pour prendre la parole et faire état du projet en cours dans leur région : l’installation de 22’000 panneaux photovoltaïques sur 17 hectares de terres agricoles.
Valentine Jacquemart, éleveuse et administratrice à la FUGEA, a martelé ce message :
La terre est notre premier outil de travail ! Dans un marché foncier agricole dérégulé comme en Wallonie, l’attractivité financière de l’agrivoltaïsme participe à la hausse des prix. Aujourd’hui, elle est déjà impayable. Et les prix des produits agricoles sont trop faibles pour permettre à un agriculteur de rentabiliser l’achat de terres sur le temps de sa carrière.
Il est urgent de protéger la fonction nourricière des terres. En plus d’un moratoire sur l’agrivoltaïsme, la Région wallonne doit de doter d’outils pour maîtriser l’évolution des prix et de garder les terres aux mains des agriculteurs. Plus on attend, plus ce sera compliqué à mettre en place.
De la nourriture pour les ventres et les têtes : convivialité, courses de cuistax et ateliers de réflexion
La journée de mobilisation s’est poursuivie autour d’un bon repas paysan concocté par le Début des Haricots et d’activités autour l’accès à la terre. Au programme ? En fonction de vos envies, vous étiez invité·e·s à prendre part à des ateliers de réflexion thématiques ou … de vous lancer dans une course de cuistax effrénée dans les rues de Presles pour contrer l’implantation de panneaux photovoltaïques sur des terres agricoles.
Voir la galerie photo de la journée
La Journée Internationale des Luttes Paysannes : à Aiseau-Presles et ailleurs !
Comme chaque année, le 17 avril, c’est la Journée Internationale des Luttes Paysannes. Cette journée commémore un triste événément de l’année 1996 : l’assassinat de 19 paysans brésiliens du “mouvement des travailleurs sans-terre” par des milices paramilitaires. Cette date offre donc l’occasion pour le Réseau de soutien à l’Agriculture Paysanne (RESAP) et ses alliés de dénoncer les impasses du système agro-productiviste, comme le font les sans-terre, et de clamer haut et fort leur soutien aux agriculteur·trice·s qui proposent des alternatives comme l’agroécologie.
Le ReSAP s’est concentré à Presles cette année, mais des actions ont été organisées partout en Belgique pour marquer cette journée importante, et les enjeux qui y sont liés :
Dans la province du Luxembourg
- sur le site de la Petite Foire Paysanne avec la traditionnelle plantation de patates qui seront récoltées le dernier week-end de juillet, quand les festivités de la Petite Foire batteront leur plein
- à l’Espace Florenville avec la projection en première vision du film “Intensif : ces agriculteurs alliés de la terre”
Dans la province de Namur
- A la Casserole lors d’une journée d’activités et d’échanges autour de la préservation des terres agricoles.
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Dans la province de Liège
- au Clos Mercator avec une soirée débat du Festival Nourrir Liège, consacrée à l’interpellation des différents partis politiques francophones concernant la transition agroécologique et solidaire de nos systèmes alimentaires. Les enjeux d’accès à la terre étaient évidemment au centre des échanges !
- Et à l’aéroport de Liège dans le cadre du Festival Nourrir Liège,une après-midi consacrée à l’exploration d’un projet qui bétonnise les terres agricoles.
En Région bruxelloise
- sur la place Sainte-Croix : une mobilisation destinée à rappeler que le système alimentaire actuelle est dans l’impasse, et que des mesures structurelles sont nécessaires pour répondre à la précarité des mangeur·euse·s et des agriculteur·rice·s
- au DK : la soirée Grand Débat du Festival Nourrir Bruxelles, consacrée aux réponses que l’Europe apporte (ou non) à la colère agricole qui s’exprime depuis des mois dans les rues