Quelle agriculture pour l’Europe ?

Ce 26 mai, dans 28 pays, les élections européennes ont façonné le nouveau visage du Parlement européen pour les 5 années à venir. Parmi les compétences européennes, celle qui dispose du budget le plus important est la politique agricole, via la PAC (Politique Agricole Commune). On doit hélas constater que, jusqu’à présent, les institutions européennes n’ont pas du tout soutenu l’agriculture paysanne traditionnelle qui, pourtant, de l’avis de la plupart des experts du secteur, est la mieux à même de résister aux dégradation de l’environnement menacé par le dérèglement climatique et la perte la biodiversité. Et voilà qu’en Belgique, une réforme législative déforce encore les perspectives de survie d’une agriculture qui ne soit pas industrielle.

Le Mouvement d’Action Paysanne, le MAP, est en Belgique, un de ceux qui défend le plus vaillamment les droits économiques et sociaux des paysans traditionnels. Il vient d’envoyer un communiqué[1] dans lequel il dénonce une Loi qui ne tient aucun compte des dures réalités subies par les paysans et qui, conjuguée à la logique productiviste européenne, met encore plus en danger ceux qui font vivre nos campagnes.

POUR relaie qui s’est recréé au départ pour dénoncer la logique mortifère des traités internationaux de libre-échange, autres fossoyeurs de l’agriculture européenne, relaie donc naturellement, ci-dessous, le texte du MAP qui révèle une mesure qui prouve que la recherche du profit et de la productivité l’emporte encore et toujours sur la qualité de l’environnement et de la vie des travailleurs de la terre que sont les paysans.

Le nouveau bail à ferme est voté…
La terre reste un problème !

Le nouveau bail à ferme tient peu compte de l’environnement et de la biodiversité, alors que les scientifiques tirent une ultime sonnette d’alarme à ces niveaux.

La réforme du bail à ferme a été votée ce 30 avril 2019, tout juste avant la fin de la législature. Si de nombreux points d’adaptation sont salutaires, comme l’écriture des baux, le bail de carrière, celui de fin de carrière et d’autres adaptations…, force est de constater que les clauses environnementales ne figurent qu’à la marge dans cette nouvelle loi. Et pour cause : les pressions de tout genre, notamment de la Fédération Wallonne de l’Agriculture, ont été faites pour que cette clause soit écartée et ce en invoquant la liberté de culture.

Le MAP ne partage pas ce point de vue !

Nous pensons qu’il aurait fallu inscrire dans le marbre la possibilité de proscrire les produits phytosanitaires de synthèse, voire les OGM (si l’UE les autorise un jour) pour les bailleurs qui le souhaitent. De nombreux chercheurs nous montrent l’impact et les limites des pratiques agricoles de type industriel, qui utilisent des produits néfastes pour l’environnement et la biodiversité.

Lors de la rencontre de Paris de ce début mai 2019, les scientifiques et les diplomates de plus de 132 pays qui se réunissaient pour faire l’évaluation mondiale des écosystèmes de ces dernières années, ont tous tirés la sonnette d’alarme. Au premier jour du sommet, Robert Watson, président de l’IPBES, dresse un constat alarmant : « Les preuves sont incontestables : notre destruction de la biodiversité et des services écosystémiques a atteint des niveaux qui menacent notre bien-être au moins autant que les changements climatiques induits par l’Homme ». Tous incriminent les pratiques de l’agriculture intensive et préconisent de revoir notre façon de produire avec moins d’intrants de la chimie et moins d’importations.

Dans la situation qui nous préoccupe, il aurait été bien opportun d’inscrire dans cette réforme du bail à ferme, la possibilité pour ceux qui le souhaitent d’intégrer des méthodes positives, avec comme objectif de maintenir des sols vivants et de tendre vers des pratiques de type agroécologique. La clause environnementale aurait été une ouverture de progrès pour le bien-être collectif et pour les générations futures. De plus, cette réforme ne modifie pas l’utilisation des DPB (Droit au Paiement de Base), qui sont des primes de l’UE. Celles-ci sont attribuées à l’hectare, sans plafond et permettent aux grands propriétaires de toucher ces subsides et d’avoir toujours plus de moyens pour s’agrandir et acquérir les terres des voisins. Ainsi, 80% de ces primes ne bénéficient qu’à 20% des agriculteurs. Les petits paysans ne possédant pas assez d’hectares pour bénéficier de ces aides !

En conclusion, la réforme du bail à ferme aurait dû permettre aux bailleurs d’inclure, dans les baux à venir, une clause environnementale. Les enjeux du climat et de la préservation de la biodiversité sont des enjeux majeurs, qu’il faut prendre en compte. Cependant, le bail à ferme n’est qu’une partie des questions liées à la terre. La terre est un bien précieux, l’artificialisation de la terre doit être stoppée !

Elle doit être accessible à ceux qui la cultivent. Les DPB devraient être attribués à l’actif et non à l’hectare. Les politiques agricoles devraient donner une orientation vers une utilisation de la terre durable.

En tant que défenseurs de l’agriculture paysanne, nous affirmons que la terre est un bien commun et précieux. Dès lors, tout doit être fait pour éviter sa dégradation.

Le MAP, 21 mai 2019

[1] Le MAP-EPI asbl, Chaussée de Wavre, 37 à 5030 Gembloux. Contact Presse – Bail à Ferme : Henri Lecloux – leclouxhenri@gmail.com / 0491 17 03 28 – Secrétaire du Bureau exécutif : Johanne Scheepmans – johanne@lemap.be / 0487 89 47 71.