Carte blanche publiée sur le site du journal Le Soir le 23 septembre 2024.
Le Gouvernement wallon relègue l’alimentation au second plan. Or, les systèmes alimentaires doivent évoluer pour répondre aux enjeux économiques, humains et sociaux des Wallon.ne.s. Par cette lettre ouverte, 99 cosignataires demandent une véritable politique intégrée de l’alimentation en collaboration avec tous les acteur.ice.s, avec des ambitions et moyens à hauteur des enjeux.
Les enjeux de notre alimentation sont primordiaux et interconnectés. Ils nécessitent une politique qui intègre et coordonne tous les secteurs – santé, emploi, formation, agriculture, économie, social, environnement – et la mise en application des principes de sécurité et souveraineté alimentaires.
L’état alarmant de notre santé le justifie. En Belgique, près de 50 % de la population est en surpoids et nous sommes le 4e pays européen où le cancer frappe le plus (2). L’alimentation est un facteur déterminant de la santé. Or elle est une variable d’ajustement dans le budget de plus en plus de ménages. Il est symptomatique que depuis 4 ans (3), les quantités d’aliments bio achetés en Wallonie soient en recul. Pensant faire une économie sur la nourriture, nous la payons pourtant deux fois. Des études (4) démontrent les coûts cachés de notre alimentation. Pour un euro dépensé dans l’alimentation, la collectivité en paie autant en soins de santé (0,5€), en dégâts sur l’environnement (0,3€) et en perte d’emplois (0,2€).
L’indispensable soutien aux agriculteur·trice·s et aux actions pour l’environnement
Notre sécurité alimentaire est menacée par la disparition de la profession agricole et par la faible part de nos surfaces agricoles vouée à l’alimentation des Wallon.nes. Sur les 30 dernières années, la Wallonie a perdu 57 % de ses exploitations (5) et risque d’en perdre encore 56 % dans les 10 prochaines années. Par ailleurs, seuls 16 % de la production agroalimentaire wallonne nourrissent nos citoyens (6). Il est donc vital de soutenir nos agriculteur·ice·s et leur fonction nourricière.
L’objectif, c’est l’accès à une nourriture de qualité pour tou·te·s les Wallon·ne·s, en priorité à base de produits locaux et qui permet aux agriculteur·ice·s et acteur·ice·s des filières de vivre dignement. La mondialisation du marché des matières premières agricoles est gangrenée par la spéculation et le nivellement par le bas des prix et de la qualité. Elle a atteint ses limites. Le blocage de l’échangeur de Daussoulx par les tracteurs en témoigne. Et dans le même temps, on vient de dépasser le nombre de 600.000 personnes recourant à l’aide alimentaire en Belgique (7).
La dégradation environnementale s’accélère de manière exponentielle. Le nombre d’oiseaux, d’insectes et de vers de terre a diminué de plus de 80 % ces cinquante dernières années. Or sans les insectes pour polliniser les cultures et fertiliser les sols, nous allons dans le mur. Nos sols wallons accusent déjà un manque de matière organique dans 90 % des surfaces sous culture (8).
Impliquer toutes les parties prenantes
Pour maîtriser ces enjeux majeurs, il faut impliquer l’ensemble des parties prenantes. En 2019, au terme des assises de l’alimentation durable, le Parlement wallon a voté la stratégie Manger Demain, portée par un Gouvernement MR-CdH et votée à l’unanimité. Elle fut ensuite mise en œuvre par le Gouvernement PS-MR-ECOLO, avec notamment la création du Collège wallon de l’Alimentation Durable, le plan d’action Food-Wallonia d’après Covid, le Green Deal cantines durables ou encore des soutiens à la relocalisation de l’alimentation. Les citoyen·ne·s montrent leur engagement en s’impliquant au sein des Conseils de Politique Alimentaire, des festivals « Nourrir » ou encore des coopératives en circuit court. Toutes ces initiatives – et bien d’autres – sont déjà actrices d’une évolution nécessaire, concrète et transformatrice de nos systèmes alimentaires.
Par cette lettre, nous demandons au Gouvernement wallon de poursuivre le travail important entamé depuis 2018 et d’établir une véritable politique intégrée de l’alimentation en collaboration avec tou·te·s les acteur·ice·s, avec des ambitions et des moyens à la hauteur des enjeux.
(1) A propos de la DPR, voir l’analyse réalisée par FIAN.
(2) Voir à ce propos l’article consacré à cette maladie sur le site de la Société scientifique de médecine générale.
(3) Chiffres Du Bio sur biowallonie.com, voir page 30.
(4) « Coûts cachés et juste prix de notre alimentation » sur academie-agriculture.fr
(5) Voir le site de Terre en Vue.
(6) Voir le Cahier de la prospective de l’IWEPS n°8, « La sécurité et la souveraineté alimentaire de la Wallonie : un questionnement prospectif ».
(7) #Investigation : « L’aide alimentaire soutient 600.000 personnes en Belgique », « sans nous, certains ne mangeraient pas » – RTBF Actus et L’aide alimentaire en Belgique | FDSS.
(8) Voir notamment le Diagnostic environnemental de la Wallonie 2024, p.51.
*Signataires : CCRéAlim, Ceinture Alimentaire Charleroi Métropole (CATM), Ceinture Aliment-Terre Liégeoise (CATL), Réseau Aliment-Terre de l’arrondissement de Verviers (RATaV), Collectif 5C, FUGEA, UNAB, Biowallonie, NATAGORA, Coalition Santé, Cellule Environnement de la Société Scientifique de Médecine Générale, UPDLF – Les diététicien.ne.s, Eneo Verviers, CONCERT ES, FGTB wallonne, CAL Liège, ConsomAction, Histoire d’un grain, CIEP de Verviers, Fédération MOC de Verviers, Les coopératives membres du Collectif 5C : Agricovert, Bab’l Market, BEES coop, Bettie, Bloum, CABAS, CAROLOSTORE, Circuits Paysans, Cocoricoop, Comptoir Paysan, Coopéco, CoopESEM, Coquelicoop, EpiCoeur, Fermes en vie, Halle de Han, La Botte Paysanne, La COOF, La Coop Alimentaire, La débrouillardise villageoise & Epicentre, La Ferme Larock, La Mauvaise Herbe, La Walhinette, Li Terroir, Macavrac, Mangez Fermier, Nos Racines, Oufticoop, P’tite Ruche, Paysans-Artisans, R.E.L.A.I.S, Réseau Paysan, Réseau RADIS, Terre d’Herbage, Unis Verts Paysans, Vervîcoop, Vivre à Ligny, wAnderCoop, WooCoop, SAW-B, Solidairement asbl, GAL Pays des 4 Bras, Empreinte BW (CREDAL ASBL), Ceinture alimentaire de Namur, Ceinture alimentaire du Tournaisis, CNCD-11.11.11, OXFAM Magasins du Monde, HUMUNDI, Entraide et Fraternité, FIAN Belgium, Rencontre des Continents, CANOPEA, Terre en vue, Action Vivre Ensemble, Arsenic2, Compagnie Adoc, Brigades d’Actions Paysannes, MAP, Réseau des GASAP, Crabe asbl, Moulin-ecole mobile citoyen, Olivier De Schutter (Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits humains et l’extrême pauvreté), Pierre Ozer (Professeur à l’ULiège), Kevin Maréchal (Professeur en économie écologique à Gembloux Agro-Bio Tech/ULiège), Gaëtan Vanloqueren (Chercheur HEC/ULiège, Professeur invité à l’UCLouvain et ICHEC-Brussels Management School), Jean Luc Hornick (Professeur à l’ULiège), Nicolas Antoine-Moussiaux (Professeur à l’ULiège), Sybille Mertens (Professeure ordinaire à l’Université de Liège), Pierre Stassart (Professeur en Sociologie de l’Environnement à l’ULiège), Guénaël Devillet (Professeur à l’ULiège), Nicolas Dendoncker (Professeur à l’Université de Namur), Bernard Tychon (Professeur à l’ULiège), Jérôme Bindelle (Professeur à Gembloux Agro-Bio Tech de l’ULiège), Axelle Hogge (Professeure à l’ULiège), Virginie Xhauflaire (Professeure à l’ULiège), Lanzi Florence (Docteure en économie & gestion, Chercheuse à HEC/ULiège), Davide Arcadipane (Chargé de mission en alimentation durable chez ISoSL), Céline Martin (Cultures en Transition), Fabienne Nyssen (Coordinatrice du CPA de l’Arrondissement de Huy-Waremme).