Navalny vient d’être condamné à 2 ans et 8 mois de prison pour un motif fallacieux, révoquant le sursis sur l’affaire de la plainte d’Yves Rocher (et oui !) parce que le présumé coupable aurait enfreint les règles de son contrôle judiciaire puisque… il était en Allemagne sur autorisation du Kremlin pour se faire soigner après la tentative d’assassinat dont il avait été victime en Russie… Une histoire absurde, mais l’absurdité est désormais le style favori du Kremlin, pour faire de la politique une absurdité.
Qui est Navalny ? On n’en dit désormais que du bien en Occident et il faut sans doute modérer l’enthousiasme. En même temps, le cran dont il a fait preuve en revenant en Russie alors qu’il se savait menacé, à la fois physiquement et pénalement, le hisse sans conteste à la hauteur des héros modernes.
Karine Clément[1],
[1] Je suis sociologue affiliée au CNRS. J’écris depuis la France puisque le FSB m’a interdite, l’année dernière, de séjour en Russie pour dix ans. Je représenterais selon les services de sécurité une « menace pour l’Etat ». Ces dernières années, je ne faisais pourtant que mon travail de sociologue dans plusieurs universités de Saint-Pétersbourg. Mais, auparavant, dans les années 2000 surtout, j’étais très investie dans les luttes syndicales et citoyennes qui émergeaient alors un peu partout en Russie, sur des questions très concrètes de salaires non payés, de défense des espaces verts, de logement, etc. Avec des ami.e.s et collègues, nous avions monté l’ « Institut de l’action collective » qui se proposait de faire la publicité de ces luttes au travers d’un site Internet et de les aider à échanger et à se développer.
C’est à cette époque que j’ai côtoyé Alexeï Navalny. Sans que nous soyons « camarades », nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises sur le terrain, à Moscou, Astrakhan ou ailleurs.