Retour sur le mouvement des Gilets Jaunes - Episode 5.
L’autrice de BD Sandrine Kérion est partie à la rencontre de bretons qui ont participé au mouvement des gilets jaunes. Entre dépit et révolte toujours tenace, c’est à un véritable portrait de la France d’en bas et de la rupture démocratique qu’elle nous convie, trois ans seulement après cette révolte historique.
On oublie vite. Une crise en remplace une autre et l’on se retrouve à la lecture de ce formidable reportage BD à se rappeler qu’il y a moins de deux ans s’est déroulé une des plus importantes révoltes populaires de notre histoire, qui a fait vaciller le pouvoir jupitérien de la Cinquième République. Le Covid est depuis passé par là, concluant un moment qui s’était déjà refermé, participant à son oubli et aggravant les symptômes qu’avaient révélé les gilets jaunes.
Bien qu’elle se présente comme une simple citoyenne la démarche et le travail de Sandrine Kérion sont résolument journalistiques et absolument professionnels dans sa réalisation. Refusant de se positionner (tout en expliquant en préface qu’elle a petit à petit découvert la pertinence de la révolte) elle se propose au travers de ces neuf portraits de raconter des histoires de vie, celle de la très grande majorité de nos concitoyens vivant souvent de petits boulots, plus ou moins abîmés par la vie, aux cultures familiales et sociales variées mais se rejoignant dans une certains modestie, souvent choisie, celle des gens qui n’attendent guère d’aide mais constatent que leurs efforts deviennent dérisoires au regard d’une France d’en haut qui les méprise.
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L’ouvrage s’ouvre sur un remarquable récapitulatif de trente pages qui fait un bien fou à qui a raté le départ ou a eu du mal à comprendre le déroulé et les objectifs des manifestants dans un traitement médiatique qui a, on peut le dire, été fortement déloyal. L’autrice ne verse pas dans l’accusation facile et explique par moment les raisons d’une méfiance et d’une difficulté à comprendre l’identité d’un mouvement qui n’en avait guère d’autre que ce gilet. Les témoignages qui suivront rappelleront bien la présence de violents, de racistes, avec qui la cohabitation n’a finalement pas été possible. Ce fut une les raisons communes du retrait du mouvement parmi les personnes rencontrées par Sandrine Kérion. Le déclenchement de la violence en fut une autre, permettant au système politico-médiatique et à la frange « bourgeoise » de ne plus voir autre chose que le vernis sur la colère.
Ce qui marque dans ces itinéraires, outre de rappeler ce que sont les français, c’est qu’il n’y a pas de misérabilisme. Dans ce secteur particulier (il faut le reconnaître), cette Bretagne de l’agroalimentaire industrielle, ces gilets jaunes sont la frange gauche, majoritairement non violente, non raciste et plutôt encline à voter Melenchon. Comme on l’a vu si à l’origine l’autre frange, réactionnaire et raciste avait occupé les ronds-points, assez vite plus rien ne pouvait coller. Surtout, la répression policière féroce des manifestation, après que le pouvoir eut compris qu’aucune structuration pérenne n’était à attendre du fait même de la trop grande différence entre les membres, a beaucoup joué dans le retrait des témoins.
Ces gens sont des français moyens, pas nécessairement dotés d’une famille dysfonctionnelle, n’ayant pas toujours échoué à l’école, simplement des gens qui n’ont pas de patrimoine, ni culturel ni matériel et qui pensent que seule la volonté suffit pour s’en sortir honnêtement. Quasiment tous convergent, après une pointe d’amertume, pour reconnaître le formidable mouvement d’éducation politique et des vertus du collectif parmi ces milliers de femmes et d’hommes qui ne savaient pas qu’ensemble on est plus fort que seuls.
Incroyablement honnête, juste, cet ouvrage tombe à point nommé pour rappeler d’où l’on vient et que rien n’est inéluctable. Et s’il confirme l’échec inéluctable de la révolte, Covid ou pas, il nous dit aussi que tous ces gens qui se sont redécouvert un pouvoir citoyen n’ont pas disparu et ne sont sans doute pas plus visible dans les radars des instituts de sondage qu’à la veille du déclenchement de la révolte des ronds-points.
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