Épisode 38
Je suis plus inquiet des décisions politiques que de celles des criminels.
Qui a bien pu procéder à une telle déclaration le 22 février dernier ? Le nouveau Procureur du Roi de Bruxelles, Julien Moinil, en fonction depuis le 09 janvier 2025, après que le Parquet Bruxellois ait vécu sans chef de corps pendant presque quatre années.
Va-t-elle pourtant continuer à attendre passivement que le Gouvernement Fédéral et son Administration fiscale, qui gère pour son compte les droits de succession qu’elle encaisse, sortent enfin d’une torpeur stratégique, ainsi que le révèle le rapport de la Cour des Comptes du 16 mars 2016 à propos de la gestion des droits de succession (https://www.ccrek.be/sites/default/files/Docs/2016_14_DroitsDeSuccession.pdf).
Car depuis 2016, rien n’a changé. Dans l’attente d’une régionalisation effective toujours repoussée, la Région de Bruxelles-Capitale et le Gouvernement Fédéral continuent de se regarder en chien de faïence, l’Administration fiscale Fédérale continuant elle à se concentrer sur les activités dont elle gardera le contrôle, la mission fiscale en matière de droits de succession devenant donc non stratégique.
Et pendant ce temps le citoyen lambda entend ses gouvernants lui expliquer doctement qu’il doit faire des efforts afin de rétablir les finances publiques faute de faillite imminente. Comme si en matière de faillite, l’incapacité régionale et fédérale à résoudre depuis près de vingt-quatre années cette affaire d’évasion fiscale aux droits de succession n’avait pas déjà démontré une redoutable expertise.
Limitons nous donc à n’en retenir que quelques-uns, 40 en l’occurrence :
1- le plus gros notaire de Bruxelles, Robert Verbruggen, qui décède le 12 avril 2002 et 5 de ses héritiers qui déclarent sa succession le 20 décembre 2002 pour un montant de 117.000 euros alors qu’elle est estimée à 400 millions d’euros.
4- l’inaction de l’Administration fiscale pendant de très nombreuses années (dont les deux années courant à compter de la déclaration de succession durant lesquelles elle doit veiller à ce que les héritiers n’aient pas organisé ou n’organisent pas un processus d’évasion fiscale) jusqu’à ce qu’elle procède le 08 août 2012 à une première saisie conservatoire de 25 millions d’euros, puis à une seconde de 6,6 millions d’euros le 24 janvier 2014, saisies toujours non exécutoires à ce jour.
5- les services patrimoniaux de l’Etat qui gèrent les droits de succession dont l’avocat de l’Etat belge écrit en novembre 2013 qu’ils se trouvent en situation difficile lorsque le dossier leur fut transmis par l’ISI alors même que la prescription allait intervenir en 2012 pour la succession du notaire défunt.
7- l’Etat qui s’accommode d’une Chambre (la 43ème de la Cour d’appel de Bruxelles) dont il n’a strictement rien à espérer et dont il aurait dû demander le dessaisissement depuis longtemps.
9- l’Expertise judiciaire initiée le 29 janvier 2015 afin de procéder aux opérations de liquidation-partage de la succession, toujours non aboutie à l’issue de près de 11 années.
10- la 43ème Chambre de la Cour d’appel de Bruxelles (chambre de la famille), en charge de garantir le bon déroulement de l’Expertise judiciaire, qui refuse d’accéder aux multiples demandes de l’Expert judiciaire de prendre les mesures nécessaires de contrainte et astreinte afin de pouvoir disposer de pièces essentielles à la conclusion définitive de l’Expertise.
12- la Présidence de la 43ème Chambre de la Cour d’appel de Bruxelles assurée par une magistrate, signataire de 11 des 14 arrêts interlocutoires rendus dans cette Affaire, qui avait siégé à la Chambre des mises en accusation dans le cadre du dossier répressif né de la plainte au pénal déposée par Luc Verbruggen le 12 décembre 2002, laquelle Chambre avait considéré que les devoirs supplémentaires demandés n’étaient plus utiles pour la manifestation de la vérité, « en dépit de la volonté, voire de l’acharnement » de la partie requérante.
13- l’impotence des chefs de corps des 4 magistrates composant ou ayant composé la 43ème Chambre de la Cour d’appel et celle des chefs de corps des chefs de corps, dont certains en conflit d’intérêts pour avoir présidé la 11ème Chambre de la Cour d’appel ainsi que la Cour de cassation lors de la phase correctionnelle de l’Affaire.
15- toutes les possibilités, nombreuses, de contrôle interne et externe du système judiciaire carrément ignorées.
16- les plumitifs d’audience qui ne sont pas communiqués pendant de nombreuses années, puis qui le deviennent fin 2023 après une longue lutte, avant de redevenir inaccessibles à nouveau. Ceux communiqués s’avèrent vides de tout élément concret ; pas un mot par exemple des déclarations de l’Expert judiciaire au cours des 14 audiences ayant eu lieu en Chambre du conseil. Ce qui n’est pas acté dans les plumitifs ne l’est pas non plus dans les arrêts.
19- le droit comptable et le droit civil foulés aux pieds par les héritières Réviseure d’entreprises et Notaire ; des comptabilités tenues pour partie, voire totalement au crayon papier.
21- le contrat de vente d’un énorme actif à un prix non justifié économiquement laissant de toute évidence présager d’un autre contrat caché que les 5 héritiers à l’origine de la déclaration de succession de 117.000 euros se refusent à dévoiler et dont la 43ème Chambre de la Cour d’appel de Bruxelles se refuse à exiger la production, sous contrainte et astreinte ; l’opacité complète imposée par les héritiers fraudeurs sur 32 hectares de terrain à construire sur la commune de Grimbergen.
22- l’Expert judiciaire en fonction (les 2 précédents avaient renoncé) depuis le 14 septembre 2017 qui a mis fin à sa mission en novembre 2023, en justifiant notamment sa décision par ses demandes répétées, non satisfaites par la Cour, d’obtenir toutes les informations dont il a besoin pour clôturer sa mission et par les menaces dont il fait l’objet. La Cour a pourtant eu l’occasion, au cours de 7 audiences successives en Chambre du conseil, d’entendre l’Expert judiciaire à ce propos.
24- les millions d’‘euros dépensés par les 5 héritiers fraudeurs – ayant déclaré 117.000 euros de succession- en frais de conseils divers et variés pour, notamment, entreprendre une véritable guérilla judiciaire dans le cadre de l’Expertise judiciaire toujours en cours.
25- les 5 héritiers auteurs de cette déclaration de succession à 117.000 euros qui, pour 3 d’entre eux, devraient donner l’exemple eu égard à leur profession : l’une Réviseure d’entreprises, l’autre Notaire et le troisième puissant Homme d’affaires, administrateur d’une centaine de sociétés, fondateur de Orpea Belgium et intime «partenaire » de Jean-Claude Marian fondateur du groupe international du même nom, en proie à de nombreuses poursuites en France, diligentées par le Parquet National Financier.
27- le dépôt d’une plainte au pénal à l’encontre de l’Expert judiciaire en cours de mission, pour les mêmes raisons que celles qui avaient échoué au civil et dans le seul but d’écarter les faits comptables établis, incontestables.
28- l’énormité des mouvements financiers non justifiés, mise en évidence par l’Expert judiciaire, entre les 3 sociétés de droit belge et la société FIDELEC, immatriculée au Liechtenstein, dont l’existence même a été niée par les 5 héritiers fraudeurs ainsi que par leurs nombreux conseils et la Cour d’appel (43ème chambre) qui n’estime pas « devoir dénoncer la situation » à la CTIF. Il s’agit pourtant d’une réelle Unité Economique entre les trois belges et l’offshore, structurelle dès l’origine, au sein de laquelle de véritables opérations de blanchiment ont été opérées.
30- le nombre de gouvernements (13), Ministres des finances (7) et Ministres de la justice (9) témoins privilégiés de l’Affaire et qui, à ce stade, ne se départissent pas d’un silence de plomb.
32- le silence absolu manifesté par la centaine de professionnels du droit et du chiffre (magistrats, avocats d’affaires, avocats fiscalistes, experts-comptables, réviseurs d’entreprises, notaires, conseillers techniques, experts immobiliers et les ordres professionnels auxquels ils sont affiliés) qui connaissent cette affaire intimement.
33- la Région Bruxelles Capitale qui attend d’encaisser de la part des Services Fédéraux ce qui n’est pas considéré comme une priorité par ces derniers (rapport de la Cour des comptes du 16 mars 2016).
34- la gestion par l’Etat Fédéral des droits de succession (pour le compte des régions Bruxelles Capitale et Wallonie) non adaptée aux successions à enjeux financiers importants (rapport de la Cour des comptes du 16 mars 2016).
35- la déresponsabilisation au sein des services fédéraux qui continuent en principe à gérer un impôt dont les recettes seront encaissées par l’une ou l’autre des deux régions précitées (rapport de la Cour des comptes du 16 mars 2016).
36- la décision stratégique de ces services de se concentrer sur les activités dont ils garderont le contrôle, la mission fiscale devenant non stratégique (rapport de la Cour des comptes du 16 mars 2016).
37- l’importance de l’évasion fiscale aux droits de succession pointée par la Cour des comptes dans son rapport du 16 mars 2016, puisqu’en 2014 quelques 347 millions de droits de succession ont été perçus à la suite de régularisations, soit 31% du montant total des régularisations de cette même année.
39- l’exercice du droit d’injonction positive du Ministre de la Justice , saisi par nos soins depuis le 12 mars 2024, envers le Ministère Public jusqu’à présent non exercé alors que l’article 140 du Code judiciaire prévoit que « le Ministère public veille à la régularité du service des cours et tribunaux », mission générale de surveillance du système judiciaire qui lui confère des prérogatives en matières disciplinaire lui permettant de saisir toute autorité disciplinaire d’une procédure disciplinaire et lui octroyant un droit d’appel à l’encontre de toute sanction disciplinaire.
40- la mise en place d’une domiciliation fictive au sein d’un paradis fiscal pour au moins l’un des héritiers fraudeurs.
Tout ceci est loin d’être exhaustif, mais l’enquête que nous menons depuis plus de 5 ans est accessible via le lien suivant : https://pour.press/wp-content/uploads/2025/07/DOSSIER-COMPLET-Episodes-1-37_compressed-1.pdf
-Que le seul héritier à s’opposer à cette vaste évasion fiscale aux droits de succession disparaisse ?
-Qu’un élément de prescription soit opportunément soulevé par un avocat spécialiste en procédure judiciaire grassement payé par les évadés, afin de faire capoter définitivement cette Affaire, au nom du droit !
-Que les évadés fiscaux aient définitivement organisé et blindé leur insolvabilité que l’ISI a pourtant la charge d’empêcher en intervenant efficacement dans les 2 années qui suivent la déclaration de succession ?
-Que cette Affaire Verbruggen ne vienne pas troubler le silence qui prévaut pour toutes les autres grosses affaires d’évasion fiscale aux droits de succession qui passent sous les radars ?
-Quoi d’autre encore ?
-Que disent-ils aux citoyens qui croient toujours en l’Etat de droit et qui s’inquiètent des effets de l’évasion fiscale sur le principe fondamental de citoyenneté et de consentement à l’impôt ?
Leurs réponses sont impatiemment attendues. Afin de prévenir toute tentation, déjà constatée, de botter en touche au prétexte qu’ils ne peuvent rien faire parce que l’Affaire est entre les mains de la justice, il leur est par avance rétorquée que lorsque la justice dysfonctionne à ce point et depuis aussi longtemps et si scandaleusement, mettant en cause gravement la situation des finances publiques, il leur appartient d’y mettre un terme.
Christian Savestre
Illustration inspirée des Singes de la sagesse (ou Sanzaru en japonais) : trois singes symbolisant le principe « ne pas voir le Mal, ne pas entendre le Mal, ne pas dire le Mal », souvent interprétés ironiquement comme fermant les yeux sur la corruption.
