Le 29 janvier 2020 a eu lieu un événement peu ordinaire. Carta Academica, un groupement d’académiciens voulant repenser le rôle de l’université dans notre société, a remis ses premiers Academic Honoris Causa à Julian Assange, Edward Snowden, Chelsea Manning et Sarah Harrison. Un seul bémol : les quatre lanceurs d’alerte récompensés n’ont pas pu être présents. Et pour cause, ils sont soit sous incarcérés, soit en exil, soit sous d’intenses pressions judiciaires. Ces quatre “héros du droit de savoir” ont, chacun à leur manière, mis leurs libertés, voire leurs vies en danger pour défendre la liberté de la presse, la liberté d’expression et notre droit à l’information. Ces distinctions étaient l’occasion pour des spécialistes de l’information et de la liberté de presse d’expliquer en quoi les combats de ces lanceurs d’alerte sont également nos combats. Et qu’à travers leurs cas individuels, ce sont nos libertés que l’on tente de criminaliser. Edwy Plenel, rédacteur en chef de Médiapart, John Shipton, père de Julian Assange, Anthony Bellanger, secrétaire-général de la Fédération internationale des journalistes, Geoffroy de Lagasnerie, philosophe et sociologue français, ou encore Olivia Venet, présidente de la Ligue des droits humains, se sont succédés à la barre pour défendre la cause des quatre journalistes et lanceurs d’alerte. 13 allocutions en tout pour faire vivre nos libertés.
“Julian Assange et Chelsea Manning croupissent en prison, et selon le rapporteur de l’ONU Niels Melzer, subissent des traitements indignes et des tortures de tous ordres. Sarah Harisson et Edward Snowden ne peuvent plus circuler librement et vivent dans l’angoisse constante d’être arrêtés. Ils sont la cible d’un pouvoir tout-puissant qui est prêt à tout pour les faire taire et terroriser toutes celles et tout ceux qui auraient l’audace de vouloir suivre leur exemple, celui des lanceurs et diffuseurs d’alerte.”
Vincent Engel, écrivain, dramaturge et scénariste
“Ils ont révélé des crimes de guerre, ils ont révélé des surveillances de masse, des fraudes fiscales, des corruptions économiques, des mensonges d’État. Ils n’ont fait que révéler des faits d’intérêt public qui nous ont rendu plus lucides, plus libres, plus autonomes. Et dans l’accompagnement d’une indifférence complice, ils sont persécutés alors qu’ils ont honoré nos droits. Il y a une grande urgence, au-delà de notre solidarité, à renforcer la protection de ces lanceurs d’alerte, à refuser qu’on les criminalise comme des hackeurs, comme des violeurs d’une soi-disant droit informatique… Hé bien non ! Si par la technologie, ils ont réussi à acquérir, de manière libre, gracieuse, sans intérêt économique, sans volonté de chantage, sans eux-mêmes violer aucune morale, s’ils ont réussi à obtenir des données d’intérêt public, qu’ensuite, nous, journalistes professionnelles, nous relayons, nous commentons, hé bien ils ont agi au nom de l’intérêt public et à ce titre, ils ne doivent pas être poursuivis.”
Edwy Plenel, cofondateur et président de Mediapart.