En théorie, le prix de l’eau à Bruxelles est donc déterminé sur base de ces deux principes. En pratique, les choses sont quelque peu différentes…
En réalité, ces hausses du prix de l’eau résultent des besoins de financement de l’intercommunale Vivaqua qui gère le service de l’eau à Bruxelles. Et, aucune piste de financement alternative à l’augmentation tarifaire n’a été envisagée sérieusement jusqu’à aujourd’hui.
Que couvre le prix de l’eau ?
En 2024, chaque ménage connecté au réseau de distribution d’eau paie une redevance annuelle d’abonnement de 34,60 € et l’eau est facturée 4,60 € par m³. Pour les consommateurs non domestiques, un multiplicateur est appliqué à la redevance annuelle de 32,63 € en fonction du calibre du compteur et l’eau coute 5,28 €/m³. Ces montants, entièrement perçus par Vivaqua, couvrent la production et la distribution d’eau potable ainsi que la collecte des eaux résiduaires urbaines, leur épuration et la lutte contre les inondations.
Comme Bruxelles dispose d’un réseau d’égouts unitaire, outre la plupart des eaux usées domestiques et non domestiques, les égouts et les collecteurs convoient aussi les eaux claires. Celles-ci sont constituées de la grande majorité des eaux de ruissèlement par temps de pluie (les eaux pluviales), mais aussi de certaines eaux de drainage, de ruisseaux, d’étangs, de sources et de suintements (appelées eaux claires parasites). Les eaux claires et les eaux usées sont mélangées dans les égouts et envoyées vers les stations d’épuration.
Les flux collectés par les égouts sont constitués de volumes vendus par Vivaqua (60 millions de m³), d’eaux claires parasites (± 29 millions de m³), d’eaux pluviales (± 33 millions de m³) et d’eaux usées provenant de Flandre en raison de la configuration du réseau hydrographique (± 18 millions de m³). Tous ces chiffres constituent des ordres de grandeur et varient d’une année à l’autre en fonction de la pluviométrie.
Environ 130 millions de m³ aboutissent chaque année dans les deux stations d’épuration bruxelloises et 10 millions de m³ sont déversés dans la Senne et le Canal sans aucun traitement lors des épisodes de pluie intense. Ces volumes rejetés directement dans le réseau hydrographique sont principalement composés d’eaux de pluie mais sont néanmoins mélangés à des eaux usées et à des eaux claires parasites.
En pratique, excepté un subside alloué par la Région à l’opérateur public Hydria qui gère notamment les deux stations d’épuration bruxelloises, ce sont les consommateurs d’eau qui financent par le biais de la facture d’eau la collecte et l’épuration de toutes les eaux qui transitent par les égouts – en ce compris les eaux de pluie et les eaux claires parasites – mais aussi la lutte contre les inondations.
Que dit le principe du pollueur-payeur ?
Le principe du pollueur-payeur implique que les pollueurs ne sont responsables que de la pollution à laquelle ils contribuent. Ils n’ont pas à payer pour l’élimination et la prévention de la pollution à laquelle ils ne participent pas.
Une telle taxe est intrinsèquement inéquitable, puisqu’elle fait contribuer les consommateurs en fonction de leur consommation d’eau et non en fonction de leur capacité contributive. De plus, comme la consommation d’eau par personne est identique quelle que soit la richesse du ménage [2], la consommation d’eau d’un ménage est surtout proportionnelle à sa taille. Dès lors, les grands ménages paient davantage pour l’assainissement des eaux de pluie, des eaux claires parasites et la lutte contre les inondations que les plus petits ; ce qui n’a aucun sens en termes d’équité. De même, les activités économiques consommant beaucoup d’eau sont arbitrairement mises davantage à contribution.
Comment rendre le prix de l’eau plus juste ?
Certes, la santé financière de la Région de Bruxelles-Capitale n’est pas favorable mais l’eau est un bien de première nécessité (reconnu comme droit humain par l’Assemblée générale des Nations Unies). Si des arbitrages financiers doivent être effectués, garantir un meilleur accès à l’eau pour touts doit indéniablement faire partie des priorités !
Par ailleurs, à politique inchangée, le prix de l’eau est voué à encore augmenter sensiblement au cours des prochaines années. En effet, Vivaqua est en difficulté financière, des investissements importants dans le réseau d’égouttage doivent être consentis et des normes de qualité plus strictes de l’eau vont entrer en vigueur dans les prochaines années. En outre, comme la consommation d’eau des ménages diminue dans le temps (équipements domestiques plus performants, changements d’habitude…), il faudra augmenter le prix de l’eau pour compenser la baisse des recettes engendrée par la diminution des volumes vendus.
Source : Observatoire belge des inégalités
Cet article est un résumé de l’article du même nom publié dans la Revue scientifique Brussels Studies.
Notes
[1] Il s’agit d’un statut assigné par la mutuelle aux personnes en risque de pauvreté sur base du statut socioéconomique ou de faibles revenus.
[2] cf. Xavier May, Pauline Bacquaert, Jean-Michel Decroly, Léa de Guiran, Chloé Deligne, Pierre Lannoy et Valentina Marziali, « Pourquoi ne pas en finir avec la tarification progressive de l’eau à Bruxelles ? », Brussels Studies, Collection générale, n° 156, mis en ligne le 09 mai 2021. URL : http://journals.openedition.org/brussels/5494