Le long bras de fer des paysans indiens

La libéralisation du marché des produits agricoles a conduit à une mobilisation d’une ampleur sans précédent des paysans indiens. Malgré une violente répression, ceux-ci ont encerclé Delhi et campé aux portes de la métropole pendant plus d’un an, jusqu’à faire fléchir le gouvernement.

Le kisan andolan, le mouvement paysan le plus long et le plus massif de l’histoire de l’Inde indépendante a fait plier le premier ministre indien Narendra Modi : les lois agraires contre lesquelles des centaines de milliers d’agriculteurs se mobilisaient depuis un an ont été abrogées le 29 novembre 2021 par le parlement. Issu d’un travail de terrain mené entre décembre 2020 et décembre 2021 au sein des campements paysans aux portes de Delhi, cet essai revient sur la crise agraire que les réformes n’auraient fait qu’accentuer et sur le projet politique global conjuguant ultra-libéralisme et nationalisme hindou qu’elles visaient à consolider. Il évoquera enfin les raisons du succès sans précédent du mouvement, liés à une unité sans faille des organisation syndicales, à une présence massive sur les réseaux sociaux et à une synthèse inédite entre sikhisme (la religion d’une majorité des participants) et marxisme.

 

Crise structurelle de l’agriculture indienne

Le mouvement de contestation des paysans indiens qui vient de s’achever après plus d’un an de mobilisation a réussi à replacer au cœur du débat public la question agraire et le monde rural, lesquels, depuis la libéralisation économique des années 1990, s’étaient vus marginalisés au profit du développement industriel et urbain, aussi bien dans les politiques publiques que dans l’imaginaire national.