Carte blanche Par Elio Di Rupo, députée européen (parti socialiste, groupe S&D)
Dans une carte blanche adressée au « Soir », le député européen met en garde contre la tentation de repli, incarné par l’ouvrage « Transmania », conseillé par le vice-Premier MR David Clarinval. « Dans ce climat réactionnaire, il est essentiel de souligner que les libertés accordées aux personnes transgenres ne réduisent en rien les libertés des autres citoyens », écrit-il.
L’histoire politique de notre pays nous montre que socialistes et libéraux peuvent s’unir pour élargir les libertés de chacun sans porter préjudice à qui que ce soit. Ensemble, ils ont combattu des conservatismes et des obscurantismes de tous horizons pour offrir à nos concitoyens de nouvelles libertés.
Un exemple marquant est celui de la sénatrice Lucienne Herman-Michielsens (libérale) et du sénateur Roger Lallemand (socialiste), qui ont mené une lutte acharnée contre les réactionnaires de leur époque pour donner aux femmes le droit fondamental de disposer de leur propre corps. Grâce à leur courage, l’interruption volontaire de grossesse est devenue un droit en 1990. Une nouvelle liberté était née ! Cela a constitué un pas décisif vers une société plus inclusive, plus respectueuse des droits de chacun.
Pour les personnes gays et lesbiennes, ce n’est qu’en 1973, que l’Association américaine de psychiatrie a cessé de considérer l’homosexualité comme une maladie mentale. En France, sous la présidence de François Mitterrand, l’homosexualité a été dépénalisée. Puis, en 1992, l’Organisation mondiale de la santé a enfin retiré l’homosexualité de sa liste des maladies mentales. En 2003, sous un gouvernement socialiste-libéral, la Belgique a été pionnière en légalisant le mariage entre personnes de même sexe, devenant ainsi le deuxième pays au monde à le faire après les Pays-Bas.
Les discussions avec Guy Verhofstadt (libéral) pour former le gouvernement après les élections de mai 2003 me restent en mémoire. Une mention particulière avait été introduite dans l’accord de gouvernement pour simplifier les démarches administratives pour les personnes transgenres. La reconnaissance des nombreux défis, tant personnels que légaux, auxquels ces personnes sont confrontées a motivé notre décision. En 2007, une loi a été adoptée pour formaliser le processus de changement de sexe à l’état civil. La même année, les personnes transgenres ont été protégées contre toute forme de discrimination liée à leur identité de genre.
Ces actions ont été menées avec la conviction qu’une société éclairée doit garantir à chaque individu la possibilité de vivre pleinement et librement son identité. Bien que les extrêmes politiques se soient toujours opposés à ces avancées, leur idéologie ne peut entraver la marche vers la liberté.
Aujourd’hui, un livre intitulé Transmania, écrit par Dora Moutot et Marguerite Stern, suscite la polémique. Il s’inscrit dans ce courant de pensée ultra-conservateur qui prétend que les libertés ont été poussées trop loin. Ce courant de pensée trouve étonnamment écho dans notre monde politique.
Dans ce climat réactionnaire, il est essentiel de souligner que les libertés accordées aux personnes transgenres ne réduisent en rien les libertés des autres citoyens. L’extension des droits et des libertés à certains ne diminue jamais ceux des autres.
Les questions de genre et d’identité sont complexes et touchent profondément les individus. C’est pourquoi les femmes et les hommes progressistes, en particulier les politiques, doivent continuer à défendre la diversité, cette richesse précieuse de notre société. Enfin, il est important de rappeler que les libertés dont nous jouissons aujourd’hui sont le fruit de luttes acharnées, d’innombrables combats politiques et d’incalculables tragédies humaines. Ce sont en effet des luttes héroïques, souvent marquées par de grandes souffrances et sacrifices, qui ont façonné le monde libre dans lequel nous vivons en Occident. Que ce soit les combats pour les droits civiques aux États-Unis, pour l’égalité des genres, pour les droits des personnes LGBTQIA+ ou pour la liberté d’expression, ils ont tous été animés par la même volonté inébranlable : celle de défendre la dignité, la liberté et le respect de l’être humain dans toute sa complexité.