Le 24 octobre devrait avoir lieu la séance constitutive du Parlement autrichien où le FPÖ d’extrême droite aura le groupe le plus étoffé. Même si aucun autre parti ne veut gouverner avec lui pour le moment, la gauche s’inquiète d’y voir des personnalités liées aux Burschenschaften, les nostalgiques du nazisme étant souvent adeptes de la « remigration ».
C’est une photo (Des militants d’extrême droite portant un T-shirt bleu, la couleur du FPÖ. À gauche la mention “Jeunesse autrichienne patriotique”. Selon le quotidien viennois Der Standard, qui a diffusé la photo, il devient difficile de distinguer les organisations identitaires de celles du parti d’extrême droite.) publiée par le quotidien viennois de centre gauche Der Standard, qui montre les affinités entre l’aile d’extrême droite du FPÖ, le Parti de la liberté, arrivé pour la première fois numéro un lors des législatives du 29 septembre (même s’il est resté en-deçà de 30% des suffrages), et le courant identitaire. Dont un mot d’ordre est la « remigration » – en clair: l’expulsion – des étrangers indésirables, et de manière générale de tous ceux qui menaceraient la cohésion « ethnico-culturelle » de l’Europe.
Qu’il y ait des points de contact entre ce parti enraciné un peu partout en Autriche et les franges radicales, n’est pas seulement une accusation récurrente venant de la gauche. Herbert Kickl lui-même, actuel chef du FPÖ et ancien ministre de l’intérieur, a qualifié « d’ONG de droite » les identitaires. Dont le plus connu est l’Autrichien Martin Sellner, à cause de sa participation à une réunion secrète à Potsdam, près de Berlin, destinée à mieux préparer la « remigration ».
Selon le Standard, il devient difficile de distinguer les extrémistes de la vraie organisation de jeunesse du parti.
La séance constitutive du Parlement autrichien aura lieu le 24 octobre. On en saura alors davantage sur les noms des 57 députés du FPÖ, certains bénéficiant pour monter au niveau fédéral du fait que des élus restent dans la diète régionale. Mais des médias s’inquiètent de voir revenir sur le devant de la scène des personnalités appartenant aux Burschenschaften, en particulier la Olympia, classée à l’extrême droite par les services chargés de protéger la Constitution. Le FPÖ, lui, n’étant que « populiste de droite ».
Confréries d’étudiants qui se battent en duel au sabre à visage découvert – et y portaient fièrement leurs cicatrices, recousues sur place sans anesthésie -, les Burschenschaften ont souvent servi de réservoir de cadres au FPÖ, en revendiquant une ligne deutschnationale (nationale-allemande). Ces dernières années leur influence parmi les « Bleus », la couleur du parti, avait diminué. Entre autres raisons parce que Kickl, qui a mis fin sans diplôme à ses études, ne vient pas de ce coin-là. Haider lui-même s’en méfiait.
Les voilà de retour, et cela n’augure rien de bon.
Il y a plus de trente ans j’ai pu visiter le siège de la Olympia, dans la Gumpendorferstrasse de Vienne. Je me souviens des vitraux néo-Renaissance, des hautes chopes décorées comme à Munich, des photos en noir et blanc dans l’escalier de dirigeants arborant un Schmiss – la cicatrice emblématique. Et d’une carte de la « Grande Allemagne », celle qui ne reconnaissait pas les frontières de 1945.
Passons sur quelques figures pittoresques élues le 29 septembre, telle une policière de Salzbourg fascinée par les Templiers, des complotistes convaincus que le vaccin contre le Covid était « la plus grande expérimentation psycho-sociale » jamais tentée dans l’Histoire. Ou des croisés du néo-libéralisme comme Barbara Kolm, vice-présidente depuis 2018 de la Banque nationale grâce à l’appui du FPÖ, qui selon l’hebdomadaire libéral de gauche Falter a participé en 2022 lors de la conférence annuelle de la CPAC, la grand-messe de la droite républicaine aux États-Unis, à une table-ronde intitulée « Obamacare still kills » (le système d’assurance-maladie pour les moins nantis adopté sous la présidence Obama « tue toujours »).
Le cœur du futur groupe parlementaire semble constitué de gens qui ont une longue expérience politique. Par exemple l’entrepreneur styrien Axel Kassegger qui devait se rendre en 2023, avec l’historien Andreas Mölzer, dans l’Afghanistan des talibans pour faire libérer l’un de leurs vieux compagnons autrichiens – lequel, quelques mois plus tard, a pu regagner sa patrie. Mölzer dont le fils de 44 ans, Wendolin, revient au Parlement : il fut l’un des inspirateurs, quand le FPÖ a été au gouvernement du chancelier Sebastian Kurz (2017-2019), des cours d’allemand séparés pour les élèves maîtrisant mal cette langue – qui les enferment dans une case dont ils ne sortent généralement plus.
On retrouve aussi Johann Gudenus, jadis ami du chef du FPÖ Heinz-Christian Strache et comme lui héros calamiteux de la vidéo tournée dans une villa aussi bling-bling que cocaïnée d’Ibiza, où ils offraient leur pays sur un plateau à une prétendue fille d’oligarque russe. Gudenus est connu pour ses idées extrêmes et pour être un fidèle allié de Moscou : il a « observé » en 2014 le référendum d’annexion de la Crimée puis a rendu visite en Tchétchénie au tyran Ramzan Kadyrov. Son pseudo dans la confrérie Vandalia est Wotan (Odin pour les Scandinaves), le dieu suprême, de la victoire et du savoir, dans le panthéon germanique.
Il y a surtout dans cette joyeuse bande l’ex-troisième président du Parlement Martin Graf ainsi que son collègue Norbert Nemeth, qui a dirigé les députés du FPÖ.
Tous deux sont membres de la Olympia et assistaient, juste avant les dernière législatives, à l’enterrement d’un autre Altherr – « ancien », car on peut appartenir sa vie durant à ces confréries – où a été entonné Wenn alle untreu werden (Lorsque tous manquent à leur serment), un chant dans lequel s’exprime le désir d’une Allemagne unie. Problème : si sa première version date de 1804, il a été confisqué plus tard par la SS dont il était l’un des hymnes fétiches, après l’incontournable Deutschland über alles et le Horst-Wessel-Lied. Comme tous les symboles nazis, il est donc interdit en Autriche.
Le FPÖ a eu beau se récrier au sujet de ce scandale, selon lui artificiellement gonflé à la veille d’élections nationales, la Olympia avait bel et bien dénoncé la loi « liberticide » (le NS-Verbotsgesetz) réprimant toute tentative de ressusciter le national-socialisme. Et en 1996 Norbert Nemeth, 55 ans aujourd’hui, appartenait déjà à une organisation qui n’hésitait pas à écrire dans un tract : « Si tu es laid, gros, malade, ou étranger à ce pays », mieux vaut rester chez toi, on ne t’acceptera pas. En revanche, celui qui a envie «de boire jusqu’à plus soif la meilleure bière, trouve drôles les blagues racistes ou du moins les plaisanteries entre hommes d’un goût douteux, et cherche des distractions agréablement superficielles », se voyait invité « de tout coeur » à la rejoindre.
La Brixia d’Innsbruck – de Brixen au Tyrol du Sud, depuis 1918 le Alto Adige italien -, ou encore la Teutonia, qui a entretenu des liens avec la scène néo-nazie, sont les noms de Burschenschaften dans la même mouvance. De celles qui protestent contre le « grand remplacement » et la « terreur » exercée par la gauche pour bâillonner la liberté d’opinion, ou tirent à boulets rouges sur une radio-télévision publique jugée hostile.
Elles sont le visage brutal de ce parti qui s’est efforcé de paraître acceptable. Pour mémoire: c’est avec lui, et quelques autres, que le Rassemblement national de Marine Le Pen a formé au nouveau Parlement européen la fraction des Patriotes. Et c’est sous l’influence du RN que le gouvernement français veut se doter d’une nouvelle loi immigration.