Comment justifier de sacrifier une forêt pour y planter un champ d’éoliennes ? Chaque hectare de forêt capte annuellement une vingtaine de tonnes de CO2. Dans le même temps, l’éolienne a une facture de 24 tonnes de CO2 pour produire son électricité (coût carbone de sa fabrication, transport et installation, rapporté à sa production annuelle).
Le couvert forestier assure la régulation thermique des territoires.
Le couvert forestier assure la régulation thermique des territoires. En période de grands froids, les températures y sont plus douces de 1 à 2° C, et lors des étés caniculaires, l’air y est plus frais de 3 à 4° C que dans les espaces ouverts.
En plus d’un rôle de thermorégulation, les forêts saturent l’atmosphère d’humidité et provoquent la pluie ! En cas de très fortes précipitations estivales, 20 à 50 % de la pluie est déjà absorbée par les feuillages, et en raison de sa structure caractéristique et complexe, le sol des forêts absorbe l’eau jusque dans les profondeurs des nappes phréatiques. La forêt est un atout équilibrant contre les inondations face aux pluies diluviennes et face aux épisodes de sécheresse.
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Un écosystème complexe
80 % de la biodiversité terrestre sont hébergés dans les forêts
Bétonner les sols des forêts et compacter leur structure réduit à néant ces qualités indispensables au niveau local mais aussi au niveau régional.
80 % de la biodiversité terrestre sont hébergés dans les forêts. Les animaux, les plantes, les champignons, les bactéries fournissent des services indispensables à la nature et à la survie de l’homme.
La forêt est une mémoire vivante de toute l’histoire de la biodiversité et une réserve pour sa survie
La forêt n’est pas juste une collection d’arbres les uns à côté des autres, c’est un écosystème complexe, où des stratégies d’alliance entre végétaux et autres organismes vivants permettent sa résilience. La forêt offre 40 mètres de hauteur de biodiversité à multiplier par la surface ! Trente mètres de richesses visibles jusqu’à la canopée et dix mètres de richesses invisibles en sous-sol débordant de réseaux de champignons micorhiziques. Cette richesse est présente autant dans les sols de feuillus que dans les sols de résineux. Dans les forêts historiques, c’est-à-dire celles qui n’ont jamais été ni urbanisées, ni fertilisées, ni labourées, l’histoire de ces écosystèmes est inscrite dans la richesse des graines présentes dans le substrat, qui attendent les conditions spécifiques pour germer et fructifier. Ces sous-sols contiennent la mémoire de l’adaptation du vivant au travers des aléas climatiques des âges anciens. La forêt est une mémoire vivante de toute l’histoire de la biodiversité et une réserve pour sa survie.
La menace de deux décrets
Deux décrets apparaissent à la sauvette, en fin de législature et viennent saboter cette base élémentaire à la survie de l’Ardenne
Et pourtant, malgré tous ces atouts, malgré tous ces intérêts décrits et démontrés, deux décrets apparaissent à la sauvette, en fin de législature et viennent saboter cette base élémentaire à la survie de l’Ardenne.
Tout a commencé par une circulaire sur le nouveau cadre de référence éolien (25/01/24) portée par Philippe Henry, le Ministre wallon de l’Énergie, qui permet l’implantation d’éoliennes en forêt et qui considère que les éoliennes en place peuvent justifier d’en ériger d’autres à côté.
Philippe Henry, le Ministre wallon de l’Énergie, considère que les éoliennes en place peuvent justifier d’en ériger d’autres
Qui peut aujourd’hui justifier, chiffres à l’appui, qu’il est plus intéressant d’implanter des éoliennes surdimensionnées en forêt plutôt que de préserver ce qui est déjà efficace c’est-à-dire cette même forêt ? À moins qu’il ne faille à tout prix développer cette industrie, quitte à fragiliser nos propres ressources naturelles ? La circulaire privilégie les forêts de résineux et à faible biodiversité alors que les scientifiques du Pôle Environnement ont démontré que ce n’était pas la nature de la couverture du sol qui en faisait sa richesse mais bien son historicité.
Durée de vie infinie en déchets
En pratique, les lois relatives à la protection de l’environnement continuent à exister, mais cesseront de s’appliquer dans le cas des éoliennes
Ensuite, il y a les deux décrets (1606 du 5/02/24 et 1629 du 16/02/24) actuellement étudiés au Parlement wallon. Leur objectif est de faciliter les énergies renouvelables en partant des directives européennes. Le premier introduit la notion d’intérêt collectif majeur et de protection de la santé publique. Ainsi il lève le gros obstacle des lois relatives à la protection de la nature. En pratique, cela signifie donc que les lois relatives à la protection de l’environnement continuent à exister, mais qu’elles cesseront de s’appliquer dans le cas des éoliennes. Pourtant, le recul actuel permet déjà de démontrer les nuisances des éoliennes sur la santé des riverains (infrasons) et sur l’environnement (destruction de la biodiversité).
Ces éoliennes géantes dont la durée de vie est tellement courte en activité mais infinie en déchets
Le deuxième décret a pour objectif de désigner des zones d’accélération des énergies renouvelables (ZAER). Ces zones, une fois désignées, seront la porte ouverte à l’exploitation éolienne dans toutes ses possibilités. Le futur de ces ZAER est la ruine écologique, foncière et humaine. S’il y a vraiment un obstacle, un chèque de compensation financière devrait le lever ! Malheureusement, aucune compensation financière ne ressuscitera des rapaces, des chauves-souris ou ne donnera la capacité de reconstruire la richesse micorhizique détruite. Fragiliser ces richesses présentes et puis dire qu’il faut les reconstruire est une perte économique et énergétique ! Le pire est que le citoyen paie pour cela aujourd’hui sur ses factures d’électricité et demain pour le démantèlement de ces éoliennes géantes dont la durée de vie est tellement courte en activité mais infinie en déchets.
Pétitions
D’une vallée à l’autre, les comités de défense se rassemblent face à l’invasion des éoliennes
Aujourd’hui, la colère gronde sur les crêtes de l’Ardenne. D’une vallée à l’autre, les comités de défense se rassemblent face à l’invasion des éoliennes présentée comme inéluctable. 10 000 signatures ont déjà été récoltées sur les diverses pétitions. Quelle solution proposent-ils ? Intégrer dans ces décrets la protection des forêts historiques, c’est le minimum. Considérer que l’industrie éolienne n’a pas sa place au milieu d’espaces naturels authentiques et protéger les massifs ardennais seraient le mieux. D’une seule voix, l’Ardenne refuse son sacrifice au nom de l’éolien à tout prix.
Une opinion d’un collectif regroupant 26 comités signataires :
Les comités signataires : Manhay Vent Debout, Respectez nos lieux de vie, Wasa. Green, L’envol du Rond Chêne, La Voix de la Ronce, Occupons le Terrain, Pour des forêts sans éoliennes, ADRB, Non aux éoliennes en forêt, Protecteur et défenseur du massif ardennais, Non aux parcs éoliens à Habay, Patrimoine en péril de Muno ASBL, Non au projet éolien au Sud de Pont, Comité de défense de Malmédy et environs, Comité de défense 2023, Comité Raerener Wald, Non au projet éolien de Meix-devant-Virton, Comité de Tellin, Comité de la Roche-en Ardenne, ASESEN-Association de sauvegarde de l’Environnement du Sud-Est de Namur, Comité de Couvin, Comité de Chimay, Comité de Les Tailles, Comité de Bastogne-Marvie, Comité de Burtonige-Werbomont, Comité de Wicourt-Mabompré.