Jeux Olympiques : retour sur Londres 2012, comparaisons et héritage

Londres a affronté les mêmes défis que Paris pour les Jeux Olympiques : espaces réutilisables, flexibilité architecturale et intégration urbaine. Paris, comme Londres avant elle, voit les budgets grimper, les prix des billets augmenter et des renoncements en matière d’inclusivité. Douze ans après, quelles comparaisons et surtout quelles leçons tirer de l’expérience anglaise ?

Le 6 juillet 2005, les Jeux Olympiques de 2012 étaient attribués à Londres. On se souvient encore du psychodrame en France, le maire de Paris, Bertrand Delanoë, accusant les Anglais d’avoir traversé la ligne jaune :

On ne s’est pas battu avec les mêmes armes. Je veux être fair-play… Mais Tony Blair la ramenait beaucoup et recevait des membres du CIO dans sa chambre d’hôtel, alors que c’est interdit. 

Paris loses the 2012 Olympic Games to London © Cook My Meat

Il faut dire que les Français avaient longtemps pensé que l’organisation des JO à Paris était une évidence. La France venait d’organiser avec un grand succès et une énorme ferveur populaire la Coupe du Monde de football de 1998 (“On est les champions, on est, on est…” ). Elle disposait de la plupart des infrastructures nécessaires, un stade capable d’accueillir la cérémonie d’ouverture des Jeux et l’expérience de l’organisation d’un des plus grands événements sportifs mondiaux. De plus, elle avait prévu un site idéal pour le village olympique, au cœur de la capitale, sur les anciens terrains SNCF du 17e arrondissement.

La défaite amère de 2012 est encore dans beaucoup de mémoires. Pas étonnant donc de retrouver, dans les objectifs annoncés par la candidature de Paris 2024, une ressemblance frappante avec ceux de Londres en 2012. A l’époque, le message de la capitale britannique était de “garantir des Jeux accessibles et inclusifs, et de laisser un héritage durable d’opportunités” . Le slogan français semble être un copier-coller en annonçant “des Jeux inclusifs et fédérateurs, des Jeux sobres et durables” .

 

La préparation des Jeux

Un budget dépassé, comme d’habitude

La référence à Londres est partout. Où en est-on question budget ? « On est exactement dans les clous. Aujourd’hui, on a eu 300 demandes d’évolution contre 6 000 à Londres. On s’est inspiré de leur expérience pour éviter d’avoir trop de modifications car c’est ce qui rend le budget incontrôlable », répond Marion Le Paul, directrice générale adjointe à la Solideo (Société de livraison des ouvrages olympiques), à Ouest France en Octobre dernier. Dans le même article, il est indiqué que le ministère des Finances “s’estime en meilleure posture que Londres en 2012 à pareille époque” .

On verra bien ce que diront les montants finaux pour Paris 2024, mais une chose est sûre : le budget initial pour Londres a été allègrement quadruplé. Initialement présenté dans le dossier de candidature autour de 2,4 milliards de livres sterling, il est rapidement apparu que la TVA et les coûts liés à la sécurité avaient été omis. Ainsi, le montant réel se situait plutôt autour de 3,9 milliards (ou 4,6 milliards d’euros). Finalement, il atteindra un chiffre de 9,3 milliards (mais on parle de plus de 11 milliards en incluant les coûts post-JO de conversion des infrastructures, soit entre 12 et 15 milliards d’euros). Mais de toute façon, qui est assez naïf pour encore croire aux chiffres annoncés par les différentes candidatures ?

Le budget présenté par Paris dans le dossier de 2017 était de 3,2 milliards d’euros pour le coût assumé par le Comité d’organisation. À cela s’ajoutaient 3,6 milliards pour le coût des infrastructures, soit un total de 6,8 milliards d’euros. La facture se situe actuellement autour de 9 milliards (fin 2023 on parlait de 4,38 milliards d’euros pour le comité et de 4,49 milliards pour la Solideo en charge des infrastructures, sans compter les primes pour la fonction publique). Il est probable que le budget total dépassera les 10 milliards d’euros. Sachant que les JO de Tokyo 2021 (Covid et report d’un an compris) ont coûté 12 milliards d’euros, qu’Athènes 2004 avait coûté entre 10 et 13 milliards d’euros et que Rio 2016 avait atteint 36 milliards, Paris ne s’en sort finalement pas trop mal en passant de 6,8 milliards à 10 ou 11 milliards (il sera intéressant de lire le rapport de la Cour des comptes prévu à l’automne 2025).

Au passage, ajoutons que les primes négociées en France pour les agents de service public qui travailleront pendant les Jeux n’ont rien d’exceptionnelles (entre 1 600 et 2 500 euros pour les conducteurs de la RATP, 95 € par jour pour la SNCF,  jusqu’à 1 900 € pour les forces de l’ordre, pareil pour les éboueurs de la Ville de Paris). À titre de comparaison, Londres avait prévu un bonus de plus de 1800 £ (environ 2000 €) pour le personnel du métro et de 500 £ (environ 600 €) pour ceux du bus. De plus, les militaires avaient reçu une compensation de 2,5 millions de livres sterling, sous forme de don de la part de la société de sécurité privée G4S, suite à son incapacité de fournir le personnel promis.

En comparant avec les montants effectivement dépensés, le budget présenté lors d’une candidature aux JO et constamment dépassé, voir explosé (en réalisant un excédent en 1984, Los Angeles est l’exception qui confirme la règle). Paris fut désignée en 2024 car … personne d’autre ne voulait les organiser. Toutes les autres candidatures (Hambourg, Rome, Budapest, Boston) se sont retirées faute de soutien populaire et Los Angeles passa un accord avec le CIO dès juillet 2017, deux mois avant la décision, pour organiser 2028.

 

La sécurité en question

La sécurité de l’événement londonien fut assurée par 40 000 personnes. Outre les 13 000 policiers mobilisés, il faut ajouter 22 000 membres des forces armées britanniques et environ 5 000 agents de sécurité privés. Entre le dépôt de candidature et le début des Jeux, le coût de la sécurité est passé de 282 millions de livres sterling à 553 millions de livres (660 millions d’euros).

Pour Paris 2024, on annonce la mobilisation de 30 000 policiers, policières et gendarmes. À cela s’ajoute 15 000 militaires, un chiffre susceptible d’augmenter (on parle désormais de 20 000). De plus, le ministère de l’Intérieur souhaite disposer de 17 000 à 22 000 (voire 35 000 selon certaines estimations) agents de sécurité privée. D’après les chiffres de fin 2023, 9 500 agents de sécurité avaient été recrutés en prévision des Jeux olympiques. Donc, si vous comptez bien, il est prévu environ 70 000 personnes pour la sécurité. C’est presque le double de Londres ! Et comme l’ambiance du pays est à l’autorité et à la répression, vous ne serez pas étonné de voir que selon un sondage réalisé pour Le Figaro et Fiducia publié le 25 janvier dernier, 51 % des Français jugent les effectifs alloués à la sécurité insuffisants. Pourquoi ne pas proposer 100 000 forces de l’ordre ? Ou 200 000 ? (dans ce cas il faudra réquisitionner l’ensemble des militaires actifs !)

Le coût initial de la sécurité pour Paris 2024 était estimé à 250 millions d’euros. Il a été réévalué à 419 millions d’euros durant l’été 2022, et il pourrait bien atteindre les 600 millions d’euros (sans compter un certain nombre de dépenses telles que les drones, que le ministère de l’Intérieur a décidé de présenter comme des investissements pour le futur, et donc non directement liées aux JO !). Sachant que Londres a dépensé plus de 600 millions d’euros pour deux fois moins d’effectifs, on devrait découvrir que la facture est en fait nettement plus salée lorsque la Cour des comptes rendra son rapport.

En 2012, les agents de sécurité privés étaient fournis par la société privée G4S, qui se présente comme “le premier fournisseur mondial de solutions de sécurité” . La société devait fournir 13 700 agents et avait signé un contrat de 284 millions de livres sterling (340 millions d’euros). Mais elle a attendu le dernier moment, deux semaines avant la cérémonie d’ouverture, pour finalement annoncer qu’elle en aurait deux fois moins. L’armée a dû mobiliser en catastrophe 4700 soldats en plus pour combler en partie le manque. Imaginez un instant le scandale si cela se passait aujourd’hui en France. Pourquoi personne n’avait rien vérifié au niveau du gouvernement ou du comité ? Parce que l’État avait déjà délégué tellement à cette société qu’elle semblait faire partie des services publics.

Niveau fiabilité et crédibilité, on pourrait facilement comparer G4S à Blackwater, cette société américaine qui s’est fait une réputation pour des tueries en Irak. Cela ne l’a pas empêché de continuer à recevoir des contrats de l’État britannique pour plusieurs milliards. En 2010, la société faisait face à 700 plaintes pour abus de pouvoir et maltraitance dans les centres de migrants qu’elle gérait pour le compte du gouvernement britannique. En 2013, sous l’accusation de fraude fiscale, G4S dû payer 109 millions de livres sterling. “C’est ce que vous obtenez lorsque vous externalisez la sécurité nationale à une entreprise privée”, a déclaré Libby Purves dans le Times. L’entreprise prend des raccourcis partout où elle le peut, “en essayant de réduire les coûts en ne payant personne plus longtemps que nécessaire” afin de maximiser son profit. Au Royaume-Uni, G4S gère toujours six prisons britanniques, intervient au sein du système d’écoutes téléphoniques et d’espionnage (GCHQ), et joue un rôle administratif dans les secteurs de la santé et de l’éducation.

 

Un plan de régénération urbaine au coeur du projet

De même que Paris distingue (y compris dans les budgets, comme on l’a vu plus haut) l’organisation des Jeux à la charge du Comité et les infrastructures pour la Solideo, Londres avait plusieurs agences en charge du projet. La London Organizing Committee for the Olympic and the Paralympic Games a été chargée de l’organisation de la manifestation sportive. L’Olympic Delivery Authority a pris en charge la réalisation des équipements en amont de l’événement. Une dernière agence a été spécifiquement dédiée à la reconversion des installations après la tenue des Jeux et à la gestion de l’héritage des JO, la London Legacy Development Corporation.

Le grand chantier des JO de Londres s’est étalé sur 4 ans, à partir de 2008 essentiellement. Dès le début, le but était d’éviter les « éléphants blancs », ces infrastructures qui par la suite deviennent inutiles, comme cela a pu être le cas à la suite des Jeux d’Athènes en 2004, de Beijing en 2008 ou de Rio en 2016. La ville anglaise a fortement insisté sur la reconversion prévue des sites et équipements après l’événement, en prévoyant une flexibilité permettant leur utilisation après les JO. Comme nous le verrons dans la dernière grande partie de cet article, les résultats peuvent être mitigés et eurent, dans tous les cas, un coût important de modifications.

Paris a eu très peu de nouvelles structures permanentes à construire (le centre aquatique près du stade de France et le mur d’escalade du Bourget sont les deux seuls équipements sportifs conçus de façon pérenne) et a suivi Londres et ses objectifs de réversibilité et de reconversion. Notons qu’à la différence de la capitale britannique (et de toutes les autres villes dans le passé récent, hormis Los Angeles en 1984), Paris n’a pas eu à construire de stade olympique car elle réutilise le Stade de France. Celui-ci a une capacité de 80 000 places, identique à celui de Londres en 2012. Comme pour les Jeux de 2012 qui ont organisé la voile à Weymouth ou certains matchs de football à Manchester, Glasgow, Newcastle, Coventry et Cardiff, le canoë dans le Berkshire, en 2024 certains événements se dérouleront dans d’autres villes de France.

Le projet de 2012 mettait aussi en avant la régénération de tout un quartier autour de Stratford, situé dans l’est de la capitale. Si cela vous semble très similaire à ce qui est prévu pour Saint-Denis et le village olympique, c’est normal. Comme on l’a dit, la candidature de Paris s’inspire des Jeux de Londres en les mettant au service du développement d’un projet urbain à long terme.

La réalisation du parc olympique de Londres a impliqué un important déplacement de populations et d’activités locales : 5 000 habitants de Stratford ont été expropriés, 209 entreprises ont dû partir et 996 emplois ont été délocalisés hors du borough (dont plus d’un quart carrément en dehors du Grand Londres, comparable à l’extérieur de la zone délimitée par la Francilienne parisienne).

Les Jeux de 2024 ne s’appuient pas sur un parc olympique centralisé mais sur différents pôles intégrés autant que possible à des projets urbains en cours (comme l’écoquartier UniverSeine). Il n’en demeure pas moins que pour Paris aussi 1500 personnes ont été délogées, des logements détruits, des vies chamboulées.

La volonté venant de tout en haut, l’État et la ville de Londres ont ponctuellement dessaisi les boroughs d’une partie de leurs pouvoirs en matière d’urbanisme, notamment pour la délivrance des permis de construire, en limitant le contrôle des habitants sur le projet dont l’avis a souvent été ignoré. Toute ressemblance avec la violence olympique décrite par Jade Lindgaard dans son livre sur Paris 2024 n’est pas fortuite, les mêmes causes engendrant les mêmes effets.

 

L’effort sur les transports

Si Paris a entrepris de nombreux travaux d’amélioration de son réseau ces dernières années, la ville n’avait pas besoin des JO pour cela. Le dossier de candidature de Paris 2024 mettait d’ailleurs en avant le fait que l’accueil de l’événement dans la capitale ne nécessitait aucune infrastructure de transport supplémentaire. Le prolongement de la ligne 14 était prévu de longue date, de même que celui du RER E. Le projet du Grand Paris Express était déjà en cours. Les extensions du tramway, la rénovation et la modernisation des lignes de métro sont régulières et déconnectées de l’échéance 2024.

À l’inverse de Paris, qui était louée pour son réseau de transports en commun (il est amusant de voir que c’est aujourd’hui une grosse inquiétude), c’était le point noir de Londres lors des candidatures de 2005. Fortement critiquée pour sa partie mobilité, Londres a entrepris plusieurs projets visant à améliorer la connexion de Stratford avec le centre-ville, en construisant une branche de la Docklands Light Railway (le métro automatique qui dessert notamment Canary Wharf, équivalent de La Défense à Paris), en étendant le métro aérien qui entoure la ville vers l’est, et en créant un vaste réseau de pistes cyclables. Selon la compagnie de Network Rail, 4 000 trains supplémentaires ont été exploités pendant les Jeux, avec des rames étendues pendant la journée.

À noter que malgré l’effort important sur les transports, Londres n’a pas décidé de doubler les tarifs de ses transports urbains pendant la période des Jeux, comme l’a décidé la région Île-de-France. Rappelons que dans le dossier de candidature de Paris pour l’organisation des JO de 2024, il était prévu que les transports en commun soient gratuits pour les spectateurs. Une promesse à ranger dans la boîte des renoncements de Paris 2024, tout comme celle d’une offre de billets pour des Jeux qui se voulaient populaires et familiaux.

 

La polémique sur le prix des billets

En 2012, un total de 7 millions de billets furent vendus, sur un total de 8,8 millions disponibles pour les JO (hors paralympiques). Officiellement il fut annoncé que 90% de ces billets seraient au prix maximum de 100 £ (120 €), deux tiers au prix maximum de 50 £ (60 €) et 2,5 millions au prix de 20 £ (24 €) ou moins. Toutefois, les prix variaient fortement en fonction de la nature de la compétition, avec un prix moyen de 232 £ (275 €) pour les finales d’athlétisme ; un cinquième des billets coûtant plus de 400 £ (470 €) et jusqu’à 725 £ (850 €) pour la finale du 100m. L’Assemblée de Londres précisait, dans un rapport publié en 2013, que “personne n’a pu acheter un billet pour les épreuves olympiques d’athlétisme, de cyclisme sur piste ou de natation pour moins de 50 £” . Si des tarifs spéciaux étaient accordés aux enfants (avec le programme “Tu paies ton âge”, qui représentait à lui seul la moitié des billets au prix minimum) et un tarif fixe de 16 £ (19 €) pour les personnes de plus de 60 ans, ils n’étaient pas disponibles du tout pour de nombreuses finales.

Et encore, c’est lorsque des tickets étaient vendus. Le Guardian a ainsi rapporté que, sur les 80 000 sièges disponibles pour la finale masculine du 100m, seulement 29 000 (36%) ont été mis à la disposition du public. Pour la finale au vélodrome, seules 2500 des 6000 places furent mises en vente. Dans ces conditions, pas étonnant de voir la polémique monter alors que de nombreuses images montraient des parties réservées au public vides, certains accusant les sponsors de ne pas utiliser leurs tickets, d’autres des erreurs de gestion des capacités.

On est tout de même très loin des polémiques qui touchent la vente des billets pour 2024. Certes, malgré les prix élevés, les billets se sont tout de même arrachés en quelques heures, voire quelques jours au plus, un succès comparable aux Jeux de Londres. Cependant, à la différence de 2012, où une grande proportion des billets était proposée à des tarifs relativement abordables, seulement 1 million des 10 millions de billets disponibles pour Paris étaient accessibles au tarif le plus bas de 24 €. Très rapidement, les acheteurs se sont vus proposer des prix prohibitifs, allant jusqu’à 690 € pour certains événements et même jusqu’à 2 700 € pour la cérémonie d’ouverture.

Tony Estanguet, président du comité d’organisation, a tenté de justifier ces prix en comparant avec ceux de Londres :

“A Londres, on était à 20 livres, ce qui fait 27 euros avec l’inflation, et, en prix maximum, ils étaient à 725 livres donc un peu plus de 1 000 euros avec l’inflation aujourd’hui” .

Peut-être les mêmes prix (et encore, les enfants et les plus âgés payant moins de 18 £), mais pas les mêmes volumes comme on l’a montré ci-dessus. Pour des jeux présentés lors de la candidature comme “accessibles à tous” on aura vu mieux !

 

L’héritage de Londres 2012 : une gentrification de l’ancien espace olympique, avec la population pauvre poussée autour

La capitale britannique se voulait un modèle de gestion de l’héritage de Jeux. Douze ans plus tard, qu’en est-il vraiment ? Le bilan est plus que mitigé.

 

Si les infrastructures n’ont pas été laissées à l’abandon, leur transformation et leur maintenance ont alourdi la facture pour la contribuable

Dès l’élaboration de la candidature de Londres, la réutilisation des infrastructures avait été pensée pour éviter le problème des “éléphants blancs” . Aujourd’hui, les cinq installations permanentes (le stade, le centre aquatique, le vélodrome, le centre multisports et le Lee Valley White Water Centre pour du canoé et du rafting) sont ouvertes au public et accueillent des compétitions sportives. Les trois dispositifs temporaires ont été démontées.

Mais si les structures n’ont pas été laissées à l’abandon, cela ne veut pas dire que tout va bien. Le stade olympique est un gouffre financier (au moins quelque chose que Paris va éviter, puisque le Stade de France est d’ores et déjà rentable selon la Cour des Comptes). Construit pour un coût de 486 millions de livres sterling, il a ensuite été converti en stade de football permanent pour 274 millions, portant le total à 760 millions de livres sterling (900 millions d’euros, soit à peu près pareil que les 950 millions d’euros du Stade de France). S’il est maintenant loué 2,5 millions de livres par an (3 millions d’euros) par l’équipe de football de West Ham qui joue en Premier League, il demeure une perte massive, coûtant encore au public environ 8 millions de livres sterling chaque année (9 millions d’euros) pour son exploitation. Aux dernières nouvelles, le stade était évalué à zéro dans les comptes de la ville.

“[En étant loué à West Ham, le stade olympique] ne remplit pas les termes du ‘contrat’ qui devait faciliter la pratique du sport dans les communautés de l’East End et d’ailleurs, particulièrement chez les jeunes. C’est une promesse olympique classique qui n’a pas été tenue […]. Les citoyens de l’East End n’ont pas du tout bénéficié des Jeux…” juge Stephen Wagg, professeur à l’université de Leeds Beckett, dans une étude de Sciences Po intitulée “Les Jeux de Londres et l’héritage Olympique” .

Le London Aquatics Centre devait initialement coûter 73 millions de livres sterling (environ 85 millions d’euros), mais finalement, sa construction a totalisé 242 millions de livres sterling (environ 290 millions d’euros), auxquels s’ajoutent 34 millions de livres sterling (environ 40 millions d’euros) pour sa conversion après les Jeux Olympiques. De plus, le centre continue d’engager des dépenses d’exploitation et d’entretien. Récemment, il est passé sous contrat privé.

Les autorités locales en charge de gérer le Vélodrome, qui a coûté 105 millions de livres sterling (environ 125 millions d’euros), ainsi que le centre Lee Valley White Water, dont la construction a coûté 31 millions de livres sterling (environ 37 millions d’euros) auxquels il faut ajouter 6,3 millions de livres sterling (environ 7,5 millions d’euros) pour les coûts de reconversion, ont indiqué l’an passé qu’elles devaient éponger un déficit de trois quarts de million de livres. Ce montant est principalement dû aux réparations et à l’augmentation des coûts de services, causant un trou de 739 000 livres sterling (environ 880 000 euros) dans le budget.

Le Copper Box Arena, un complexe multi-sports qui a coûté 44 millions de livres sterling (environ 52 millions d’euros), est probablement le seul héritage vraiment rentable. Sa flexibilité lui permet d’accueillir une variété d’événements, des matchs de tennis de la FedCup aux compétitions d’e-sport ou aux événements mettant en vedette des YouTubers.

Et doit-on parler de la Tour Orbit (un temps nommée “ArcelorMittal Orbit“) voulue par Boris Johnson maire de Londres de 2008 à 2016 ? Initialement, le site était destiné à accueillir des logements, mais tant pis, Johnson voulu  la place un emblème des Jeux, une merveille qui rivaliserait avec la Tour Eiffel.  On a donc une sorte de grillage emmêlé qui a coûté 19,1 millions de livres sterling (23 millions d’euros), avec 10 millions donnés par l’homme le plus riche de Grande-Bretagne, le président de l’entreprise sidérurgique ArcelorMittal, Lakshmi Mittal, 6 millions prêtés et 3,1 millions provenant de l’Etat.

Malgré ses ambitions, la structure en acier haute de 115 mètres n’a toujours pas réussi à gagner de l’argent. Elle devait accueillir 350 000 visiteurs par an (7 millions pour la Tour Eiffel), on parle aujourd’hui de 150 000. Après les Jeux et sa réouverture au public en 2014, les recettes (15 £/18 € par adulte) ne couvraient pas les coûts de maintenance et la tour perdait 10 000 livres par semaine, un demi million par an. On atteindrait 13 millions de Livres Sterling de dette en 2019, probablement plus de 15 millions (18 millions d’euros) aujourd’hui. La tour est d’ailleurs actuellement fermée pour maintenance. Le rapport financier de la ville de Londres de 2021 note avec humour :

“Le parc a subi moins de pertes pendant la pandémie parce qu’aucun événement n’y a été organisé.”

 

La gentrification sur fond de promesses oubliées

Au-delà de la réutilisation des équipements, l’exemple de Londres d’utilisation des Jeux pour régénérer une zone défavorisée a servi d’inspiration à Paris.

Les Jeux de Londres se sont inscrits dans le cadre d’une opération globale de redéveloppement urbain de l’Est londonien, plus précisément du quartier de Stratford, situé dans le district de la collectivité de Newham, historiquement l’un des plus pauvres de Londres. Ce fut d’ailleurs un argument majeur du dossier final de candidature, présentant Londres comme les « Jeux du renouveau urbain ».

Ce noyau de pauvreté avait jusqu’alors peu bénéficié de la croissance de l’Est londonien. Le site choisi pour le futur parc olympique était en grande partie constitué de friches industrielles et de voies ferrées abandonnées. La reconversion du parc olympique en un quartier urbain à usage mixte, nouvelle centralité de l’Est londonien, visait donc à produire des logements et à créer des emplois dans cette zone en difficulté, des éléments clés du projet olympique.

En 2007, le président du comité d’organisation, Sebastian Coe (le Tony Estanguet anglais), prévoyait la création de 30 000 à 40 000 nouveaux logements autour du parc Olympique, dont une grande partie serait des habitations aux loyers modérés réservés aux travailleurs clés tels que les infirmières ou les enseignants. Cependant, entre la vision promise et la réalité, il y a un écart important.

L’ancien village olympique et le centre des médias, désormais appelés East Village et Here East, ont été reconvertis en logements et en espaces pour les entreprises, créant 2800 logements, dont la moitié est destinée au logement social ou intermédiaire. Dans tout le quartier, le Guardian a signalé qu’en 2022, seules 13 000 habitations avaient été construites. La promesse de créer entre 15 000 et 20 000 logements abordables, utilisée comme justification principale dans le dossier de candidature, s’est, elle, complètement envolée..

“Pendant ce temps, dans les quatre arrondissements que le site chevauche – Newham, Tower Hamlets, Hackney et Waltham Forest – il y a près de 75 000 ménages sur la liste d’attente pour un logement social, dont beaucoup vivent dans une pauvreté désespérée. Des milliers d’anciens résidents ont également été relogés en dehors de la région depuis les Jeux olympiques” , remarque le Guardian.

Dans l’étude de Sciences Po de 2017, les auteurs pointaient déjà un bilan mitigé :

“Si la reconversion du site comme le développement économique du quartier sont globalement considérés comme une réussite, cela s’est fait en partie au détriment des populations et de l’identité du quartier qui l’a accueillie.”

Lendlease, la société australienne en charge de la construction, a rencontré des difficultés suite à la crise de 2008, et l’État a dû intervenir pour tout racheter en cours de route au prix de 1,1 milliard de livres sterling. Cependant, il n’a pas saisi l’opportunité d’augmenter le quota de logements sociaux. La plupart de ces logements restent inaccessibles aux milliers d’habitants d’origine qui ont été déplacés. Seuls 675 sont classifiés comme HLM, le reste étant soit en loyer intermédiaire (jusqu’à 80% du prix du marché, avec des critères de salaire entre 80 000 et 100 000 euros alors que le salaire moyen en 2023 était de 45 000 euros par an à Newham) ou accessible sous forme hybride mi-loyer/mi-achat. Le reste est labellisé comme résidences privées de luxe.

Il est également important de mentionner que 450 appartements HLM ayant dû être détruits pour faire place nette, le gain final est encore plus insignifiant : seulement 225 nouveaux logements au loyer modéré, sur les 2800 logements du parc. Selon les données communiquées par la Legacy Corporation, le taux de logements sociaux devrait être de 13% une fois le projet complètement achevé, ce qui est loin des promesses de “grande partie des logements aux loyers modérés” de Sebastian Coe, et ne respecte même pas le plan d’urbanisme qui fixe le montant à 35%.

La partie lucrative du parc, constituée des logements privés, a été cédée en 2011, un an avant les Jeux, à une société détenue en partie par la famille royale du Qatar (Qatari Diar). Le prix payé fut environ la moitié de ce qui avait été nécessaire à la construction, soit une perte de 275 millions de livres sterling pour le contribuable britannique.

Un trois pièces en logement social commence à 1150 £ par mois (1300€), soit le double de ce qui était payé avant selon un locataire cité dans le Guardian. Au sein du parc privé, les loyers démarrent à 1750 £ (2000€) par mois pour un studio et s’élèvent à plus de 4000 £ (4700 €) pour appartement avec terrasse. « Il n’y a plus la prétention que l’héritage essaie d’obtenir un résultat positif pour les habitants de l’East End. C’est totalement dirigé par une idéologie de marché, déguisée en un discours ambitieux, avec quelques babioles distribuées pour satisfaire les gens du coin, tout en répondant principalement aux besoins des riches. C’est un échec massif à tous les niveaux », constatait l’ancien directeur des opérations à la London Development Agency, Nick Sharman en 2022, dans le Guardian. Il sait de quoi il parle, il a passé six ans au comité de planification de l’organisme chargé de tenir les promesses faites lors de la candidature.

Le centre des médias du Parc olympique a soi-disant été transformé en espace de travail à bas prix. Dans les faits, une étude en 2018 a montré que 80% des employés étaient blancs, contre seulement 31% dans le reste des quartiers. Les espaces “abordables” ne le sont pas vraiment pour la population qui avait l’habitude de travailler dans le quartier.

Ces quartiers étaient déjà en difficulté, mais loin de les aider, le projet olympique a servi de moyen pour les éradiquer définitivement, faisant table rase d’un espace que les promoteurs des JO qualifiaient de dépotoir, pollué par l’industrie, pour construire sur une nouvelle base.

Dans tous les cas, ces quartiers auraient été redéveloppés. Mais surement pas avec cette violence, analogue à celle dont parle Jade Lindgaard dans son livre sur Paris 2024. De la même façon que l’autrice raconte comment les jardins d’Aubervilliers ont été détruits pour les JO, on se souviendra aussi du combat perdu par les résidents pour sauver les jardins potagers de Manor Park rasés pour construire le parc olympique.

D’ailleurs, il suffit de voir l’exemple de Paris qui avançait pour 2012 la création d’un nouveau quartier dans le nord du 17e sur des friches de la SNCF, une fois le village olympique reconverti. Le projet urbain a vu le jour sans les JO, autour du Parc Martin Luther King et du nouveau Palais de Justice, et il en aurait sûrement été de même pour Stratford en l’absence des JO ; dès avant la candidature de 2003, il y avait déjà un projet sur la table avec 5000 logements et 30 000 emplois, le quartier devant devenir un nouveau centre d’affaires. Les JO ont servi de catalyse pour mobiliser les acteurs publics et privés et lever des fonds plus rapidement, mais du coup plus brutalement, et surtout pas forcément en tenant compte du besoin local.

Il y a en effet un fossé entre un réaménagement urbain dans le cadre de la politique urbaine et un redéveloppement dans le cadre d’un projet olympique. Un des architectes de Londres se souvient du chamboulement des plans pour s’adapter aux conditions du Comité international d’organisation (CIO) et explique au Guardian :

“On nous a demandé de proposer une version du plan sans les Jeux, ce qui nous semblait à tous plus probable. Puis soudain, nous les avons obtenus, et des caisses de cahiers des charges techniques sont arrivées du CIO. Nous nous sommes dit : ‘Oh merde ! Il faut pouvoir atteindre chaque arrière d’immeuble en venant du parc olympique en 20 minutes, dans un sens giratoire spécifique sur des routes dédiées. Est-ce même possible ?’ ” .

Résultat : des routes très larges et nombreuses étaient prévues pour le déplacement des athlètes, toutes devant atteindre et traverser le parc, donnant l’apparence d’un campus d’université américaine plutôt que d’un réseau de ville. Et surtout, le tout était enclavé car pour assurer la sécurité des JO, il devait être possible d’isoler rapidement l’ensemble de l’espace olympique en cas de problème. Par conséquent, le parc olympique est peu intégré aux quartiers environnants. Cela se manifeste aujourd’hui par une fracture urbaine très visible entre les populations aisées du parc olympique et celles des populations plus pauvres qui l’entourent. Plutôt qu’une véritable intégration dans l’environnement historique et architectural préexistant, c’est un nouveau quartier sans rapport qui a été simplement greffé sur l’ancien.

En 2004, dans un interview au journal suisse Le Temps, Sebastian Coe annonçait :

“Avec ce projet, je veux laisser un paysage transformé – je doublerai les espaces verts –, je veux laisser des équipements qui ne donnent pas dans le prestige mais qui vont améliorer la vie des habitants du coin, des jobs, des maisons…”

Dix ans plus tard, l’héritage des Jeux olympiques a donné naissance à un magnifique parc parsemé de lieux sportifs impressionnants et de résidences luxueuses, avec des attractions culturelles en cours de développement. Cependant, les plus pauvres et les plus vulnérables, dans les arrondissements les plus défavorisés de Londres, en ont été les grands perdants. En termes d’ingénierie sociale, un universitaire décrit cela comme un succès complet, en commentant ironiquement : “un endroit magnifique pour ceux qui peuvent se le permettre, entouré de personnes vivant dans une pauvreté désespérée” . Le rapport de la mairie de Londres publié en 2021 dresse un constat amer, bien loin des intentions exprimées 17 ans plus tôt par le chef de l’organisation des JO 2012 :

“Que ce soit au sujet des infrastructures sportives coûteuses et inutilisées ou au niveau des faibles niveaux de logements aux loyers modérés, il est difficile de comprendre ou de justifier les investissements continus dans ce projet. Le Royaume-Uni se rappelle avec fierté et joie les Jeux olympiques de 2012, il est dommage de voir que leur héritage est maintenant un fardeau pour les Londoniens.”

 

Une amélioration des transports, mais des stations abandonnées

À Londres, les Jeux ont clairement contribué au désenclavement du quartier sur le plan des transports. En plus de la liaison de métro, l’impact des JO est aussi nettement visible lorsque l’on examine la carte des pistes cyclables aménagées et protégées, qui partent de la City et s’étendent vers le nord-est de Londres, jusqu’à Stratford, tandis que dans le reste de la vaste ville, on ne trouve que des tronçons sporadiques, souvent réduits à une simple bande de peinture sur la chaussée. Depuis 2012, aucun projet d’aménagement cyclable d’envergure n’a été réalisé, à l’exception de celui reliant Westminster (Big Ben) à la City (l’équivalent de la rue de Rivoli, avec un espace spécialement aménagé et réservé aux cyclistes).

L’autre grand projet lié aux JO était le déplacement de l’arrivée des Eurostar de la gare de Waterloo, dans le sud de la capitale, vers le nord de Londres, avec l’idée de faire passer l’Eurostar par Ebbsfleet International, puis par Stratford International, situé juste en bordure du parc olympique, pour arriver à St Pancras International (un peu comme si l’on décidait que les TGV en provenance de Marseille arriveraient à la Gare du Nord pour desservir Saint-Denis). Pour cela, il a fallu construire 20 km de tunnels contournant la capitale. Tout cela a représenté un coût de près de 7 milliards de livres sterling (environ 8 milliards d’euros, 2 fois et demi plus par kilomètre qu’une ligne grande vitesse en France), sans compter les stations (Stratford International a coûté 210 millions de livres sterling, soit environ 250 millions d’euros, et dès 2006, il était surnommé l’éléphant blanc des JO). Aujourd’hui, tous les Eurostar passent par Stratford mais ne s’y sont jamais arrêté. La station d’Ebbsfleet n’a jamais vraiment vu sa fréquentation décoller et a été abandonnée pour les liaisons Eurostar suite à la pandémie de COVID-19.

Et je vous ai gardé le meilleur pour la fin : le fameux téléphérique, qui a couté 65 millions de livres sterling (77 millions d’euros) pour traverser la Tamise entre la péninsule de Greenwich et les Royal Docks, reliant ainsi les sites olympiques de 2012. Il devait initialement coûter 25 millions de livres (30 millions d’euros) mais la régie des transports londoniens (Transport for London – TfL) s’est trompée et a oublié d’inclure un certain nombre de frais pourtant non anecdotiques comme les coûts d’acquisitions de terrains, les frais d’expertise technique, l’assurance, la gestion du projet… bref au final c’est la société publique qui a pris en charge le surplus en utilisant des fonds jusque-là alloués à des améliorations du transport urbain et en récupérant presque 10 millions de fonds européens (oui, tout cela c’était avant le Brexit !). Heureusement, 36 millions de livres (43 millions d’euros) ont été apportés par Emirates, la compagnie aérienne de Dubai, avec un accord de sponsoring de 10 ans. Depuis 2022 c’est IFS, une entreprise informatique suédoise qui a pris la suite pour 2,1 millions de livres (2,5 millions d’euros) sur 5 ans.

Le téléphérique devait transporter 2500 passagers par heure, mais dès la fin dès sa première année en service les données montraient que seules 300 personnes l’utilisaient certains jours. Il faut dire que contrairement à ce qui avait été annoncé (une ligne de transport supplémentaire), la seule attractivité semble aujourd’hui touristique. Au prix de 6 £ le ticket, soit deux fois plus cher que le métro, pour faire 1 km allant de nulle part à nulle part, les Londoniens y voient peu d’intérêt. Même si Boris Johnson aura faire rire le pays en se balançant accroché au fil, c’est cher pour une blague.

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Boris Johnson gets stuck on a zip wire in London’s Victoria Park © On Demand News

Stratford a, par contre, bénéficié du gros projet de métro rapide (équivalent au RER A) reliant l’est de la capitale à l’ouest, qui s’est ouvert en 2022 avec 4 ans de retard (prévu sur 10 ans il en a fallu 15) et coûtant 4 milliards de livres sterling supplémentaires (passant de 15,9 milliards de Sterlings à 18,9 mds). Mais cela n’a aucun rapport avec les JO. Un deuxième axe nord-sud devait d’ailleurs être construit dans la foulée, mais il n’y a plus d’argent.

Quels espoirs pour Paris ?

Les Jeux de 2012 à Londres furent considérés comme un succès éclatant. Dans la ferveur de la fête du sport, les difficultés qui avaient émaillées l’organisation initiale furent complètement oubliées. Les Britanniques ont adoré leurs Jeux. Ils les ont appelés les “feelgood games”, arrivés juste un an après les émeutes qui avaient marqué le pays en 2011 (tiens, une autre ressemblance avec la France !).

Cependant, passée l’euphorie de l’événement, l’impact des Jeux a été mitigé, voire négatif. Certes, une fois les athlètes partis, Londres s’est retrouvée avec un joli parc sportif, un centre commercial et quelques nouveaux logements, bien reliés au centre de la capitale. Mais cela s’est fait au détriment des populations locales qui ont été déplacées, avec la création de nouvelles fractures urbaines et des promesses de logements aux loyers modérés enterrées.

L’exemple de Londres soulève donc la question de savoir pour quelle population et pour quel territoire est entrepris un tel projet de régénération urbaine. Est-ce pour améliorer les conditions de vie des habitants, l’accès aux services publics, augmenter l’offre de logements abordables et promouvoir la mixité sociale ? Ou bien est-ce pour transformer le profil sociologique de quartiers stigmatisés (ce que les anglo-saxons appellent “social cleansing” ou “nettoyage social”) ? Et cela se fait-il en concertation avec les communautés locales, ou en imposant les changements en vertu de plans et de contraintes établis ailleurs ?

Paris devrait tirer des leçons de l’expérience londonienne. Karim Bouamrane, maire de Saint-Ouen, où se trouve le village olympique, affirme qu’il ne commettra pas la même “erreur” que Londres en s’assurant que les Jeux ne soient pas seulement un “grand événement” pour la capitale, mais également un “accélérateur de particules” pour les populations défavorisées qui bénéficieront du programme de rénovation prévu pour les Jeux.

L’organisation des Jeux olympiques représente l’hubris des politiciens. La dernière ville hôte à enregistrer un excédent opérationnel était Los Angeles en 1984 ; depuis lors, tous les Jeux ont été déficitaires au sens strict. En étant la seule ville candidate à l’époque, Los Angeles avait imposé ses conditions au CIO. Paris s’est retrouvée dans une situation similaire, mais n’en a pas tiré parti.

Finalement, l’appréciation de la véritable valeur générée par les milliards d’euros investis pour Paris 2024 dépendra davantage des objectifs visés que d’une simple analyse comptable. Cet été, espérons que Paris connaisse le même engouement populaire que Londres. Quant à savoir si les Français bénéficieront réellement, sur le long terme, des changements urbains engendrés par l’événement, cela reste encore à voir.

Mais depuis quelques semaines, on peut se demander qui se soucie de tous ces milliards et de tous ces plans. Dimanche 9 juin, le président a renversé la table en dissolvant l’Assemblée nationale. Macron fait un pari. Un pari irresponsable. Un pari perdu même si l’on a évité le pire. Si l’on s’achemine vers un gouvernement gérant les affaires courantes en attendant mieux, on aurait souhaité une meilleure configuration alors que la France s’apprête à accueillir le monde. Les JO de Paris 2024 resteront dans l’histoire, mais peut-être pas pour les raisons souhaitées.

Vonric

Journaliste local sur Londres et plein d’autres choses 😉


Source : https://blogs.mediapart.fr/vonric/blog/220724/jeux-olympiques-retour-sur-londres-2012-comparaisons-et-heritage

Article publié en mai 2024, mis à jour en juillet sur le blog vonric.wordpress.com

Pour en savoir plus sur les JO à Paris :

https://www.laquadrature.net/2024/07/30/jeux-olympiques-fichage-de-masse-et-discrimination-politique/

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