En 2001, il y avait 50 ans que la Convention internationale relative au statut des réfugiés avait été adoptée. En cette occasion, il fut décidé d’organiser une Journée mondiale des réfugiés afin de sensibiliser à la cause des réfugiés du monde. Depuis, elle se tient chaque année le 20 juin. Voici l’analyse d’un migrant et militant sur ce qu’il vit et voit en Belgique.
Le 9 novembre 1989, le mur de Berlin, le mur de la honte s’était écroulé devant les caméras du monde entier. Le vent de liberté qui avait soufflé à l’Est avait été renforcé par le Discours de la Baule prononcé par le président français François Mitterrand. Dès lors, l’onde de choc de ces événements m’avait aussi atteint dans mon Congo Brazzaville, où des apprentis communistes nous tenaient en tenailles en nous privant de nous mouvoir. Passeport en mains et par choix de vie personnelle, j’ai décidé de partir au lointain. En tout cas, je refuse l’amalgame du gouvernement belge «le migrant, c’est le criminel». Il est inconcevable qu’en plein 21ème siècle, qu’on puisse gouverner avec les idées allemandes de 1939.
Face aux dangers, tout citoyen doit sonner le tocsin. Aujourd’hui, le danger c’est cette dérive droitière à plein régime des autorités européennes qui tournent le dos aux valeurs qu’elles ont porté à l’attention de l’humanité. Les autorités européennes ont reconstruit des murs dans leurs têtes. La Belgique n’échappe pas à ce constat.
Des murs dans les têtes
Aujourd’hui le gouvernement Charles Michel est à un pas de l’immigration zéro. Il nie le fait que, l’immigration a aussi changé le cours de l’histoire de la Belgique. Il est froid et imperméable aux vécus des personnes précarisées, notamment à celles des migrants sans-papiers. Chaque semaine, les migrants sans-papiers ont leur lot de désolation face aux mesures énoncées par le gouvernement sous le prétexte de lutte contre le terrorisme. Il conduit une politique déshumanisante, qui appauvrit encore plus le citoyen belge. Il lutte contre les pauvres, au lieu de lutter contre la pauvreté. Charles Michel et son gouvernement renient les valeurs pour lesquelles la Belgique s’était montrée progressiste en 1993, en adoptant la loi dite de compétence universelle. A cette époque, nous avions une Belgique qui se rangeait du bon côté de l’histoire, prête même à réprimer les actes et décisions des dirigeants des pays étrangers ne respectant pas les droits humains.
Eh bien! cette Belgique avant-gardiste dans la défense des droits humains n’existe plus. La soi-disant popularité de Théo Francken dans l’opinion publique, me laisse sceptique. Je ne crois pas qu’une personne qui refuse d’apprécier l’apport des migrants, qui distille son venin xénophobe à la jeunesse et dont l’outrance dépasse les limites puisse être le plus populaire des hommes politiques du Royaume. En quoi une personne qui frappe au jour le jour les hommes, femmes et enfants qui sont à terre, peut-il devenir populaire? Une personne malfaisante traquant ses semblables, des êtres humains qu’il rencontre chaque jour, ne saurait être populaire. Théo Francken devrait indigner les Belges. La personnalité politique la plus populaire devrait être celui qui concentre ses efforts pour l’amélioration du bien-être social des citoyens, celui qui crée des emplois pour des jeunes.
Je refoule de ma mémoire les absurdités du gouvernement fédéral belge dont la première l’avait conduit à refuser de récupérer les «rulings fiscaux» de 700 millions octroyés à 35 multinationales, alors que son budget est chaque année déficitaire. Aussi paradoxal que cela puisse vous apparaître, la deuxième absurdité a conduit la Belgique a voté le 19 avril dernier pour l’Arabie saoudite, comme l’un des 13 membres de la commission des Nations Unies pour les droits des femmes. Alors qu’il est avéré que les droits des femmes et des jeunes filles sont intégralement confisqués par la monarchie de ce pays, la Belgique de Charles Michel s’en moque royalement. Ce qui compte pour elle, ce sont les pétrodollars des monarques saoudiens. La troisième absurdité qui me fait dire que la Belgique va dans le sens contraire de l’histoire est la récente mesure décidée au cours du Conseil des ministres du dimanche 14 mai 2017. Cette mesure porte sur la construction des centres fermés à Anvers et à Jumet, alors qu’on leur demande de fermer ceux qui existent.
La migration n’est pas un crime
Les Belges éclairés doivent tout faire pour susciter des interrogations et faire émerger des idées pragmatiques qui conduiront à l’installation d’un véritable vivre ensemble. Il faut tout faire pour stopper la xénophobie rampante de certains membres du gouvernement. Il faut tout faire pour que la question de la migration ne soit plus un terrain où les politiciens en quête de popularité se gargarisent pour enfumer la population. La migration n’est pas un crime. Si la lutte contre la criminalité et l’insécurité peuvent et doivent rester une priorité pour le gouvernement, faire l’amalgame entre le sans-papiers et le criminel et chercher à régler le problème en arrêtant et en expulsant un maximum de sans-papiers est la plus grosse des bêtises. Au lieu de se radicaliser sur l’enfermement des innocents et dans le repli sur soi, Charles Michel grandirait en faisant évoluer le principe de la liberté de circulation des personnes.
Les syndicats et les associations doivent davantage éveiller les citoyens. Ils ne doivent pas feindre d’être amnésiques, en tournant leur regard ailleurs alors que le gouvernement se radicalise contre les migrants sans-papiers et les personnes les plus vulnérables de la société. L’heure est venue pour renforcer les solidarités entre nous, nous qui sommes laissés au bord de la route sans une moindre attention des politiciens. Alors, renforçons la mobilisation contre le gouvernement Charles Michel qui aligne la Belgique du mauvais côté de l’histoire. A mi-parcours de son mandat, tout concorde, il ne vous reste qu’à admettre l’incohérence de la politique gouvernementale de Charles Michel. Ce n’est pas un fait théorique, mais c’est une évidence car l’ensemble des politiques qu’il propose, c’est de l’enfumage, elles ne mèneront à rien.
L’avenir de ce royaume repose sur votre volonté à réfléchir. Je ne suis pas votre criminel. Tous ceux qui ne veulent pas de nous ici, ce sont ceux-là même qui anéantiront ce pays.
Serge
Porte-parole du Comité des travailleurs migrants avec et sans-papiers de la CSC et membre de la Coordination des sans-papiers de Belgique
En complément
Amnesty International mène une campagne sur la politique d’asile avec notamment une pétition lancée en mars dernier.
AI a également publié un livret intitulé «10 préjugés sur la migration». A découvrir et à diffuser.