Le 29 novembre 1947, la résolution n°181 de l’Assemblée générale des Nations-Unies avait mené à la partition de la Palestine[1]. À la veille commémorer cette journée fatidique, l’Association belgo-palestinienne a organisé une visioconférence dans laquelle Sylvain Cypel[2], écrivain et collaborateur à Orient XXI, a répondu aux questions de Mme Leïla Shahid[3], ex-ambassadrice palestinienne auprès de la Belgique, du Luxembourg et de l’Union européenne. Ce fut une soirée remarquablement instructive. Extraits.
À la question que lui a posée Leïla Shahid, « Comment en est-on arrivé là ? », S. Cypel revient brièvement sur son livre Les Emmurés (2006), ouvrage dans lequel il retrace l’évolution du sionisme et de la société israélienne. Société qu’il estime « incapable d’envisager une solution pourtant à portée de main » après l’échec (partiel) de la seconde Intifada.
Le Déni
Les Israéliens sont empreints d’une sorte de déni face aux Palestiniens
Ceci parce que les Israéliens sont empreints d’une sorte de
déni face aux Palestiniens. Déni amorcé par Ben Gourion lorsqu’il chargea aux débuts de l’État l’historien Ben-Zion Dinur (1884-1973) de rédiger les manuels scolaires israéliens. La thèse israélienne officielle fut désormais qu’il n’y avait jamais eu d’expulsion des Palestiniens en 1947-1948 ni dans les années suivantes. Ces derniers étaient « partis » de leur propre initiative ! Depuis, ce déni avait pris de multiples formes. Et, visiblement, l’œuvre des « nouveaux historiens » israéliens
[4], dans les années 1980, n’avait pas eu l’effet auquel on pouvait s’attendre. Ce déni avait même pris des proportions inimaginables.
Vers 2015, l’idée d’écrire un autre livre avait fini par convaincre S. Cypel : L’État d’Israël contre les Juifs (2020). Il y montre une situation qui, en cinquante ans d’occupation depuis 1967, est restée immuable et s’est même aggravée.
Paul Delmotte,
professeur retraité de l’IHECS
Pour voir et écouter l’interview : https://www.association-belgo-palestinienne.be/leila-shahid-sylvain-cypel-regards-croises-sur-lapartheid-israelien-3/
[1] En un État juif (55% de la superficie du pays pour environ un tiers de la population globale), un État arabe (44%) et une zone internationale incluant Jérusalem et Bethléem
[2] Journaliste à l’hebdomadaire Courrier international, puis correspondant du Monde aux États-Unis et en Israël/Palestine, S. Cypel est depuis 2014 collaborateur à Orient XXI. Il est l’auteur de Les Emmurés : la société israélienne dans l’impasse (La Découverte, 2006) et de L’État d’Israël contre les Juifs (La Découverte, 2020). S. Cypel a un temps milité au sein du Matzpen (voir mon article Israël : la gauche f… le camp, POUR, 13.6.20.)
[3] L. Shahid a signé la Déclaration sur l’antisémitisme et la question de Palestine de 122 intellectuels arabes et palestiniens publiée le 30 novembre conjointement en arabe par les journaux Al-Quds (Londres) et Al-Ayyam (Ramallah), en hébreu par Haaretz (Tel-Aviv), en anglais par The Guardian (Londres), en allemand par Die Tageszeitung (Berlin) et en français par Mediapart.
[4] Les « nouveaux historiens », dont les plus connus sont, par ordre alphabétique, Benny Morris, Ilan Pappe, Avi Shlaïm et Shlomo Zand, auxquels on associe le plus souvent les journalistes et chercheurs que sont Simha Flapan[4] et Tom Segev[4]. Ceux-ci doivent leur notoriété et l’essentiel de leurs travaux au travail de dépouillement des archives israéliennes officielles de l’année 1948 que la loi israélienne n’a permis de « déclassifier » qu’en 1978. Travaux qui les ont menés à confirmer dans l’ensemble les griefs palestiniens à l’égard, e. a. de leur expulsion
[5] Trois « affaires » de corruption concernent le Premier ministre. Une quatrième porte sur l’achat, avec commissions « invraisemblables », par B. Netanyahu d’un sous-marin contre l’avis même de l’état-major. Le ministre de la Défense et partenaire de la coalition gouvernementale, Benny Gantz, a demandé le 22 novembre une commission d’enquête, mais Cypel pense que l’affaire « ne sera pas jugée ». Lire https://www.mediapart.fr/journal/international/101219/israel-netanyahou-sous-la-menace-de-l-affaire-des-sous-marins-allemands.
[6] Lire mon article Mythes mortifères, POUR, 11.9.20.
[7] Voir mon article Esther et Natalie, Entre-les-lignes, 18 juillet 2018 : https://www.entreleslignes.be/le-cercle/paul-delmotte/esther-et-natalie .
[8] Rappelons à ce sujet la désignation par Joe Biden, le 23 novembre, de la jeune Américano-Palestinienne Rima Dudin au poste de directrice adjointe du Bureau des affaires légales de la Maison-Blanche, quoique le quotidien libanais L’Orient-Le Jour y voie « un symbole bien plus qu’un véritable changement de fond ».
[9] À l’occasion de la célébration du 75e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau par l’Armée rouge.