Immigration : glissement xénophobe de la droite anglaise et analogie avec la France

Comme si les deux côtés de la Manche s’accordaient sur le même diapason, l’Immigration a occupé en parallèle la France et le Royaume-Uni, où la xénophobie gagne sans complexe le cœur du pouvoir. Par quel chemin en est-on arrivé là outre-Manche, vers où glisse la droite et quelles analogies peut-on dresser avec la situation en France ? 

Illustration 1© Alisdare Hickson from Canterbury, United Kingdom, CC BY-SA 2.0 , via Wikimedia Commons

Au début du mois de décembre, un sujet similaire a monopolisé le débat médiatique de part et d’autre de la Manche (ici et ), et ce n’était pas la préparation des fêtes de fin d’année.

Une semaine exactement avant l’adoption en France de la loi immigration, le Parlement britannique se prononçait lui aussi sur ce que le Premier ministre du Royaume Uni a lui-même qualifié comme le projet de loi « le plus dur » jamais présenté contre l’immigration clandestine.

Contrairement à la France, où la majorité relative du gouvernement oblige à composer, un observateur extérieur pouvait penser que celle très confortable du Parti conservateur anglais ne laissait aucun place au suspense. En vérité, la droite anglaise doit négocier depuis plusieurs années déjà, et elle doit le faire avec sa frange la plus radicale.

Du fait de son système électoral à un seul tour où celui arrivé en tête remporte tout, le Parlement britannique est beaucoup moins fragmenté qu’en France. Si les Conservateurs et le Labour dominent de façon écrasante, c’est en leur sein que les rébellions s’expriment, et parfois violemment car elles peuvent faire tomber un Premier ministre (Margaret Thatcher en 1990, Theresa May en 2019, Boris Johnson et Liz Truss en 2022 en savent quelque chose).

Au sein du Parti conservateur, la frange centriste longtemps incarnée par Ken Clarke, l’ancien ministre des finances de John Major, a quasiment disparu, laissant place à des groupes plus radicaux qui se disputent maintenant la prime de l’extrémisme : l’European Research Group (qui était aux premières lignes pour pousser un Brexit le plus dur possible), les New Conservatives, le Common Sense Group ou encore le Northern Research Group.

Et si la majorité actuelle des Conservateurs est très confortable (près de 150 députés de plus que le Labour, avec une majorité absolue de 59 voix) la position « trop » ou surtout maintenant « jamais assez » droitière du gouvernement rend tout vote délicat.

Pour établir une analogie avec la France, imaginez un grand parti dirigé par Emmanuel Macron qui rassemblerait Ensemble (Renaissance avec Modem et Horizon) avec LR et le RN. Et, dans ce parti imaginaire, on aurait le RN qui menacerait de ne pas voter une loi, voire de s’y opposer, si celle-ci ne reprenait pas ses idées. Ah, mais en fait, pas besoin d’imaginer, nous y sommes, il suffit de se reporter au dernier vote de la loi immigration de Gérald Darmanin pour retrouver cette configuration. Et bien voilà, vous avez maintenant une très bonne idée de la composition du Parti conservateur au Royaume-Uni.

Bien sûr, cette « nouvelle » majorité présidentielle en France n’a pas encore terminé son évolution. Actuellement, un ministre français démissionne parce qu’il trouve la loi trop dure et des députés de la majorité s’abstiennent encore pour protester contre des mesures qu’ils jugent contraires à leurs valeurs. De l’autre côté de la Manche, c’est l’inverse.

Au Royaume-Uni également, un ministre a claqué la porte : Robert Jenrick, le ministre de l’immigration (qui trouvait que les dessins de Mickey peints sur les murs dans un centre pour enfants migrants étaient trop bienveillants), est aussi parti, mais parce que pour lui, la loi proposée au Royaume-Uni… ne « va pas assez loin » . Il aurait notamment fallu totalement interdir les recours devant les tribunaux britannique et sortir de traités internationaux protégeant les droits de l’homme. En gros, mettre fin à l’Etat de droit. Ça se tient, lorsqu’on se rappelle que son amie de longue date, l’ancienne ministre de l’intérieure britannique Suella Braverman, parlait d’invasion de migrants et de tornade. On n’est pas loin du discours du « grand remplacement » cher à Eric Zemmour.

Quant aux abstentions, elles ont réunies une trentaine de députés conservateurs, réduisant la majorité à « seulement » 44 voix, souvent les mêmes raisons : pas assez de radicalité dans cette loi.