Sur le thème de l’emploi, le «grand débat» du second tour de la primaire de la droite et du centre, qui opposait François Fillon et Alain Juppé, fut désespérant.
Les deux candidats, mais François Fillon au paroxysme, raisonnent sur cette question majeure du 21ème siècle avec une approche du siècle précédent.
Ils annoncent, apparemment en y croyant, qu’ils vont pouvoir:
- augmenter la durée du travail de 35 à 39 heures (et en les payant 37 selon Fillon!), voire au-delà avec toute la «flexibilité» nécessaire;
- supprimer 300 à 500.000 emplois publics (fonctionnaires et agents contractuels);
- et réduire simultanément le chômage de moitié!
C’est la quadrature du cercle!
Et dans ce débat, ni l’un ni l’autre des candidats à la fonction suprême, ni aucun des journalistes les interpellant — ce qui est tout aussi inquiétant — n’a soulevé la question de la disparition programmée de millions d’emplois par l’implantation — déjà en cours, mais dont l’ampleur va se développer intensément — d’outils robotiques, numériques et d’intelligence artificielle. Et ce tant dans le domaine industriel de la production des biens (rappelons-nous Caterpillar), que dans le domaine des services administratifs (pensons à AXA) et dans celui des services à la personne (pensons aux aides à domicile ou dans les institutions spécialisées pour l’enfance, le grand âge ou les personnes en handicap).
Un site, hébergé par Amazon Web Services, décrit «25 métiers qui vont disparaître à cause de la technologie», sans aucune critique par rapport à ce développement, mais à la gloire de la technologie et du progrès.
Il faut bien entendu regarder cela avec une perspective critique, précisément du point de vue du politique, c’est-à-dire de la gestion de l’économie et de la maîtrise collective du bien commun. Mais il est indispensable d’intégrer cette évolution dans cet esprit. Ce qui semble totalement échapper à ces grands «dirigeants» dans les batailles électorales en cours.
Dans ce contexte de destruction de métiers et d’emplois, concilier l’augmentation de la durée du travail, la suppression massive d’emplois publics, et une prétendue réduction du chômage, relève soit de l’hypocrisie du discours, soit de l’aveuglement ou d’une incapacité d’analyse intelligente des réalités économiques et sociales.
Ajoutons au passage que nos deux candidats voulaient aussi pour «relancer l’économie» de la France, alléger la fiscalité des entreprises et du capital: en pratique supprimer l’impôt sur la fortune et réduire l’impôt sur les revenus du capital.
Une alternative radicale nécessaire
Une société plus juste et plus respectueuse des êtres humains qui la composent requiert une approche radicalement différente.
Remettre l’humain au centre du politique implique en effet de remettre l’économie, la finance, la science et le progrès technologique au service de l’intérêt général.
Des réformes audacieuses sont requises à cette fin:
- Une vraie réforme fiscale qui harmonise, au moins sur le plan européen, l’impôt des sociétés, à un niveau suffisant, et un renforcement de la progressivité de l’impôt sur les revenus; le tout rendant à la collectivité une capacité financière suffisante pour répondre aux besoins d’infrastructures et de services sociaux, de santé, d’éducation et de culture dans une société de temps libre accru;
- Une réforme radicale du travail, dans le sens de la réduction collective du temps de travail, seule alternative efficace et juste face aux évolutions que nous avons notées précédemment et que ne semblent pas comprendre nos politiques.
Notre rubrique «Travailler tous» vise précisément à mettre en avant cette perspective.