Dans un premier volet publié ici, Charlotte Luyckx et Emeline De Bouver avaient décrit trois manières de répondre aux urgences écologiques. Elles abordent ici trois autres façons de s’organiser pour faire face aux noirs nuages qui s’accumulent à l’horizon de nos sociétés matérialistes.
Les éco-activistes : répondre à la crise par l’action collective
Les éco-activistes s’attèlent précisément à ces questions structurelles. Ils/elles analysent la crise écologique comme crise d’un système politique et/ou économique (qu’on le nomme néolibéralisme, capitalisme ou encore productivisme ou croissancisme) qui écrase tout sur son passage : aussi bien les humains que la nature et l’ensemble des êtres vivants… L’engagement écologique revient dans cette optique à remettre en question, modifier ou renverser les piliers de ce système. Il s’agit pour nos éco-activistes de changer les rapports de pouvoir, de transformer les institutions, de bloquer symboliquement des institutions phares du système. Marches pour le climat, happenings festifs, actions de désobéissance civile, lobbying environnemental, objection de croissance, zones à défendre, créations de partis politiques, action antipub, anti TTIP/CETA, etc. La palette d’actions est extrêmement variée entre sensibilisation, lobbying, désobéissance civile, occupation, manifestations… Dans cette galaxie activiste, nous observons également une grande diversité d’idées sur le pouvoir : pour certain·e∙s il faut le convaincre, pour d’autres le transformer, pour d’autres encore lutter contre lui, le renverser, construire à côté, s’y introduire ou le prendre[2]… L’analyse générale est cependant partagée : la crise écologique est une crise de l’ensemble de notre société : la crise d’un système économique et politique qui a fait son temps et doit maintenant se transformer de façon urgente pour intégrer la question de la justice sociale, les limites planétaires, les peuples du Sud Global…
À l’heure de repenser nos modèles économiques et politiques, les éco-activistes sont bien souvent amenés à questionner notre culture et nos systèmes de croyance. À ce titre, ils/elles se retrouvent confronté·e∙s à des questions philosophiques fondamentales qui débordent la sphère strictement politique et économique et nous engagent dans travail en profondeur sur nos représentations. C’est ainsi qu’une forme moins directement évidente d’engagement écosocial se dessine.
Les écosophes : répondre en développant des représentations culturelles alternatives
Charlotte Luyckx et Emeline De Bouver[1]
Bibliographie
Bolle de Bal, M. (1996), Voyage au cœur des sciences humaines. De la reliance (Tome 1), Paris, l’Harmattan.
Charles, D. (2018), « Quelles stratégies pour l’action collective ? », analyse Fucid, www.fucid.be/wp-content/uploads/2018/10/analyse-reflexion-2018.pdf
Morin, E. (2014), La méthode – 6. L’éthique, Paris, Seuil.
Macy, J. (2008), Ecopsychologie pratique et rituels pour la terre, Le souffle d’or, 2008.
Roszak T., Mary E. Gomes, Allen D. Kanner (1995), Ecopsychology, Restoring the Earth Healing the Mind,
Sauvé L. (2002), «L’éducation relative à l’environnement: possibilités et contraintes», Connexion, Vol. XXVII, n°1/2, p. 1-4.
Taylor C. (1998), Les sources du moi, La formation de l’identité moderne, Paris, Seuil, p. 519.
[1] Cet article a été rédigé dans le cadre du projet d’éducation permanente de l’Institut d’Eco-pédagogie. Vous retrouverez la version illustrée sur leur site : http://institut-eco-pedagogie.be/spip/spip.php?article563
[2]Sur les différentes stratégies d’actions collectives, voir notamment l’analyse écrite par Damien Charles de l’asbl Quinoa en 2018 : Quelles stratégies pour l’action collective ? www.fucid.be/wp-content/uploads/2018/10/analyse-reflexion-2018.pdf
[3] Comme autre vision de l’humain, pensons par exemple aux sphères d’interaction proposée par Lucie Sauvé bien connues du secteur de l’éducation relative à l’environnement voir notamment SAUVÉ L., 2002. « L’éducation relative à l’environnement : possibilités et contraintes ». Connexion, Vol. XXV11, no 1/2, p. 1-4. http://www.espace-ressources.uqam.ca/images/contenu/chaire-ERE/pdf/ConnexionVersionFrancaiseR.pdf
[4] L’Écopsychologie est le nom le plus souvent utilisé pour cette synthèse émergente de la psychologie (qui embrasse les domaines psychothérapeutique et psychiatrique) et de l’écologie. D’autres termes ont été suggérés… Mais quelle que soit sa dénomination, la thèse sous-jacente est la même : l’écologie a besoin de la psychologie, la psychologie a besoin de l’écologie. » (Theodore Roszak,in Roszak T., Mary E. Gomes, Allen D. Kanner Ecopsychology, Restoring the Earth Healing the Mind, 1995). Au sujet de l’écopsychologie, cf également Macy J ,Ecopsychologie pratique et rituels pour la terre, Le souffle d’or, 2008.
[5] Le concept de reliance est développé notamment par le sociologue belge Marcel Bolle de Bal : Voyage au cœur des sciences humaines. De la reliance (Tome 1), Paris, l’Harmattan, 1996 et par Edgard Morin (2014), La méthode – 6. L’éthique, Paris, Seuil, p. 222. La reliance désigne « la création de liens entre une personne et soit un système dont elle fait partie, soit l’un de ses sous-systèmes ». On peut décliner ce concept en distinguant différentes formes de reliance : la reliance sociale, la reliance psychologique (c’est-à-dire la reliance à soi ou à Soi) et la reliance cosmique (c’est-à-dire la reliance à la nature et au cosmos). La reliance se distingue du lien (synonyme de fusion) et de la déliance (rupture des liens) : elle est recréation de liens sur base d’une séparation.