CYPHERPUNKS – JULIAN ASSANGE

JULIAN ASSANGE, UNE VIE
Épisode 5

 

Les Cypherpunks (cypher, le chiffrement + punk) est un petit groupe international de geeks, informaticiens, mathématiciens, philosophes ou scientifiques qui s’est constitué autour d’une mailing list à partir de 1992. Le groupe tourne autour du millier de personnes. Julian le rejoint à partir de 1995. Ses membres fondateurs sont E. Hughes (mathématicien), TC. May (un ancien chef scientifique d’Intel) et John Gilmore (informaticien qui a cofondé l’Electronic Frontier Foundation, une organisation qui soutiendra puissamment WikiLeaks lors de son premier procès ).

Ce qui les rassemble ? Une préoccupation partagée et grandissante autour de la question de la vie privée et de la liberté d’expression sur Internet
.  Ce qui les rassemble ? Une préoccupation partagée et grandissante autour de la question de la vie privée et de la liberté d’expression sur Internet. Comptant parmi leurs membres de nombreux informaticiens, ils sont très bien placés pour observer s’installer la surveillance numérique des États sur les citoyens : en 1991, une loi a été votée aux USA qui autorise l’interception de toute communication dans le cadre de la lutte anti-criminalité. Les Cypherpunks n’ignorent pas non plus que les premiers programmes de cryptographie (Lucifer) destinés au grand public ont vu leurs clés de cryptage bridées par la NSA qui voulait se garder la possibilité de tout décrypter… Le gouvernement américain s’était opposé à la libre circulation de la cryptographie RSA, (invention révolutionnaire de la cryptographie asymétrique de Whitfield Diffie et Martin Hellman qui devait permettre de s’échanger, de manière fiable et sécurisée, des mails cryptés sans que la clé de déchiffrement ne puisse être interceptée). On ne s’étonnera pas que la grande référence des Cypherpunks ait été 1984 d’Orwell.

Voici un extrait de leur manifeste :

Le respect de la vie privée est nécessaire dans une société ouverte à l’ère électronique. (…) Nous ne pouvons pas attendre des gouvernements et entreprises (…) qu’ils nous accordent une protection de la vie privée. (…) Nous devons défendre notre propre vie privée si nous voulons en avoir une. (…) Les codeurs écrivent du code. Nous savons que quelqu’un doit écrire un logiciel pour défendre la vie privée, et … nous allons l’écrire.
« Si vous n’avez rien à cacher, vous n’avez rien à craindre »
On l’aura compris : l’argument du « si vous n’avez rien à cacher, vous n’avez rien à craindre », n’est pas du tout le style de la maison.

Aussi ce petit groupe devient un vrai laboratoire de résistance par la cryptographie. En 1991, Philip Zimmermann, crée Pretty Good Privacy (PGP), un logiciel libre de cryptage dérivé du RSA qui est toujours à l’heure actuelle un des logiciels les plus utilisés dans le monde. PGP s’opposant directement aux décisions politiques américaines de l’époque, Zimmermann en fera les frais : en 1993, il est la cible d’une enquête criminelle ouverte contre lui par le gouvernement américain. L’enquête sera abandonnée en 1996…

Ces avancées dans la cryptographie permettent de croire qu’elles vont rendre possible la transformation d’Internet en un outil d’émancipation des peuples. Elles sont à l’origine d’un véritable moment d’utopie. Julian Assange y contribue en participant au développement de NetBSD, (un système d’exploitation informatique open source). En 1997, il crée Rubberhose, un logiciel destiné aux défenseurs des droits humains qui permet à son utilisateur de résister à quelqu’un qui chercherait à obtenir ses données par la force. L’idée du logiciel repose sur le fait de faire croire à la personne malveillante qu’elle les a obtenues alors que les véritables données restent préservées sur l’ordinateur.

Les contributions de Julian au sein des Cypherpunks témoignent également de sa fascination pour le langage. Il a acquis un logiciel qui permet de créer des anagrammes et qui l’amusera beaucoup (les anagrammes de la NSA, National Security Agency sont intéressants…) et s’est intéressé au « suivi de la dérive linguistique, c’est-à-dire le changement relatif de la fréquence des mots sur Internet au fil du temps ». Par exemple, ses recherchent affirmaient que sur un « corpus de 10 milliards de mot » le mot Dieu apparaît 2.177.242 fois et le mot Amérique 2.178.046 fois…

En 1998, Julian entreprend un grand voyage. Il part à la rencontre des membres Cypherpunks à travers le « worldefull world (sic)». Il veut rencontrer physiquement ces personnes avec lesquelles jusque-là, il n’avait eu que des conversations online via la mailing list.

  • 28 Octobre 98 San Francisco ;
  • 5 novembre 98 : Londres
  • 6 novembre 98 : Berlin, Francfort
  • 9 novembre 98 : Pologne, Slovénie, Europe de l’Est ;
  • 15 novembre 98 : Helsinski ;
  • 20 novembre 98 : Moscou ;
  • 25 novembre 98 : Irkutsk ;
  • 29 novembre 98 Ulan Bator ;
  • Décembre 98 : Beijing.

Au cours de ce voyage, il rencontre de nombreuses personnes qui vont devenir ses amis et ses collaborateurs… Parmi ce réseau que Julian se constitue figure, Daniel Mathews qui deviendra un membre co-fondateur de Wikileaks et plus tard le porte-parole du Chaos Computer Club (CCC)…

Voilà. C’était le 5ème épisode de la série sur la vie de Julian Assange qui vous emmènera jusqu’au cœur du réacteur de notre monde et vous en dévoilera les faces cachées. Demain, nous verrons comment Julian Assange a eu besoin de faire un « détour » par la physique quantique pour en arriver à conceptualiser WikiLeaks…

Belgium4Assange

Texte écrit par Delphine Noels,
Avec la collaboration de Marc Molitor, Pascale Vielle et Bogdan Zamfir

Le 4 janvier 2021 sera une date historique : à Londres, la justice britannique rendra son verdict dans le procès d’extradition de Julian Assange. Quels sont les enjeux de ce procès ? En quoi nous concernent-t-ils directement ? Difficile d’avoir les idées claires à ce sujet tant la mésinformation et la désinformation ont été grandes.

A partir du 1er décembre et jusqu’au 4 janvier, Belgium4Assange diffusera quotidiennement un épisode de WANTED, série Facebook qui raconte la vie de Julian Assange en 34 épisodes.

Sources – Pour en savoir plus

Quelques Cypherpunks célèbres : Shatoshi Nakamoto, (inventeur du bitcoin), Adam Back (inventeur de Hashcash, pour rappel le Hashcash est l’ancêtre de la preuve de travail qu’on implémentera ensuite dans Bitcoin, il a aussi créé Blockstream, co-fondateur de Blockstream) ; Jon Callas (responsable technique des spécifications de OpenPGP) ; Hugh Daniel (ancien responsable du projet FreeS/WAN) ; Hal Finney (cryptographe, auteur principal de PGP 2.0, designer de RPOW, reconnu comme ayant contribué au protocole de Bitcoin avec Satoshi) ; John Gilmore (un des fondateurs de l’Electronic Frontier Foundation) ; Ian Goldberg (Chief Scientist, Radialpoint) ; Lucky Green (auteur de la première implémentation libre de ring signatures) ; Eric Hughes (auteur du Manifeste Cypherpunk) ; Tim May (ancien scientifique en chef chez Intel, auteur du Manifeste d’un crypto-anarchiste) ; Jude Milhon (membre fondatrice du groupe, qui a inventé le mot Cypherpunks) ; Len Sassaman (mainteneur actuel du logiciel Mixmaster Remailer)…

Sur les Cypherpunks, nous vous conseillons vivement de lire deux livres :

Une utopie déchue, une contre-histoire d’Internet du XVe au XXIe siècle, Félix Tréguer, éditions Fayard.

Cypherpunks, Freedom and the future of Internet, Julian Assange, avec Jacob Applebaum, Andy Müller Maghun, Jeremy Zimmermann, 2012 (titre de la traduction française : Menace sur nos libertés, comment Internet nous espionne, comment résister, éd. Robert Laffont)

Aussi la vidéo qui a été à l’origine du livre (Julian Assange’s show, the world tomorrow) : https://www.youtube.com/watch?v=i85fX9-sKYo

Crypto, how the code rebel beats the Government – saving Privacy in the digital age, Levi, Penguin Books, Ltd, 2001.

The code Book, the secret history of codes and code-breaking, Simon Singh, 1999.

Le manifeste Cypherpunk :

– en français : https://activisme.fr/cypherpunk/manifesto.html;

– en anglais : https://www.activism.net/cypherpunk/manifesto.html.

Correspondance Julian Cypherpunksemaillist : http://cryptome.org/0001/assange-cpunks.htm.

Article de Suelette Dreyfus sur Rubberhose de Julian Assange.

https://images-wixmp-ed30a86b8c4ca887773594c2.wixmp.com/f/d336fa60-05da-434d-adc6-2afc2f8650cf/d63qcd2-a2d5975f-1914-4018-a1ff-443d57b053dd.pdf?token=eyJ0eXAiOiJKV1QiLCJhbGciOiJIUzI1NiJ9.eyJpc3MiOiJ1cm46YXBwOjdlMGQxODg5ODIyNjQzNzNhNWYwZDQxNWVhMGQyNmUwIiwic3ViIjoidXJuOmFwcDo3ZTBkMTg4OTgyMjY0MzczYTVmMGQ0MTVlYTBkMjZlMCIsImF1ZCI6WyJ1cm46c2VydmljZTpmaWxlLmRvd25sb2FkIl0sIm9iaiI6W1t7InBhdGgiOiIvZi9kMzM2ZmE2MC0wNWRhLTQzNGQtYWRjNi0yYWZjMmY4NjUwY2YvZDYzcWNkMi1hMmQ1OTc1Zi0xOTE0LTQwMTgtYTFmZi00NDNkNTdiMDUzZGQucGRmIn1dXX0.w7Utz9DL1voH0iGryGuxyL1AZpqrqb4B5SqOpBI9KfA.

Article de  Contrepoint : « Pour protéger nos données, devenons cypherpunks » : https://www.contrepoints.org/2019/11/07/357268-pour-proteger-nos-donnees-devenons-cypherpunks

Une histoire des Cypherpunks : https://medium.com/the-capital/a-brief-history-of-the-cypherpunks-31ae447a14f

Archives de la mailinglist Cypherpunk : http://mailing-list-archive.cryptoanarchy.wiki.

À propos de Pretty Good Privacy: https://youtu.be/xN0Z3w_ci9I

Sur la question de l’anonymat sur Internet :

Mémoire de Guillaume Pillot : https://corpus.ulaval.ca/jspui/retrieve/b80b8e47-882b-402b-9ebb-e21440e1e0bd

L’anonymat comme art de la résistance : https://journals.openedition.org/terminal/1862

Sur l’invention passionnante et révolutionnaire du RSA :

https://hackernoon.com/whitfield-diffie-on-the-history-of-cryptography-cae4d2469268

https://paquetteetpangloss.wordpress.com/2017/01/24/bibliographie/

 

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