La soirée gonfle de déconfitures, on entend un : « Le chemin est semé d’embûches et d’obstacles » suivi de près par un : « Les perspectives de lendemains meilleurs sont à portée de main ». Et on termine par un définitif : « Ce qu’on sait faire, on sait le défaire et le contraire ». La langue politique n’est même plus de bois ou alors c’est de ce petit bois dans quoi on taille les allumettes. La Première ministre en tout cas a rouvert les pépinières. On pourrait s’amuser de ce confinement verdurisé. Mais ce que disent ces vacuités langagières n’augurent rien de bien héroïque pour la suite : il n’y aura pas de jour d’après, on le sait déjà, plaidons alors pour qu’au moins il y ait une suite.

Pas certain. Le tragique de l’addition des morts – chaque jour vient avec son insupportable quota et le bilan belge est un chagrin toujours en hausse – ne parvient pas à effacer le trivial européen de l’avenir radieux et mieux disant. La Commission européenne, tout à son Green Deal, vient en effet de choisir BlackRock, parmi les huit prétendants en lice, afin de rendre un rapport sur l’intégration des facteurs environnementaux et sociaux dans la supervision des banques. Le gestionnaire d’actifs américain BlackRock, cornaqué par Larry Flint, détient des parts dans les plus grandes banques mondiales, d’une part, mais aussi dans les plus grandes compagnies pétrolières, d’autre part. La finance fossilisée, voici donc par quoi l’on entend nous redonner confiance. L’indignité de cette décision ne donne qu’une envie. D’aller se coucher. Mais pour ma part, c’est dans un lit.

Au moins, ne pas rêver de ces nouveaux mensonges.

Paul Hermant – 15 avril 2020