Enquêtes ouvrières en Europe - 8.
Les difficultés rencontrées par les organisations syndicales dans de nombreux secteurs des services ont suscité une littérature abondante (Béroud, 2009 ; Denis, 2009) qui les analyse en lien avec la dynamique plus générale de transformation des organisations syndicales et du militantisme (Guillaume et Mouret, 2004 ; Andolfatto et Labbé, 2006 ; Guillaume et Pochic, 2009 ; Yon, 2012). Malgré tout, des mouvements de grève et des luttes collectives « improbables » (Mathieu, 2007) éclatent régulièrement dans certains secteurs employant une main-d’œuvre précaire, parmi les femmes de chambre des hôtels (Puech, 2004), dans la grande distribution (Benquet, 2011), dans les librairies et les commerces de biens culturels (Collovald et Mathieu, 2009), dans les EHPAD1 et dans la sous-traitance industrielle (Berthonneau, 2020), parmi les aides à domicile, dans le nettoyage (Nizzoli, 2015) et plus généralement dans des secteurs d’activité où l’organisation du travail apparaît particulièrement défavorable à l’action collective (Abdelnour et al., 2009 ; Béroud et Bouffartigue, 2009). Ces mobilisations permettent d’interroger les conditions d’un « renouveau pour le syndicalisme contemporain » en dépit d’un mouvement général de précarisation des relations de travail (Nizzoli, 2017).
- 2 Si la notion d’isolement professionnel renvoyait jusque dans les années 1980 assez largement aux se (…)
- 3 Comme expliqué dans l’encadré méthodologique inséré plus loin, le secteur étant quasi-exclusivement (…)
2Au-delà du « cumul des précarités » (Denis, 2009) auquel sont confronté·es nombre des salarié·es des secteurs des services dits « peu qualifiés », et des caractéristiques propres à l’organisation ou au modèle économique de ces derniers, les aspects liés à l’absence d’un collectif de travail pérenne et solide figurent souvent au cœur des analyses, par exemple dans le cas de l’intérim ou de la sous-traitance. Comment mobiliser les salarié·es lorsqu’ils et elles sont isolé·es ?2 Dans cet article, nous souhaitons rendre compte des difficultés rencontrées par l’action syndicale dans le secteur du ménage au domicile des particuliers, secteur dans lequel les salariées connaissent une forme particulièrement poussée d’isolement professionnel puisqu’elles travaillent objectivement seules toute la journée3. En effet, si ces salariées sont situées « à la marge du salariat », c’est bien évidemment en raison du caractère nettement dégradé de leurs conditions d’emploi (Devetter et Rousseau, 2011 ; Devetter et Messaoudi, 2013), mais aussi, au sens littéral du terme, parce qu’elles travaillent en marge de tout collectif de travail, aussi réduit soit-il, loin des autres salariées exerçant la même activité professionnelle pour le même employeur.
- 4 L’enquête Conditions de travail – risques psychosociaux de 2016 a été réalisée par la Division de l (…)
3Cet isolement pose un problème redoutable à l’action syndicale : comment entrer en contact avec les salariées ? De ce point de vue, s’il n’est pas possible de faire du syndicalisme dans le nettoyage comme chez Renault, pour reprendre le titre de l’article de Jean-Michel Denis (2009) cité plus haut, il faut probablement s’y prendre encore autrement dans le secteur du ménage au domicile des particuliers où nul chantier n’est à conquérir. Une action syndicale est certes possible dans le secteur des services à la personne. Elle a été décrite dans le cas des aides à domicile (Avril, 2009 ; Béroud, 2013) ou encore dans celui de la garde d’enfants (Ibos, 2012, 2020). Il reste que les organisations syndicales sont peu présentes dans ce secteur d’activité. Dans l’enquête Conditions de travail de 20164, il est demandé aux enquêté·es s’ils ou elles ont participé, au cours des douze derniers mois, « à une discussion autour de problèmes liés [à leur] travail avec un·e représentant·e du personnel ». 27 % des salarié·es répondent positivement, 58 % négativement et 15 % évoquent l’absence de représentants du personnel. Parmi les employées de maison, seules 4 % des enquêtées répondent positivement et 65 % signalent l’absence de représentant du personnel.
4Participant à la réponse à une commande syndicale émanant de la Confédération française démocratique du travail (CFDT, l’une des principales confédérations syndicales françaises), dont l’objectif était d’identifier les freins à l’action collective dans le secteur des services dits « peu qualifiés », nous avons réalisé une enquête de terrain auprès de femmes de ménage employées par une grande entreprise de services à la personne (appelée ici Services Plus) mais nettoyant le domicile de clients particuliers. L’enquête s’est déroulée à Volans, une ville de l’ouest de la France d’environ 150 000 habitants, dans laquelle se situe également le siège social de l’entreprise. Nous avons en effet accédé au terrain via des déléguées syndicales CFDT, seul syndicat actif dans l’entreprise, d’abord rencontrées dans les locaux du comité d’entreprise (voir l’encadré 1). Lorsque l’enquête commence, en septembre 2015, les quelques élues mobilisées sont plongées dans le doute après plusieurs années durant lesquelles elles ont essayé de construire une action syndicale et de se faire connaître auprès des milliers de femmes de ménage employées par l’entreprise dans près de 150 agences réparties sur tout le territoire. Dans un premier temps, nous rendrons compte de la genèse de l’action syndicale chez Services Plus en donnant la parole à ses principales actrices, lesquelles évoquent un obstacle presque indépassable : celui de l’extrême isolement des femmes de ménage. De fait, et c’est ce que nous exposerons dans un deuxième temps, il est très difficile à l’observateur de reconstituer un collectif de travail, même lâche ou ténu. Pourtant, dans un troisième temps, nous montrerons qu’il ne s’agit pas seulement d’un isolement subi par des salariées démunies de toute forme de ressources. Attirées par le modèle de l’indépendance et par la liberté qu’il autorise, certaines femmes de ménage, qui pourtant font d’une certaine manière « carrière » dans l’entreprise, ne semblent pas souhaiter considérer Services Plus comme le lieu d’un possible collectif de travail.
Encadré 1. Une enquête parmi les femmes de ménage employées par Services Plus |
1. L’isolement des salariés, obstacle redoutable au développement d’une action syndicale
5L’histoire de l’implantation de la CFDT chez Services Plus (seul syndicat présent malgré une tentative récente de la confédération syndicale Force ouvrière (FO) dans un département voisin), telle qu’il est possible de la reconstituer à partir du récit de ses actrices, présente un certain nombre de similitudes avec la campagne de syndicalisation décrite par Sophie Béroud à propos des aides à domicile.
1.1. Genèse de l’implantation syndicale
6Tout d’abord, le processus repose ici aussi sur « le volontarisme de quelques individus » (Béroud, 2013, p. 114), et plus particulièrement sur celui de quelques femmes, au premier rang desquelles figure Nadège Martin. Cette dernière est embauchée par Services Plus en 2005 au poste de « téléopératrice » ; elle a alors 29 ans. L’entreprise a été créée l’année précédente et compte cinq agences en France et quatre salariées employées au siège dans une ambiance « très familiale », « dans le même bureau que le patron ». Originaire de l’ouest de la France, Nadège Martin a arrêté l’école en dernière année de l’enseignement secondaire, en classe de Terminale, alors qu’elle rêvait d’être ingénieure du son. Elle trouve un emploi d’opératrice de saisie dans une mutuelle puis déménage en région parisienne pour suivre son conjoint. Elle est alors employée comme secrétaire dans une petite entreprise de bâtiment et reprend une formation « Brevet de technicien supérieur (BTS) secrétaire comptable ». Suivant à nouveau son conjoint, elle arrive à Volans, devient mère et répond à une petite annonce de Services Plus après son congé parental. Elle travaille d’abord au centre d’appel puis accède à un emploi de « secrétaire administrative » et obtient enfin un poste au service comptabilité, à un moment où les effectifs de l’entreprise croissent très rapidement, du fait de la loi Borloo de 2005 qui institutionnalise le secteur des services à la personne. En 2008, lors d’un séminaire, se faisant l’écho du mécontentement de la soixantaine de salarié·es du siège regrettant de ne plus être tenus informé·es des projets de l’entreprise, Nadège Martin interpelle le directeur des ressources humaines et réclame la création d’un Comité d’entreprise (CE). Arguant de l’existence de plusieurs entités juridiques sur le siège, la direction de l’entreprise se retranche alors derrière la nécessité de créer une Unité économique et sociale (UES). Nadège Martin n’abandonne pas son projet et, après avoir adhéré à la CFDT, obtient la création de cette UES « sur le siège ». Lors de notre premier entretien, elle présente son adhésion à la CFDT comme le résultat d’un choix par défaut :
« Donc avec la copine qui voulait s’investir avec moi, on commence à regarder les syndicats. On n’y connaissait vraiment rien du tout. Donc on ne voulait pas la CGT [Confédération générale du travail] parce que pour nous c’était trop les brûleurs de palettes, voilà. Et puis, ma copine s’appelle [nom du leader de FO de l’époque], donc on ne voulait pas FO [rires]. Et alors on commence un peu à regarder sur internet et puis, on ne connaissait pas d’histoire de branche, etc., on ne connaissait rien du tout. Donc on tape un peu “services à la personne”, et on est tombées sur la CFDT qui était à la base la seule qu’on… qui en parlait, quoi. Les autres, on ne les connaissait pas. La CFTC [Confédération française des travailleurs chrétiens], il y avait marqué “catholique” dedans, donc nous, catholique, on n’en voulait pas, et on trouvait que ce n’était pas représentatif de tous les intervenants ».
7Nadège Martin rejette pourtant la CGT en raison d’une sensibilité politique qui l’amène à écarter l’idée d’actions jugées trop radicales. De plus, lors du second entretien, tandis que nous cherchons à revenir sur ce choix de la CFDT, elle glisse que son grand-père, dont elle était proche, a été secrétaire d’une union départementale de la CFDT. C’est par ailleurs le signe d’une socialisation politique dans le cadre familial. Nadège Martin décrit ses parents (père principalement artisan, mère au foyer) comme étant politisés à gauche et a le souvenir de fréquentes discussions politiques à la table familiale. Adolescente, elle s’est mobilisée dans le cadre des élections municipales, élaborant et distribuant des tracts pour faire valoir les revendications des jeunes de sa commune.
8L’étape suivante, plus ardue encore, consistera à lutter pour étendre le CE à l’ensemble des salariées de Services Plus, c’est-à-dire aux femmes de ménage elles-mêmes, ce qui nécessite la création d’une UES au niveau national. Nadège Martin et l’une de ses collègues de l’époque se heurtent cette fois à une forte réticence de la part de l’entreprise, qui finira par céder devant la nécessité de négocier un accord sur l’aménagement du temps de travail suite à sa condamnation par la justice dans l’affaire des « contrats à temps partiel choisi » (voir l’encadré 2).
1.2. Comment accéder aux salariées ?
9Commence alors le plus difficile : avant même de songer à les mobiliser, comment entrer en contact avec des milliers de femmes de ménage, réparties dans plus d’une centaine d’agences locales en France et travaillant seules, loin de tout collectif de travail constitué ? S’il est par exemple difficile de pénétrer sur les chantiers de nettoyage (Denis, 2009 ; Nizzoli, 2015), la difficulté est encore plus grande pour les femmes de ménage travaillant au domicile de particuliers. Les responsables syndicales n’ont guère que les outils du comité d’entreprise pour tenter de communiquer, même si elles ont essayé un temps d’aller physiquement à la rencontre des intervenantes :
« Déjà, on a négocié un accord de droit syndical qui permet d’avoir tous les procès-verbaux de CE […]. On a fait un site internet sur le site du CE avec Cezam [un réseau national inter CE], on est en partenariat avec Cezam qui gère sur toute la France aussi, ce qui permet, par le biais des activités sociales aussi, d’attirer des gens. On a mis en place — ça, c’est du droit syndical grâce à la convention collective — une lettre trimestrielle envoyée aux intervenants. Donc tous les trimestres, on envoie de la communication. Les tableaux d’affichage ne fonctionnent que là où il y a des élus, il faut être clair. Et puis — cette année on ne l’a pas fait parce qu’on s’essoufflait, on n’était plus que six, sept à fonctionner encore pour travailler pour 12 000 salariés — mais les deux années d’avant, on a fait aussi des rencontres. On se déplaçait une fois par trimestre dans une ville pour essayer de toucher des salariés, ce qui fonctionnait plus ou moins bien. Parce qu’il faut y aller le week-end, le samedi matin, quand les gens ne travaillent pas. C’est là qu’on touche le plus de gens. Pour les rencontrer le samedi matin, il faut qu’on trouve un syndicat qui est prêt à ouvrir les portes alors que beaucoup sont fermés. Donc oui, c’est… Et puis après, il faut que la communication arrive : il y a eu des réunions où on se déplaçait loin pour deux personnes… ».
10Même si les élues syndicales, au prix d’une « petite entorse au règlement », utilisent les adresses électroniques récupérées dans le cadre des œuvres sociales et culturelles du CE pour tenter de communiquer avec les salariées, les résultats sont décevants. Au moment de l’enquête, les élections professionnelles viennent d’avoir lieu et Nadège Martin se désole des faibles progrès de l’implantation de son syndicat. En 2013, seules dix agences sur près de 150 avaient désigné des déléguées du personnel et ce nombre n’est que de 28 sur près de 200 en 2017 (« Tu regardes le tableau Excel, partout c’est carence, carence, carence… »). Lors des réunions nationales de formation organisées par la CFDT, Nadège Martin a l’occasion de mesurer le fossé qui sépare les services au domicile de particuliers des autres secteurs :
« Les filles, quand elles avaient fait leur formation de DP [délégué·e du personnel], elles étaient avec de vieux métallos et c’était du style :
“Ah ben nous, quand on n’est pas contents, on appuie sur le bouton, on coupe la chaîne !
— Eh bien non, nous on ne peut pas faire ça.
— Sinon, tu tractes le matin.
— Ҫa, on ne peut pas le faire non plus”.
C’est toute une nouvelle façon de communiquer et de s’adresser aux gens qu’il faut trouver. Et ce n’est pas évident parce qu’il faut que les gens soient à la limite plus demandeurs que quand ils étaient dans une unité de travail. Quand tu es dans une unité de travail où tu as tes collègues qui parlent et tout, où on est tous ensemble, il y a un peu l’effet boule de neige. Il y en a un qui le fait, alors tu fais plus comme ton copain. Là, c’est vraiment… il faut que le cheminement soit vraiment beaucoup plus individuel pour venir adhérer ».
11Or, quand cette démarche qui doit venir des salariées est effectuée, c’est assez fréquemment lorsqu’il s’agit pour elles de quitter l’entreprise, « quand elles veulent faire une rupture conventionnelle ou qu’elles veulent des renseignements pour démissionner ». Plus généralement, le turn-over très important parmi les femmes de ménage, étroitement lié aux conditions d’emploi très dégradées, met singulièrement au défi une action syndicale privée d’histoire et dont l’utilité et l’efficacité est alors à redémontrer en permanence, donnant aux militantes syndicales le sentiment de « devoir toujours tout recommencer » et d’être cantonnées à un « syndicalisme de service », par ailleurs vivement débattu au sein de la CFDT depuis le début des années 1980 (Guillaume et Pochic, 2009). Nadège Martin évoque ainsi à plusieurs reprises sa « casquette d’assistante sociale » qu’elle utilise pour débrouiller les situations de grande précarité auxquelles font face certaines salariées, lesquelles vont bien au-delà des conditions de travail et d’emploi chez Services Plus.
Encadré 2. Une bataille judiciaire contre les « contrats à temps partiel choisi » |
1.3. Une action syndicale sans adhérentes
12Le relatif découragement ressenti par Nadège Martin s’explique notamment par les faibles résultats de son action visant à essayer de faire adhérer les femmes de ménage, que ce soit à Volans ou dans le reste de la France. Alors même que ses collègues du siège l’accusent de ne pas assez agir pour elles et de consacrer toute son énergie aux seules femmes de ménage, elle finit par confier n’avoir probablement pas réussi à faire adhérer plus d’une cinquantaine de femmes de ménage sur l’ensemble du territoire. Ainsi, malgré des combats portés jusque devant la justice, dans la lumière des médias, il apparaît assez rapidement qu’il s’agit d’une action syndicale qui se déroule sans adhérentes et qui repose sur l’action résolue d’une poignée d’élues syndicales cumulant les mandats d’élue au CE, de déléguée syndicale ou de déléguée du personnel. Très concrètement, ce sont en réalité trois femmes qui se retrouvent chaque semaine dans le local du CE de l’entreprise, situé au sein des deux immeubles de bureaux du siège. Outre Nadège Martin, Isabelle Girard, 59 ans et responsable de secteur dans une agence locale de la région parisienne, joue un rôle important. Titulaire d’une maîtrise de philosophie, elle a travaillé pendant 28 ans dans une importante société d’assurance, exerçant différents emplois de cadre jusqu’à celui de responsable de la paie qu’elle occupe au début des années 2000 alors que sa société d’assurance fusionne avec une société étrangère. « Mise au placard », elle négocie son départ pour accéder à l’un de ses rêves : monter son entreprise. Elle ouvre deux centres de soins esthétiques à Paris, qu’elle revend au bout de sept ans, épuisée. Alors qu’elle était sur le point d’obtenir un poste de directrice d’un magasin de meubles, elle a un grave accident dont les conséquences l’empêchent de travailler pendant deux ans. Lorsqu’elle cherche à nouveau un emploi, elle enchaîne les déceptions, revoyant à chaque revers ses exigences « à la baisse ». Acculée financièrement, elle finit par postuler à un emploi de « gouvernante de maison » chez Services Plus. Lors de l’entretien et eu égard à ses qualifications, on lui propose un poste de responsable de secteur vacant dans une grande agence de la région parisienne. Même si le salaire est deux fois moins élevé que celui qu’elle percevait à la fin de son expérience dans les assurances, elle accepte et se « donne à fond » pendant des mois. Elle est promue responsable d’agence, jusqu’à ce qu’un changement se produise à la direction régionale de l’entreprise. Elle entre alors en conflit avec le nouveau directeur, lequel la rétrograde à un poste de responsable de secteur. C’est à cette occasion qu’elle entre en contact avec Nadège Martin qui lui propose de se présenter comme élue au CE. Outre ce mandat, au moment de l’enquête, Isabelle Girard, qui a d’autant plus facilement accepté la proposition qu’elle était adhérente CFDT lorsqu’elle travaillait dans les assurances, est également déléguée syndicale.
13Catherine David, 55 ans, est quant à elle femme de ménage. Après avoir longtemps travaillé pour l’entreprise de son mari, sans être déclarée, elle arrive chez Services Plus dans une période de crise, à 49 ans, à l’issue d’un divorce qui la plonge dans une situation de grande précarité (elle a habité pendant plusieurs mois dans une caravane). L’entreprise lui confie notamment le nettoyage des locaux du siège social durant deux heures tous les matins. C’est là qu’elle rencontre Nadège Martin : la manière dont elle raconte son adhésion, puis son militantisme (elle est alors déléguée du personnel de l’agence de Volans et déléguée syndicale) semble donner du grain à moudre aux analyses de Nadège Martin et d’Isabelle Girard sur les effets de l’isolement professionnel :
« Au début, travaillant sur le siège, Nadège, je ne la connaissais pas. Et puis bizarrement, une fois ou deux, on s’est dit bonjour comme ça. On m’avait dit : “Oui, c’est la fille du syndicat”, parce qu’à l’époque, on disait : “Faut pas trop lui parler parce que c’est la fille qui est syndiquée à la boîte”. […] Et puis, bizarrement, une fois, deux fois, on s’est dit bonjour et on en est venues à discuter. Je lui ai dit : “Je suis intervenante sur le siège”. J’avais déjà quelques soucis mais bon… sans plus. Et puis, de fil en aiguille, un jour elle me dit : “Tu m’as l’air d’avoir quand même un peu de caractère, de ne pas te laisser…”. Parce que déjà, à l’époque, je ne me laissais pas trop faire quand même. Même en n’étant pas syndiquée ni rien, au bout d’un moment, moi, j’avais vu des trucs, c’est vrai qu’on m’avait envoyée à droite, à gauche sur des clients à 25 bornes […]. Du coup, elle m’a dit : “Tu as l’air d’être motivée pour ton boulot et tout”. Puis après elle a connu un peu mon parcours, et elle m’a dit : “Effectivement, ça n’a pas toujours été simple”. Elle m’a dit : “Tu ne voudrais pas t’investir sur l’agence en tant que déléguée du personnel ?” Alors on est venues à en discuter plusieurs fois, etc. Puis c’est comme ça que je me suis présentée en tant que déléguée du personnel ».
14La proximité spatiale et la possibilité de rencontrer une élue syndicale a nettement favorisé l’adhésion et la rapide prise de responsabilité qui s’en est suivie. L’entretien révèle toutefois que Catherine David avait un certain nombre de prédispositions à l’engagement syndical. La socialisation familiale d’abord, avec un père cheminot et militant CGT (« voilà, je ne suis pas une novice ») ; un premier contact positif avec un syndicat, ensuite, alors qu’elle rencontre un souci dans le premier petit boulot qu’elle exerce, dans le commerce, juste après son divorce (« ils m’avaient bien aidée ») ; un niveau de diplôme non négligeable enfin, pour une femme de sa génération (elle est titulaire d’un baccalauréat technologique).
15En dépit de l’aide que lui apportent plus ou moins régulièrement deux ou trois autres militantes, ce trio constitue la cheville ouvrière de l’action syndicale chez Services Plus, négociant pied à pied avec la direction de l’entreprise, mais faisant un constat d’échec au moment de l’enquête : l’isolement des salariées constituerait un obstacle indépassable aux progrès de l’implantation syndicale. Même si l’enquête révèle d’autres obstacles, il s’agit désormais de prendre cet argument au sérieux, en partant d’abord à la recherche des bribes d’un éventuel collectif de travail : les femmes de ménage sont-elles aussi isolées que les militantes le décrivent ?
2. Un métier sans collectif de travail ?
16Inhérent à la nature de l’activité de ménage au sein des domiciles de particuliers, l’isolement professionnel des salariées de Services Plus est aggravé par les transformations récentes de l’organisation de l’entreprise.
2.1. Un isolement professionnel particulièrement marqué dans le secteur du ménage à domicile
17Dans l’enquête Conditions de travail, une question invite explicitement les enquêté·es à se prononcer sur la fréquence à laquelle ils et elles sont amené·es à travailler seules. Les résultats laissent entrevoir qu’il s’agit d’une situation fréquente. En 2016, 34 % des enquêté·es déclarent travailler « toujours seul·es » et 23 % « souvent seul·es ». Cette question est toutefois peu exploitable pour définir les contours d’un réel isolement professionnel dans la mesure où elle renvoie plutôt, pour une large part, à des situations d’autonomie dans le travail. En effet, les consignes aux enquêteurs et enquêtrices précisent que « seul·e signifie ici en autonomie, sans collaborer, et non pas seul·e dans une pièce ». Cette autonomie dans le travail est ainsi majoritaire dans toutes les catégories socioprofessionnelles puisque, parmi les salarié·es, 60 % des cadres et professions intellectuelles travaillent toujours ou souvent seul·es, tout comme 53 % des professions intermédiaires, 54 % des employés et 50 % des ouvriers.
- 5 « Si vous avez du mal à faire un travail délicat, compliqué, est-ce que vous êtes aidé par les autr (…)
18Pour mieux mesurer l’isolement professionnel, il faut faire intervenir une seconde variable dans le raisonnement qui concerne l’aide que l’on peut éventuellement demander aux collègues en cas de « travail délicat, compliqué »5. 80 % des enquêté·es répondent pouvoir compter sur une telle aide, 11 % répondent par la négative et 9 % mentionnent explicitement l’absence de collègues. Environ 60 % des enquêté·es qui déclarent travailler toujours ou souvent seul·es affirment par ailleurs pouvoir compter sur l’aide d’un·e collègue, ce qui confirme que la première variable mesure davantage l’autonomie dans le travail que l’isolement professionnel. En revanche, 94 % des enquêté·es déclarant ne pas avoir de collègue affirment par ailleurs travailler toujours ou souvent seul·es.
- 6 Avec des données plus récentes, nous confirmons les résultats déjà mis en évidence par Christelle A (…)
19L’absence de collègues concerne environ 4 % des cadres et des professions intermédiaires, 7 % des ouvrières et ouvriers mais surtout 17 % des employé·es (tableau 1). L’utilisation de la nomenclature des PCS à un niveau plus fin laisse entrevoir la situation tout à fait particulière des salariées des services à la personne : 81 % des assistantes maternelles et gardiennes d’enfants mentionnent l’absence de collègues, tout comme 84 % des employées de maison et de ménage et 48 % des aides à domicile. Si l’on restreint l’échantillon aux enquêté·es ayant répondu à la fois travailler « toujours seul·e » et ne pas avoir de collègue, alors les trois métiers principaux des services à la personne représentent 46 % de ce dernier tandis qu’ils ne représentent qu’environ 5,5 % de l’ensemble des salarié·es interrogé·es6. L’isolement professionnel dans les métiers des services à la personne est à ce point marqué qu’il semble plus fréquent que parmi les indépendant·es : 46 % affirment ainsi pouvoir compter sur les personnes avec lesquelles ils et elles travaillent habituellement, proportion encore supérieure à 20 % parmi celles et ceux déclarant travailler « toujours » seul·es.
Tableau 1. Possibilité de se faire aider par un·e collègue en cas de travail délicat (en %)
Source : enquête Conditions de travail 2016 de l’INSEE. Champ : salariés.
Note de l’auteur : nous reproduisons ici les intitulés non mixtes tels qu’ils apparaissent dans l’enquête de l’INSEE.
20Dans le cas des femmes de ménage intervenant au domicile de clients particuliers, la solitude constitue une dimension centrale des conditions de travail. Lorsqu’on leur demande d’évoquer les aspects les plus difficiles ou les plus pénibles de leur travail, elles mentionnent évidemment les maux liés à la pénibilité physique du métier : les douleurs lombaires ou dans les jambes, les difficultés liées aux positions accroupies, etc. Ces différentes dimensions sont toutefois évoquées rapidement, sur le ton de l’évidence, et la plupart des enquêtées ne s’y attardent pas. En revanche, elles se montrent plus disertes sur l’isolement, voire la solitude, qu’elles peuvent ressentir. Très concrètement, les femmes de ménage sont souvent seules sur leur lieu de travail. Contrairement à d’autres catégories de salarié·es du secteur de l’entretien ou du ménage, telles les femmes de chambre des hôtels ou certains employés du secteur du nettoyage industriel (Puech, 2004 ; Denis, 2009 ; De Troyer et al., 2013 ; Nizzoli, 2015), elles interviennent seules, sans collègue et souvent en l’absence des client·es. Interrogées sur ce point, elles estiment que la cliente ou le client est souvent absent, parce qu’il travaille ou préfère ne pas être présent, ne pas gêner, ne pas « être dans les pattes ». Dans ce cas, la relation est très désincarnée : après un premier contact en présence de la chargée de clientèle de l’agence locale lors du rendez-vous de signature du contrat, le client ou la cliente et la femme de ménage communiquent éventuellement par écrit sur un cahier de liaison remis par l’entreprise. Comme le dit l’une de nos enquêtées, Lydie Michel, « le client, on peut être des mois sans le voir, vraiment des mois ».
21Quant aux collègues, les occasions de rencontrer d’autres femmes de ménage de l’entreprise sont extrêmement rares, sinon inexistantes, à tel point que l’usage même du mot « collègue » peut sembler problématique. Lydie Michel confie qu’il lui arrive peut-être de croiser des collègues dans la rue sans le savoir. Au début de l’enquête, lorsqu’il s’agit de leur demander des coordonnées d’autres femmes de ménage à l’issue de l’entretien, toutes ou presque peinent à en fournir, sans que le phénomène ne semble pouvoir être expliqué par la seule réticence à jeter des collègues « en pâture » à l’enquêteur.
2.2. Un isolement renforcé par les transformations dans l’organisation de l’entreprise
22Travaillant seules, au domicile de particuliers souvent absents, les femmes de ménage employées par Services Plus pourraient trouver dans les agences locales de l’entreprise un lieu de sociabilité professionnelle où il est possible de croiser des collègues ou du personnel d’encadrement. Dans le cas des aides à domicile étudiées par Christelle Avril, le bureau de l’association constitue ainsi un lieu où les salariées peuvent « nouer des relations horizontales » et qui constitue « un cadre formel pour un collectif de travail » (Avril, 2014, p. 51‑52). Or, chez Services Plus, ou du moins dans l’agence enquêtée, les femmes de ménage n’ont que très peu l’occasion de se rendre sur place. Interrogées sur le sujet, beaucoup disent ne pas s’y être rendues au cours des derniers mois. Sophie Thomas et Roseline Petit expliquent qu’elles s’y rendent uniquement lorsqu’elles doivent aller chercher ou déposer des clés, c’est-à-dire lorsqu’elles ont un ou une nouvelle cliente ou quand il est demandé que l’intervenante ne garde pas les clés durant de longues vacances. Jocelyne Bertrand, qui trouve en plus que l’agence est « mal placée » dans la ville, y va également pour « déposer les congés » avant l’été. Les contacts avec le personnel d’encadrement de l’agence peuvent donc être extrêmement rares, après la signature du contrat de travail. Juliette Fournier explique par exemple qu’elle utilise systématiquement le téléphone lorsqu’elle doit parler à une responsable.
23De plus, les transformations récentes dans l’organisation des agences ont renforcé l’isolement des femmes de ménage et contribué à raréfier encore un peu plus les occasions de rencontre. Jusqu’à une période récente, plusieurs types d’emploi existaient dans les agences locales. Outre le ou la responsable d’agence, un ou une responsable adjointe était en appui, s’occupant du traitement des remontées des intervenantes mais aussi de la gestion des plannings, des problèmes matériels, apparaissant comme leur principal interlocuteur. Lydie Michel explique qu’il n’était pas rare qu’elle se déplace pour régler « un problème de planning » avec la responsable adjointe. Or, Services Plus a décidé de bouleverser sensiblement cette organisation du travail d’encadrement. Dans la majorité des agences locales, les postes de responsable adjointe ont été supprimés et remplacés par des postes de « coordinatrice de planning » (CPL) s’exerçant au siège social de l’entreprise. Un contact physique, dans une agence locale, a été remplacé par un contact téléphonique parfois à l’autre bout de la France. Cela a par ailleurs des conséquences concrètes sur le travail des intervenantes : ce sont désormais des salariées qui ne connaissent la plupart du temps pas du tout la région de l’intervenante, la topographie des lieux et donc les temps de transport nécessaires qui établissent leurs plannings, ce qui occasionne de fréquents conflits. Mais surtout, une telle réorganisation, dont l’objectif principal était clairement de faire des économies, a évidemment considérablement éloigné le monde des bureaux du monde des intervenantes, ce que déplore vivement Catherine David, femme de ménage et déléguée du personnel :
« Donc — mais on le leur avait dit — ça met une certaine distance entre les intervenantes et le contact qu’on avait avec l’agence. Tout le monde connaissait l’assistante d’agence. Et comme de fait on venait à l’agence, des fois, quand même, on avait croisé quelques filles. Mais là, aujourd’hui, comme tout le monde est dispatché partout, vous envoyez tout par les mails et puis ça se gère, voilà, ça se passe comme ça […] C’est complètement différent. On n’a plus ce contact qu’on avait avant, on connaissait la personne, on pouvait discuter, on pouvait dire : “tiens, tel client, voilà ce qui s’est passé”, tout ça ».
24Parallèlement à cette réorganisation des agences au niveau national, les trois agences locales de la ville où se déroule l’enquête ont fusionné. Tandis qu’auparavant chaque activité (ménage, enfant, personnes âgées) avait ses bureaux, ces trois activités sont désormais regroupées dans une seule grande agence avec des « responsables de secteur » chargé·es de développer chacune des trois activités. De l’avis général, cette fusion a également asséché le peu de sociabilité organisée par l’agence. C’est toute la question des « pots d’agence », qui ont normalement lieu deux fois par an et dont la fréquentation se serait tarie depuis la fusion.
25Le fort turn-over observé parmi le personnel d’encadrement dans les agences constitue le dernier facteur qui contribue à éloigner les femmes de ménage des agences locales. En effet, les salaires des encadrant·es sont relativement faibles (on peut estimer à 1750 euros nets le salaire d’un ou une responsable d’agence) tandis qu’ils et elles sont soumises à « une pression pas possible » : à Volans, quatre responsables d’agence se sont succédé au cours des cinq dernières années. Ce renouvellement fréquent rend impossible toute relation qui s’inscrirait dans la durée.
- 7 L’enquête s’est déroulée dans une des régions de France dans laquelle la part du « groupe majoritai (…)
26Tous ces éléments amènent à nuancer les constats effectués au sujet des aides à domicile en France ou des femmes de ménage issues de l’immigration aux États-Unis ou en Italie dont le cas est cité par Christelle Avril (2014, p. 52‑53 ; voir aussi Salazar Parrenas, 2001 ; Armenta, 2009). Ces exemples montreraient la capacité des salariées isolées par leurs conditions d’emploi et de travail à se reconstituer des « lieux de sociabilités informelles ». Non insérées dans des réseaux de type « communautaire » liés à une trajectoire migratoire7, travaillant pour une entreprise dont l’organisation tend à aggraver la solitude inhérente aux conditions d’exercice de l’emploi, les femmes de ménage interrogées dans le cadre de notre enquête peinent à sortir d’un isolement qui pèse parfois lourdement sur leurs épaules. Roseline Petit, 55 ans et six ans d’ancienneté dans l’entreprise, évoque ainsi l’importance pour elle d’écouter de la musique lorsqu’elle travaille :
« On a les écouteurs sur les oreilles et puis on écoute de la musique ou on écoute la radio ou on écoute quelque chose mais… mais il y a besoin de ça. Enfin, moi j’ai besoin de ça. Mes écouteurs, et puis éviter d’entendre trop l’aspirateur parce qu’au bout d’un moment vous en avez marre. Mais… c’est vrai que l’isolement, c’est dur ».
27Lorsqu’on lui demande si elle parle à certaines personnes de son travail, et par exemple avec sa fille, elle répond plutôt par la négative, dessinant les contours d’un isolement qui déborde de la sphère professionnelle :
« Non, pas avec ma fille, non. Avec mon conjoint, oui, un peu, mais bon, ça le saoule un peu. Mais c’est vrai que c’est arrivé aussi… il n’y avait personne, je ne parlais pas de la journée et puis je continuais le soir à ne pas parler. J’écoutais. J’écoutais. Donc… il y avait les enfants, mes grands enfants, qui étaient encore à la maison et… bah c’est eux qui parlaient, et je les écoutais. Et puis… mais c’est vrai qu’il y avait des jours où je continuais à ne pas parler le soir en rentrant ».
28Les effets de l’isolement professionnel sont bien documentés par la littérature qui cherche à identifier les facteurs favorisant la survenue des risques psychosociaux (Vézina et al., 2001 ; Pietri, 2010 ; Marc et al., 2011 ; Cartron et Guaspare, 2012). Dans le modèle de Karasek, classiquement mobilisé jusqu’à une période récente lorsqu’il s’agit d’estimer le risque de pathologies liées au travail, le « soutien social » (émanant des collègues ou de la hiérarchie) constitue une dimension essentielle (Karasek, 1979 ; Karasek et Théorell, 1990). Notre enquête ne permet pas de documenter de « pathologies de la solitude » (Ladreyt et al., 2013) parmi les femmes de ménage, même si elles sont de fait privées d’une bonne partie de la « sociabilité informelle du travail » qui, en débordant des seules « exigences de la collaboration professionnelle », appartient aux « plaisirs dérobés » du travail (Bozon et Lemel, 1990, p. 106).
29Lorsque les élues syndicales les décrivent comme isolées, elles rendent ainsi compte d’une dimension importante des conditions de travail et de l’expérience vécue par les femmes de ménage : l’observateur peine à entrevoir les contours d’un collectif de travail, même lâche ou ténu. Pourtant, et même si l’exemple de Roseline Petit indique que l’isolement peut être au moins en partie subi, ce n’est pas toujours le cas. Nous allons maintenant montrer que certaines femmes de ménage ne semblent pas particulièrement rechercher l’inscription dans le collectif de travail que pourrait constituer Services Plus, tant elles semblent « regarder ailleurs », davantage engagées dans des trajectoires de « quasi-indépendantes ».
3. Lorsque les salariées regardent ailleurs : l’attrait de l’indépendance
30Certaines femmes de ménage investissent d’abord positivement la relative autonomie dont elles bénéficient dans leur travail, favorisée par l’absence des collègues et de la hiérarchie.
3.1. Les différentes facettes de l’autonomie
31Le travail des femmes de ménage est certes contraint et contrôlé. Elles doivent tout d’abord suivre une liste de tâches négociée entre le personnel d’encadrement de l’agence et les client·es. Leur temps de travail et leurs retards sont étroitement contrôlés puisque les salariées doivent « pointer » grâce au téléphone portable fourni par l’entreprise lorsqu’elles arrivent au domicile à nettoyer et lorsqu’elles en repartent.
32Le travail est également marqué par des contraintes de rythme, car la négociation de la durée de l’intervention entre l’agence et les client·es conduit presque systématiquement à sous-estimer le temps nécessaire à la prestation demandée. C’est aussi la succession des interventions qui nourrit une contrainte de rythme contribuant à la pénibilité du métier. L’emploi du temps de Jocelyne Bertrand, 56 ans et employée par l’entreprise depuis six ans, permet d’en prendre toute la mesure. Tous les matins, elle nettoie les bureaux du siège social de l’entreprise de 6h à 8h ou 8h30. Comme elle n’a pas de voiture et prend les transports en commun, elle se lève à 4h20. Le lundi et le jeudi sont ses journées les plus chargées. Après le nettoyage des bureaux, elle enchaîne avec une cliente de Services Plus (« c’est à 8h30 mais je n’arrive jamais à l’heure, comme je prends les transports ») chez qui elle intervient pendant deux heures. Elle retourne ensuite chez elle où elle « mange en une petite demi-heure » et repart chez ses deux clients privés de l’après-midi, sa journée de travail se terminant à 18h. D’autres salariées évoquent la question des retards qui peuvent s’enchaîner au fil de la journée, liés à des temps de prestation insuffisants et des temps de transport sous-estimés. Ces retards peuvent s’accumuler, repoussant d’autant la fin de la journée de travail. Sans que les deux situations ne soient tout à fait comparables, on retrouve dans les descriptions effectuées par les femmes de ménage qui accomplissent les horaires les plus importants quelques-uns des aspects du travail intensif des femmes de chambre des hôtels (Puech, 2004).
33En dépit de ces contraintes et de ces formes de contrôle à distance, les femmes de ménage bénéficient d’une relative autonomie dans leur travail, davantage d’ailleurs que dans les autres métiers des services à la personne (Avril et Cartier, 2014). Cette autonomie est bien sûr favorisée par l’absence des supérieurs hiérarchiques ou de collègues qui pourraient exercer une forme de contrôle sur le travail effectué. Cette absence de la hiérarchie sur le lieu de travail permet d’ailleurs aux femmes de ménage d’intervenir au moins à la marge sur la quantité de travail à accomplir.
34Dans le cas des femmes de ménage, cette relative autonomie renvoie également à la possibilité de prendre des initiatives et de s’écarter du travail prescrit. Plusieurs expliquent prendre des libertés avec ce qui est prescrit, qu’il s’agisse de repousser des tâches jugées non prioritaires ou au contraire d’en accomplir d’autres, non prévues mais jugées nécessaires. Il semble que la plupart des initiatives soient bien accueillies par les clients, ce qui est fortement valorisé par les salariées qui y voient une reconnaissance de leurs qualités professionnelles. Il est d’ailleurs assez significatif que plusieurs enquêtées mentionnent cette capacité d’initiative lorsqu’on les interroge sur les qualités d’une « bonne femme de ménage ». Ainsi, pour Lydie Michel, 30 ans et travaillant chez Services Plus depuis trois ans, « une bonne femme de ménage, c’est une femme de ménage qui ne se contente pas de toujours faire la même chose, mais qui sait aussi voir ce qu’il faut faire pour le client et qui n’est pas forcément prévu ». De la même manière que les femmes de ménage des hôpitaux sont amenées en permanence à « négocier » les conditions de leur activité de nettoyage et à prendre des initiatives pour la rendre compatible avec la vie des services (Bretin, 2011), le ménage effectué au sein des domiciles particuliers ne se limite pas au suivi de routines et de protocoles, et cette marge de manœuvre décrite par les femmes de ménage est investie positivement et contribue à un certain engagement dans le travail. Pour Manuela Richard, 33 ans et employée de l’entreprise depuis 4 ans, « on est quelque part dans un métier de service, donc on est là pour rendre service aussi au client », et pour ce faire il convient parfois de devancer ses attentes. Ce discours est d’ailleurs volontiers repris par les responsables des agences locales qui y voient la possibilité de défendre la « professionnalisation » du secteur des services à la personne.
35Au-delà de la possibilité de s’éloigner des tâches prescrites favorisée par l’absence de supervision immédiate de leur travail, plusieurs enquêtées expriment un sentiment plus général de liberté qu’elles relient à la relative variété de leurs journées ainsi qu’aux fréquents déplacements, à l’instar de Jocelyne Bertrand :
« Je n’aime pas le ménage, ça, je le dis tout de suite. Les côtés positifs, c’est vrai que je n’arrive pas le matin et je repars le soir et voilà, la journée est faite. Non, je change. Je me promène et puis… enfin, je me promène d’un client à un autre. Donc je prends ma voiture et puis bon, ça me fait une pause en fait, hein. Pour ça, je… ça, j’aime bien. La liberté de… je n’arrive pas le matin à huit heures et je ne repars pas le soir à six heures ».
36Nombreuses sont les femmes de ménage interrogées qui comparent avantageusement, sur ce point, leur sort à celui d’autres salarié·es subalternes. Juliette Fournier évoque ainsi le travail de son mari, employé dans un grand magasin de bricolage, « toute la journée debout derrière sa machine à bois », pour relativiser la pénibilité du travail de femme de ménage. Elle confie également apprécier le fait de « changer de décor » pendant la journée, le tout « sans pression », loin des conditions de travail de son précédent emploi de vendeuse dans un magasin de prêt-à-porter.
37La figure de l’ouvrier d’usine, dont le travail est contrôlé étroitement et qui reste « sur place » à accomplir les mêmes gestes pendant des heures, « sans voir le ciel » comme le dit Manuela Richard, est visible en filigrane dans plusieurs entretiens.
38Enfin, plusieurs enquêtées font état de l’autonomie dont elles disposent dans le choix de leur temps de travail et des avantages que cela représente lorsqu’il s’agit de concilier le travail et d’autres sphères de l’existence. Les salariées interrogées dans cette ville de l’ouest de la France travaillent évidemment par nécessité. Pour les plus jeunes, souvent en couple avec un conjoint ouvrier ou employé, leur salaire est indispensable au budget de la famille et l’emploi de femme de ménage s’inscrit dans une succession d’emplois plus ou moins précaires, caractéristiques du salariat peu qualifié féminin. Pour les salariées plus âgées, dont les trajectoires professionnelles sont davantage hachées (périodes d’emploi peu qualifié entrecoupées de longues périodes d’inactivité suite à la naissance des enfants ou à un déménagement lié à un changement d’emploi du conjoint), l’entrée dans le métier de femme de ménage s’effectue bien souvent suite à une rupture biographique (un divorce ou le décès du conjoint par exemple), alors que des enfants adolescents sont encore à charge. Dans les deux cas, l’enjeu est de trouver un nombre suffisant d’heures de travail. À Volans et aux alentours, les clients potentiels pour ce genre de prestation ne constituent en effet pas un vivier suffisant pour offrir à toutes les intervenantes un nombre d’heures de travail proche d’un temps plein. En contrepartie, les salariées ont la possibilité de choisir des plages horaires sur lesquelles elles ne souhaitent pas travailler et ces souhaits semblent assez largement respectés par le personnel des agences. L’une explique ne pas travailler les mercredis et vendredis après-midi, ni au-delà de 16h30 les autres jours, souhaits clairement formulés lors de son embauche et respectés depuis. Une collègue a expressément demandé à être de retour chez elle tous les jours à 16h15 tandis qu’une troisième, qui commence tôt le matin, apprécie les moments passés avec sa dernière fille adolescente lorsqu’elle sort du collège en fin d’après-midi. Cette relative liberté dans le choix des horaires est souvent valorisée par les femmes de ménage interrogées comme leur permettant d’accorder du temps à leurs enfants et de mieux articuler les temps consacrés au travail salarié et au travail domestique. Cette « liberté » est ici aussi particulièrement appréciée lorsque les salariées ont précédemment exercé des activités professionnelles caractérisées par un temps de travail extensible et peu maîtrisable, comme le commerce ou la restauration.
3.2. Des « quasi-indépendantes »
39Il existe chez Services Plus un turn-over important parmi les salariées. Cependant, un certain nombre d’entre elles, surreprésentées parmi les enquêtées interrogées, parviennent à rester plus longtemps dans l’entreprise et à tirer profit des minces avantages que procure le statut de salariée. Il s’agit d’abord d’obtenir un nombre d’heures de travail suffisant et régulier. Si nombre de salariées doivent se montrer patientes avant d’y parvenir, l’évolution est beaucoup plus rapide pour celles qui ont des arguments à faire valoir dans la négociation. Ainsi, Juliette Fournier, qui quitte un CDI dans la vente à la naissance de son premier enfant, se décrit comme en position de force au moment de l’embauche :
« J’ai passé les entretiens et les tests et puis on m’a rappelée, j’ai eu rendez-vous et puis à partir de là, on m’a proposé des heures, 20 ou 24 heures je crois. Moi je leur ai dit “je viens chez vous à condition que j’arrive sur un trente heures, parce que j’ai quitté un CDI de trente heures” ; mon but c’était de retrouver un trente heures, donc ils m’ont trouvé 29h30. J’ai commencé le 20 août, et la première quinzaine de septembre, j’avais mes clients fixes ».
40Outre le CDI qu’elle quitte pour Services Plus, Juliette Fournier, âgée de 30 ans, peut faire valoir son niveau de diplôme relativement élevé (elle est titulaire d’un baccalauréat technologique). Ces deux éléments la distinguent d’autres candidates qui frappent souvent à la porte de l’entreprise dans des situations bien plus précaires et urgentes qui permettent aux responsables d’agence de leur faire accepter des interventions moins nombreuses et beaucoup plus irrégulières.
41Pour les salariées moins précaires et qui se stabilisent chez Services Plus, obtenir un nombre suffisant d’heures de travail et un emploi du temps régulier auprès de clients fixes ne constitue toutefois qu’un élément d’une stratégie plus générale : ces heures fixes ne sont considérées que comme un socle stable et garanti à partir duquel elles vont développer une activité que l’on pourrait presque qualifier de « quasi-indépendante ». Ces heures garanties par Services Plus leur assurent en effet un revenu minimal et régulier qu’elles complètent de manière relativement avantageuse en trouvant d’autres types d’interventions. Un certain nombre d’entre elles exercent ainsi également « en particulier employeur », c’est-à-dire directement embauchées par les clients chez qui elles interviennent, ce qui leur assure un tarif horaire bien plus avantageux. Les exemples glanés lors des entretiens laissent entrevoir une fourchette s’échelonnant alors de 12 euros (lorsque l’activité est déclarée) à 14 ou 15 euros (lorsque l’emploi n’est pas déclaré et que le paiement s’effectue de la main à la main), à comparer aux moins de 10 euros correspondant au SMIC horaire qu’elles perçoivent chez Services Plus. D’autres salariées parviennent également à obtenir des heures rémunérées par le Centre communal d’action sociale (CCAS), auprès de personnes âgées ou démunies, ce qui leur permet d’accéder à un certain nombre d’avantages liés au statut d’employée municipale. Pour pouvoir développer cette activité hors de l’entreprise, il faut donc négocier un nombre d’heures de travail suffisant, mais pas trop élevé. Catherine David, déléguée du personnel, évoque ainsi le cas de salariées qui signent un contrat avec Services Plus pour un nombre d’heures qui leur paraît ensuite trop élevé et qu’elles tentent de renégocier à la baisse à mesure qu’elles développent une activité auprès de particuliers employeurs :
« Certaines aiment bien faire leur tambouille : je ne vais pas y aller, je vais mettre le client ici, le déplacer là, je vais faire ci. C’est beaucoup comme ça dans le domaine du ménage, c’est comme si les gens travaillaient en CESU [chèque emploi service universel] en fait, ils ont l’impression d’être leur propre patron du fait qu’on n’a personne sur le dos en permanence, ils se donnent une liberté. Sauf qu’ici, on signe un contrat de travail, avec des heures, et donc c’est quand même des heures à respecter ».
42Nadège Martin pestait contre un certain nombre d’agences locales qui font signer des contrats ne respectant pas les 24 heures minimales âprement négociées auprès de l’entreprise. Les éléments recueillis lors de l’enquête conduisent à penser qu’il s’agit parfois d’une volonté des futures salariées, lesquelles entendent garder du temps pour développer leur activité ailleurs.
43Pourtant, ici encore, développer une activité en dehors de Services Plus nécessite un certain nombre de ressources et de compétences. Développer une activité indépendante, « en particulier employeur », implique de gérer directement les aspects administratifs avec le ou la cliente, liés à la rémunération ou à l’établissement du contrat de travail. Plus généralement, il est important de disposer de compétences qui peuvent se rapprocher de celles prêtées à un indépendant. Il faut par exemple être capable de prospecter ou de démarcher des clients potentiels, mais aussi se débrouiller d’un « imbroglio juridique » mis en évidence parmi les métiers des services à la personne en général (Laforge, 2005) et décrit par exemple dans le cas des aides à domicile (Avril, 2014). Pour une même activité, le ménage au domicile de particuliers, certaines salariées vont dépendre pour partie de la convention collective des entreprises des services à la personne (les heures Services Plus), pour partie de celle du particulier employeur et pour partie enfin de celle de la fonction publique territoriale (pour les heures auprès du CCAS). Les salariées doivent alors composer avec des règles différentes en matière de salaire, d’indemnité ou de congés payés.
44Juriste, comptable, gestionnaire : mieux vaut ne pas être dépourvue de certaines des compétences nécessaires à l’exercice de ces métiers pour « faire carrière » de la sorte dans le ménage. Cette forme de stabilisation dans le ménage à domicile, qui nécessite de jouer sur plusieurs tableaux, est-elle répandue ? Nos données ne permettent pas de répondre avec certitude à cette question. Elle est en tout cas très présente chez les femmes de ménage interrogées, lesquelles, rappelons-le, figurent parmi la frange la plus qualifiée scolairement et présentent une ancienneté supérieure à la moyenne chez Services Plus. Au-delà des ressources objectivables par une qualification scolaire, par exemple, les élues syndicales évoquent aussi des qualités davantage liées à la personnalité des femmes de ménage ou à des traits de caractère (la débrouillardise, l’énergie). Il semble en tout cas que la capacité à développer une clientèle particulière soit l’une des conditions qui permettent de se stabiliser dans un métier difficile et peu rémunérateur. Il s’agit dès lors de construire un compromis entre la sécurité relative d’un contrat de travail signé avec une entreprise tenue d’offrir des protections minimales à ses salariées, et des heures de travail plus rémunératrices avec un employeur particulier.
3.3. Lorsque le client invisibilise l’employeur
45Les femmes de ménage sont employées par Services Plus mais interviennent pour des particuliers clients de l’entreprise. Elles sont donc prises dans une relation triangulaire d’emploi ou, pour le dire autrement, dans une « forme de travail intermédié » (Schütz, 2014, p. 73) dont le développement constitue l’une des transformations majeures du salariat subalterne au cours des dernières décennies (Bernard, 2020), porté par la fréquence accrue de l’intérim et de la sous-traitance qui accompagne notamment l’essor du secteur des prestations de services aux particuliers et aux entreprises. Les conséquences de ces relations triangulaires d’emploi sur les conditions de travail des salariés ont été documentées dans de nombreux secteurs parmi lesquels le bâtiment (Jounin, 2008), la sécurité (Bauvet, 2015), la logistique (Tranchant, 2018) ou encore les prestations d’accueil (Schütz, 2018).
46La nature des relations qui s’instaurent entre les trois pointes du triangle varie notamment selon le secteur d’activité et les ressources que peuvent mobiliser les salarié·es. Dans le cas des femmes de ménage employées par Service Plus, il apparaît assez clairement que la relation entre client·e et salariée prend le pas sur la relation d’emploi entre l’entreprise et cette dernière. Il est ainsi instructif que les femmes de ménage interrogées s’approprient en quelque sorte les client·es de l’entreprise lorsqu’elles les évoquent dans les entretiens (« ma cliente », « ma petite senior », etc.). Lorsqu’elles sont amenées à évoquer leurs conditions de travail ou lorsqu’elles sont interrogées sur ce qui leur plaît dans leur travail, beaucoup de développements renvoient finalement à la nature des relations qui se nouent avec les personnes chez qui elles interviennent, tandis que l’entreprise qui les emploie est singulièrement absente de leur discours. La qualité de la relation entretenue avec les client·es tend à devenir le principal indicateur de la qualité de l’emploi. Il est des client·es « faciles », « agréables », et d’autres absent·es, voire « pénibles », « froid·es ».
47Lorsque le client ou la cliente est présente, cela permet des interactions qui deviennent le support d’un « relationnel » valorisé et source de plaisir au travail. Les récits recueillis amènent à penser que ces moments de sociabilité se partagent entre femmes, entre les femmes de ménage et les clientes. Ces relations semblent facilitées lorsque les clientes et les intervenantes sont relativement moins éloignées au sein de l’espace social, comme l’ont montré certains travaux réalisés dans d’autres métiers des services à la personne, et notamment parmi les aides à domicile (Meuret-Campfort, 2017 ; Avril et Cartier, 2019). C’est notamment le cas lorsque les femmes de ménage appartiennent aux fractions les moins dominées socialement. Juliette Fournier, déjà évoquée plus haut, est titulaire d’un baccalauréat technologique et figure ainsi parmi les plus diplômées des intervenantes que nous avons rencontrées. Elle explique avoir quitté un CDI dans la vente au moment de la naissance de son premier enfant, désireuse de pouvoir lui accorder du temps en maîtrisant son emploi du temps. Elle se montre particulièrement diserte sur les relations qu’elle entretient avec certaines de ses clientes, et notamment avec une professeure d’allemand à la retraite dont la figure revient fréquemment durant l’entretien, qu’il s’agisse d’évoquer les cafés partagés, les discussions « entre femmes » sur l’éducation des enfants ou les plaisanteries qu’elles ne manquent pas d’échanger. Elle livre aussi quelques anecdotes sur les dîners donnés par cette cliente, à la préparation desquels elle est associée. On devine ainsi un certain plaisir à côtoyer une cliente visiblement aisée avec laquelle il est possible d’avoir des goûts communs et des échanges argumentés. Elle évoque d’ailleurs une autre cliente, « chirurgienne des yeux », avec laquelle elle se permet de discuter de l’éducation des enfants, se rendant compte qu’elles sont « quasiment tout le temps d’accord ». Il est ici tentant de formuler l’hypothèse selon laquelle Juliette Fournier tire des bénéfices symboliques de ces échanges avec des clientes aisées. Cette relative « familiarité avec les élites » offre des « gains de distanciation sociale » (Bernardo, 2003, p. 378‑379) qui lui permettent, forte de son parcours scolaire et de sa facilité à échanger avec des clientes aisées, de montrer tout au long de l’entretien qu’elle n’est pas tout à fait une femme de ménage comme les autres.
48L’éloignement social entre les femmes de ménage et leurs clientes est également réduit lorsque ces dernières sont assez proches des classes populaires. C’est notamment le cas de clientes relativement âgées, commençant à avoir des problèmes de dépendance et bénéficiant de contrats de prévoyance leur octroyant quelques heures de ménage dans la semaine. Ainsi, Jocelyne Bertrand parle beaucoup d’une cliente septuagénaire, ancienne vendeuse, relativement isolée et fragile, qui attend sa venue avec impatience. Au travers des manières de la qualifier (« ma petite dame », « ma petite senior ») et des anecdotes racontées, on perçoit à la fois l’engagement affectif de Jocelyne Bertrand, le plaisir que lui procurent ces échanges et la fierté d’être utile : « ce n’est pas que pour le ménage, je sais que c’est aussi une compagnie pour elle ». D’une manière générale, la dimension relationnelle est fréquemment citée par les femmes de ménage lorsqu’on leur demande ce qu’elles apprécient dans leur métier, ainsi que « le contact » ou encore « l’humain ». Pour Roseline Petit, qui a elle aussi comme cliente une dame relativement âgée, la capacité d’écoute est même indispensable pour exercer ce métier (« on devrait avoir un diplôme de psy »). Ce sont ces relations qui se nouent qui constituent la face agréable de son travail (« la satisfaction de partir en sentant que cette petite bonne femme est mieux, qu’elle est contente, et puis je suis contente de ma journée »).
49Ainsi, lorsque le ménage est effectué chez des personnes perçues comme fragiles ou en demande, la relation de service dépasse de beaucoup le cadre du ménage, pouvant aller jusqu’à aboutir à une certaine forme, dans le discours, de renversement des rapports sociaux entre la femme de ménage et la cliente. Ces quelques exemples soulignent que l’attitude de la cliente et la nature des relations qu’il est possible de nouer avec elle contribue de manière importante aux rapports que les femmes de ménage entretiennent à leur travail et au sentiment de reconnaissance qu’elles peuvent ou non ressentir : on retrouve ici l’importance de la dimension symbolique des conditions de travail et des activités sociales liées au travail (Honneth, 2002 ; Fraser, 2004).
50L’activité de travail et la qualité de l’emploi ne sont donc pas jugées en bloc mais morcelées en plusieurs relations interindividuelles desquelles l’entreprise employeuse est singulièrement absente. Services Plus ne constitue ainsi pas un cadre de travail clairement identifié et apparaît encore moins comme un collectif de travail possible pour ces femmes de ménage attirées par le modèle de l’indépendance. Il est également frappant que le vocabulaire employé par les élues syndicales renforce cette référence à l’univers de l’indépendance : comme la direction de l’entreprise, elles évoquent les « intervenantes » plutôt que les femmes de ménage. Plus généralement, assimilé à Services Plus comme entreprise, le syndicat apparaît hors du radar de ces femmes de ménage. Il arrive même que l’action syndicale se trompe de cible en raisonnant dans le cadre du salariat. Après plusieurs mois de discussions avec la direction, les élues syndicales obtiennent que les femmes de ménage puissent être payées « au lissage » sur l’année, et non plus à la fin de chaque mois en fonction des heures effectivement travaillées. L’objectif était d’éviter la variabilité des revenus des salariées et de sécuriser ainsi leur trajectoire. Dans les faits, très peu de femmes de ménage ont opté pour cette solution, redoutant de « se faire avoir » ou de devenir prisonnières d’un contrat trop engageant.
4. Conclusion
51L’action syndicale chez Services Plus se heurte à de nombreux obstacles dont beaucoup, liés au cumul des précarités des salarié·es ou à l’organisation du secteur d’activité, ont été documentées par de multiples enquêtes. Dans cette entreprise de service à la personne, les militantes et élues syndicales en identifient un supplémentaire, dont le dépassement leur semble impossible : l’absence de tout collectif de travail et l’extrême isolement dans lequel exercent les femmes de ménage, qu’elles essaient de briser en rivalisant d’ingéniosité pour communiquer et se faire connaître. Il s’agit bien sûr d’un défi redoutable lorsque les plus de 10 000 femmes de ménage de l’entreprise travaillent pour plus de 150 agences disséminées sur l’ensemble du territoire. Il semble toutefois que ce que ces militantes identifient comme un isolement subi par les femmes de ménage doive également être analysé sous un angle un peu différent. Il traduit aussi l’attrait qu’exerce sur un certain nombre des plus dotées socialement d’entre elles le modèle de l’indépendance. Plus encore, nous faisons l’hypothèse que c’est ce qui permet à ces dernières de « faire carrière » dans le ménage au domicile de clients particuliers. Elles enchaînent alors les « prestations », dans un face-à-face avec le ou la cliente qui tend à invisibiliser à leurs yeux leur véritable employeur. Ces femmes de ménage, qui disposent d’un certain nombre de ressources, tentent de combiner les maigres avantages du statut de salariée procuré par Services Plus (et notamment un nombre d’heures minimal) avec la relative liberté d’une activité indépendante plus rémunératrice. Elles ne considèrent pas Services Plus comme le lieu d’un potentiel collectif de travail et les revendications construites par les élues syndicales, visant pour l’essentiel à faire se rapprocher les conditions d’emploi des femmes de ménage du reste du salariat, ne trouvent pas réellement d’écho auprès de ces « quasi-indépendantes ». Les élues syndicales se retrouvent cantonnées à un rôle « d’assistantes sociales », selon leurs propres termes, qu’elles exercent auprès de la frange la plus précarisée des salariées — que notre enquête ne nous a pas réellement permis d’approcher — qui leur sont adressées en situation d’urgence, et qui pour la plupart ne font que passer dans l’entreprise. Confrontées à la difficulté de pérenniser leur action et de la faire progresser, les militantes rencontrées en conçoivent une relative frustration.
52Cette enquête de terrain relativement limitée ne prétend pas fournir de conclusion définitive. Pourtant, il nous semble possible d’imaginer dans d’autres secteurs d’activités, et à d’autres niveaux de la structure sociale, des situations où de manière analogue l’attrait pour le modèle de l’indépendance, favorisé par le brouillage croissant des frontières entre le monde du salariat et celui de l’indépendance, contribue à empêcher l’émergence d’un collectif de travail qui constituerait la première étape nécessaire à l’amélioration de conditions d’emploi et de travail parfois à la limite de la légalité.
Camille Peugny
Sociologie du travail, 63/2, avril-juin 2021
Bibliography
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Notes
1 Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.
2 Si la notion d’isolement professionnel renvoyait jusque dans les années 1980 assez largement aux seuls travailleurs physiquement isolés dont il s’agissait d’assurer la sécurité (Krawsky et al., 1985 ; Lievin et Krawsky, 1990), elle met aujourd’hui l’accent sur la dimension relationnelle d’un processus qui conduit certains travailleurs, bien qu’exerçant physiquement parmi d’autres salariés, à s’isoler ou à être isolés jusqu’à ne plus pouvoir compter sur leur aide ; dans ce cas, le collectif ne permet plus « le partage social des émotions » liées au travail (Marc et al., 2011, p. 112).
3 Comme expliqué dans l’encadré méthodologique inséré plus loin, le secteur étant quasi-exclusivement féminin, nous désignerons ici systématiquement ces travailleuses au féminin.
4 L’enquête Conditions de travail – risques psychosociaux de 2016 a été réalisée par la Division de l’animation de la recherche et des études statistiques (DARES) du ministère du Travail auprès d’un échantillon représentatif de plus de 25 000 individus. Les chiffres cités dans cet article reposent sur des calculs effectués par nos soins.
5 « Si vous avez du mal à faire un travail délicat, compliqué, est-ce que vous êtes aidé par les autres personnes avec qui vous travaillez habituellement ? Oui, non, sans objet (pas de collègue) ».
6 Avec des données plus récentes, nous confirmons les résultats déjà mis en évidence par Christelle Avril et Marie Cartier (2014) concernant la hiérarchie interne au monde des services à la personne : les femmes de ménage se caractérisent par un isolement plus prononcé que les aides à domicile ou les gardes d’enfants.
7 L’enquête s’est déroulée dans une des régions de France dans laquelle la part du « groupe majoritaire » dans la population (au sens de l’enquête Trajectoires et origines de l’INED, à savoir la population née en France de parents eux-mêmes nés en France) est la plus élevée, avec plus de 90 %, contre 57 % en Île-de-France (Beauchemin et al., 2016). En effet, parmi les femmes de ménage employées par Services Plus dans la ville de l’enquête, seules deux n’ont pas la nationalité française et moins d’une dizaine sont immigrées ou descendantes d’immigrées.
List of illustrations
Title | Tableau 1. Possibilité de se faire aider par un·e collègue en cas de travail délicat (en %) |
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Caption | Source : enquête Conditions de travail 2016 de l’INSEE. Champ : salariés.Note de l’auteur : nous reproduisons ici les intitulés non mixtes tels qu’ils apparaissent dans l’enquête de l’INSEE. |
URL | http://journals.openedition.org/sdt/docannexe/image/39083/img-1.jpg |
File | image/jpeg, 341k |
References
Electronic reference
Camille Peugny, “Comment mobiliser des salariées isolées ? Le cas des femmes de ménage”, Sociologie du travail [Online], Vol. 63 – n° 2 | Avril-Juin 2021, Online since 07 June 2021, connection on 06 November 2024. URL: http://journals.openedition.org/sdt/39083; DOI: https://doi.org/10.4000/sdt.39083
The text only may be used under licence CC BY-NC-ND 4.0. All other elements (illustrations, imported files) are “All rights reserved”, unless otherwise stated.
L’auteur remercie les évaluatrices et évaluateurs de la revue pour leurs relectures attentives des précédentes versions de cet article. Leurs recommandations ont permis de faire émerger le questionnement au cœur du propos tenu ici. Il remercie également les participant·es du séminaire « Le travail : nouvelles questions, nouvelles expertises » du laboratoire Printemps pour leurs judicieux commentaires.
Source : https://journals.openedition.org/sdt/39083
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