Comment la gauche a organisé la diaspora philippine

Note de lecture de Insurgent Communities : How Protests Create a Filipino Diaspora,
par Sharon M. Quinsaat (University of Chicago Press, 2024)

 

 Plus de 10 % de la population des Philippines travaille à l’étranger et envoie des fonds qui sont essentiels à l’économie du pays. Un nouveau livre explique comment la gauche a conquis ce groupe, pour ensuite le perdre.

Lorsque des personnes partent à l’étranger et s’installent dans d’autres pays, elles ne forment pas automatiquement une diaspora. C’est plutôt l’activité politique et la mobilisation qui façonnent une diaspora, affirme Sharon M. Quinsaat, professeure agrégée de sociologie au Grinnell College (Iowa, USA), dans son ouvrage intitulé Insurgent Communities : How Protests Create a Filipino Diaspora.

 Pour plusieurs raisons, les migrants philippins constituent un cas intéressant. Non seulement la population migrante philippine, qui compte plus de dix millions de personnes réparties dans plus de deux cents pays et territoires à l’étranger, est l’une des plus importantes de tous les pays. La migration de la main-d’œuvre est un aspect essentiel de la politique économique de l’État. Et bien que les persécutions politiques aient poussé une partie de la diaspora philippine à quitter le pays, surtout pendant la dictature de Ferdinand Marcos entre 1972 et 1986, ce n’est pas le résultat de persécutions ethniques ou religieuses, les causes “classiques” des populations de la diaspora.

 Tant Bongbong Marcos, l’actuel président philippin et fils de l’ancien dictateur, que son prédécesseur, Rodrigo Duterte, ont joué un rôle important dans le blanchiment de l’héritage de Ferdinand Marcos, qui a été enterré en 2016 avec les honneurs militaires au cimetière national.

La diaspora philippine était autrefois une source importante de résistance contre la dictature, que les gouvernements conservateurs successifs ont cherché à réhabiliter. Aujourd’hui, une grande partie de la diaspora soutient des dirigeants de droite comme Duterte et Bongbong Marcos. Cette évolution ne s’est pas produite de manière isolée. Elle est, comme le montre Quinsaat, le résultat des transformations de la politique mondiale et du capitalisme.