Centenaire du Soulèvement des Kabyles du Rif contre la domination coloniale espagnole

Armin Osmanovic en conversation avec Reiner Tosstorff

Reiner Tosstorff (Reiner.Tosstorff@uni-mainz.de) est professeur adjoint d’histoire récente et contemporaine à l’université Johannes Gutenberg de Mayence. Ses principaux travaux de recherche portent sur l’Espagne au 19ème et au 20èmesiècle et sur l’histoire du mouvement ouvrier international, en particulier pendant les années de l’entre-deux-guerres.

Armin Osmanovic (armin.osmanovic@rosalux.org) est directeur du bureau de la Fondation Rosa Luxemburg pour l’Afrique du Nord à Tunis.

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En juin 1921, le soulèvement des Kabyles du Rif au Maroc a éclaté contre la domination coloniale espagnole. Quelle était la situation politique avant ce soulèvement?

Le Nord du Maroc, c’est-à-dire la région montagneuse du Rif, est tombé sous domination espagnole en 1912. Cette décision fut précédée de négociations compliquées entre les grandes puissances européennes. La France s’était emparée du territoire central du Maroc afin de compléter et de sécuriser la colonie algérienne qui existait depuis 1830 et le protectorat de Tunisie qui était sous domination française depuis 1881. L’Espagne est entrée en jeu dans le Rif parce que la Grande- Bretagne qui avait Gibraltar comme base de l’autre côté de la Méditerranée, préférait l’Espagne malgré l’entente cordiale qui la liait à la France depuis 1904. Une chose bien précise unissait avant tout l’Espagne, la Grande-Bretagne et la France, à savoir tenir l’Empire allemand hors du Maroc. En 1911, l’empereur Guillaume II avait envoyé la canonnière «Panther» à Agadir. Cet acte, connu sous le nom de «saut de panthère à Agadir», a failli déclencher une guerre. À part la situation géostratégique importante à l’entrée ouest, il s’agissait pour l’Empire allemand et ses organisations nationalistes comme la ligue pangermaniste (Alldeutscher Verband) également d’intérêts économiques. Les frères Mannesmann s’intéressaient à des gisements miniers présumés au Maroc. Le fait que cette richesse minérale ne soit pas suffisante pour réaliser un Eldorado est une autre page de l’histoire. L’espoir d’une richesse rapide a bien marqué le colonialisme et l’euphorie coloniale dans de nombreux cas.