Chronique brésilienne - partie 1
L’élection de Jair Bolsonaro à la présidence du Brésil ce 28 octobre a causé une vague de stupeur et d’incompréhension en Europe où on se demande quel vent de folie a pu frapper l’électeur brésilien pour élire un homme qui se déclare nostalgique de la dictature et grand admirateur de Pinochet, qui est ouvertement misogyne et anti-LGBT et qui a déclaré que s’il était élu ses opposants devraient soit quitter le pays, soit être emprisonnés.
Mais qui est donc Jair Bolsonaro ?
Les fascistes qui se font élire sont le plus souvent des tribuns extra-parlementaires qui mènent une campagne virulente contre la corruption qui gangrène l’ensemble du monde politique. Au Brésil, cette corruption atteint des sommets inimaginables chez nous, puisque plus de 60% des sénateurs et un tiers des députés font l’objet d’enquêtes judiciaires pour corruption. Le président sortant, Michel Temer, convaincu de corruption, n’a jusqu’à présent échappé à la prison que parce qu’il est protégé par son immunité de président jusqu’à la fin de son mandat au 31 décembre prochain.
Et pourtant Bolsonaro fait bien partie de ce système politique puisqu’il est député depuis 28 ans. Pendant cette longue période, il s’est surtout distingué par la violence de ses propos, ses appels à la reprise du pouvoir par l’armée, son apologie de la torture, ses attaques contre les femmes et les homosexuels. C’est ainsi qu’en 2016, il s’est adressé au parlement à une collègue députée, Maria do Rosario, en lui disant qu’elle était trop moche pour valoir la peine d’être violée, ce qui lui a valu une condamnation à une peine mineure. Sa nostalgie de la dictature est assumée :: les murs de son bureau sont ornés des photos des derniers dictateurs brésiliens.
Pour comprendre l’élection de Bolsonaro, il faut faire un peu d’histoire et dessiner le contexte politique du Brésil des dernières années.
Le Brésil : un pays sans grande tradition démocratique
Au cours des 100 dernières années, le Brésil n’a connu que peu de régimes démocratiques, le dernier en date ayant commencé en 1990, après plus de 20 ans de dictature militaire. Et cette démocratie est fragile, car il manque à ce pays une presse libre. La presse est totalement aux mains d’une oligarchie financière et industrielle, qui pratique la censure et mène depuis de longues années une campagne ouverte contre la gauche et les réformes introduites par le Parti des Travailleurs (PT) du Président Lula, considéré comme l’ennemi absolu.
L’anti-syndicalisme primaire de la presse dominante en Belgique n’est qu’un pâle reflet de la campagne permanente que mène la presse brésilienne contre le Parti des Travailleurs au Brésil. Ainsi, en Belgique, lorsque 70.000 personnes se déplacent à Bruxelles un dimanche pour protester contre des atteintes à la sécurité sociale ou aux pensions, cela donne droit à quelques lignes en pages 10 ou 12 des grands quotidiens nationaux. Mais au Brésil une manifestation de 200.000 personnes en faveur de Lula est complètement ignorée par la presse nationale, alors que lorsque 100 personnes l’accusent de corruption cela fait la Une des grands journaux.
Pour accéder à l’intégralité de cet article, vous devez vous connecter (connexion) ou souscrire à l’Abonnement numérique.
Michel Gevers,
correspondant de POUR au Brésil