CARTE BLANCHE
En 2022, les émissions de gaz à effet de serre en Belgique ont atteint leur niveau le plus bas en raison de la crise énergétique. Soit 4% de moins que l’année précédente. Ceci s’explique notamment du fait que les ménages ont réduit considérablement leur consommation d’énergie. Si cette diminution est positive, elle n’est hélas pas le résultat de politiques climatiques ambitieuses. Pour poursuivre cette tendance de manière structurelle, sans nuire à nos économies et à notre qualité de vie, nous n’avons pas d’autre choix que d’investir dans des politiques environnementales fortes.
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La réforme fiscale avortée du gouvernement fédéral contenait 3 mesures susceptibles d’encourager les investissements verts : le verdissement de la déduction pour investissement, qui permet aux entreprises d’amortir plus rapidement ces investissements. La suppression progressive des subventions pour le diesel professionnel qui rend les camions fonctionnant à l’électricité ou à l’hydrogène plus compétitifs plus rapidement.
Enfin, le transfert des droits d’accises de l’électricité aux énergies fossiles. Cette dernière mesure pouvant donner un coup de fouet à l’installation de pompes à chaleur et d’autres sources de chaleur verte. Avec l’échec de la réforme fiscale, ces mesures n’ont pas pu se concrétiser. Elles sont pourtant essentielles à la politique climatique fédérale et à « la prospérité » des budgets de l’État ! Raisons pour lesquelles je les remettrai sur la table du gouvernement lors du conclave budgétaire.
Le premier impact est fondamental : si nous n’investissons pas suffisamment en faveur de la décarbonation et que nous laissons donc le dérèglement climatique se poursuivre, les dégâts des phénomènes météorologiques extrêmes ne feront qu’augmenter considérablement. L’été 2023 en a été une douloureuse illustration. Au total, les assureurs ont par exemple versé 2 milliards d’euros d’indemnités pour la catastrophe climatique de 2021, dont 1,05 milliard sera finalement remboursé par les gouvernements.
Un deuxième effet est évident : une mesure qui rapporte est bonne pour le budget. Le gouvernement fédéral a encore dépensé 1,2 milliard d’euros pour le diesel professionnel en 2020. Diminuer le remboursement de ces accises est une économie immédiate pour le budget de l’état. Mais le transfert des droits d’accises, pour rendre l’électricité moins chère, peut également être neutre sur le plan budgétaire.
Il existe par ailleurs une dimension financière qui est encore trop peu (re)connue. Chaque tonne de CO2 économisée vaut actuellement environ 90 euros. Prenons l’année 2022 : en raison de la crise énergétique, les émissions de gaz à effet de serre étaient inférieures de 2,3 millions de tonnes à la trajectoire de réduction belge convenue en Europe. Une manne inattendue de 207 millions d’euros ! Inversement, par son manque d’ambition climatique, le gouvernement flamand en réduisant moins d’émissions de gaz à effet de serre que ce qui est requis nous engage dans une facture à payer d’un milliard d’euros en droits d’émission. En résumé : une politique climatique faible aujourd’hui coûtera au gouvernement des centaines de millions dans quelques années.
J’ai constaté ces dernières années que cette donne n’a pas encore suffisamment pénétré les esprits. C’est pourquoi j’ai intégré à la loi fédérale climat, adoptée en première lecture avant l’été, un mécanisme de financement. En prenant en compte le prix des droits d’émission, en plus du prix de l’énergie, nous obtenons une vue d’ensemble pour tous les investissements ou les dépenses publiques qui sont bons à la fois pour le climat et pour le budget.
Zakia Khattabi, ministre fédérale du Climat et de l’Environnement (Ecolo)